JAPON (Le territoire et les hommes)Histoire
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La modernisation
L'ouverture
Tout au long de la période Tokugawa, des paysans écrasés par la misère se soulevèrent. Ce fut en particulier le cas lors des famines de 1833-1838, pendant lesquelles, en outre, les grandes agglomérations qui attiraient les paysans affamés connurent des troubles. Ōsaka fut incendié en 1837, au cours d'une émeute provoquée par un ancien gendarme qui avait été au service du gouverneur shōgunal de la ville. Toutes ces agitations furent impitoyablement écrasées par les armées seigneuriales. Jamais les marchands n'ont songé à organiser une révolte. La menace venant de l'extérieur allait provoquer la mobilisation de toutes les forces vives du pays et déterminer le changement du régime.
Du milieu du xviie siècle à la fin du xviiie, le Japon vécut dans la quiétude la plus absolue. Il se sentit dans l'insécurité lorsque la Russie vint lui disputer la possession de l'île de Sakhaline et de l'archipel des Kouriles. Des officiers japonais firent le tour de Sakhaline, marquèrent la propriété des îles méridionales des Kouriles et, en 1813, les deux pays trouvèrent un modus vivendi. Des navires de différentes nationalités, anglais pour la plupart, s'approchèrent du Japon. Néanmoins, le danger ne fut véritablement perçu qu'en 1842, lorsque la Chine conclut le traité de Nankin, à l'issue de la guerre de l'opium. Le gouvernement shōgunal, qui venait d'échouer dans ses tentatives de réformes intérieures, permit à titre expérimental l'édification de hauts fourneaux et la modernisation des armées. Il fallut pourtant les deux voyages du commodore américain Perry, en 1853 et en 1854, et le séjour prolongé du consul Harris pour que le Japon signe des traités commerciaux. En 1859, outre les États-Unis, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Russie et la France furent autorisés à envoyer des négociants dans les ports de Yokohama, Nagasaki et Hakodate.
Arrivée au Japon du commodore Perry
L'arrivée au Japon du commodore américain Perry à bord d'un bateau à vapeur, en 1853. Estampe en couleurs. British Museum, Londres.
Crédits : Collection Dagli Orti/ British Museum Londres/ Aurimages
Les débuts de ce nouveau commerce extérieur, brusquement élargi, furent difficiles. Il se produisit une véritable hémorragie de l'or, ce métal étant devenu par rapport à l'argent moins cher qu'à l'étranger (notamment en Chine) ; les pertes furent considérables. Le taux de change or-argent sur les ports japonais ayant été aligné sur celui de l'étranger, le négoce put normalement commencer en 1860. Les prix internationaux étant bien plus élevés que ceux que pratiquait le Japon, les produits nationaux affluèrent vers les ports ouverts ; il s'ensuivit une disparité des prix entre les marchés intérieurs et les marchés de ces ports. Malgré tout, durant les premières années, le Japon tira profit du commerce extérieur, dont la balance devint positive, après deux siècles de déficit.
Cependant, l'ouverture au marché extérieur se répercutait rapidement sur la structure sociale et le régime politique. La première réaction fut d'ordre idéologique. La noblesse, traditionnellement xénophobe, reprochait au gouvernement shōgunal d'avoir signé les traités commerciaux, sans l'autorisation impériale. De nombreux rōnin se préparèrent alors à la guerre contre les puissances. D'abord, ils s'en prirent aux officiers du shōgun rendus responsables de l'ouverture, aux étrangers résidant au Japon et aux marchands japonais s'adonnant au commerce extérieur : assassinats et attentats se multiplièrent. À ce niveau la répression suffisait. Mais la rivalité des grands daimyō devenait inquiétante.
Sans la farouche détermination du gouvernement shōgunal de conserver le monopole des profits seigneuriaux réalisés sur les ports ouverts, les daimyō eussent trouvé leur compte dans le nouveau commerce extérieur. Ils tentèrent, sans succès, d'envoyer à Yokohama leurs propres marchands privilégiés. Ils attirèrent alors le shōgun à Kyōto, en le faisant convoquer par l'empereur en 1863. Bien que le shōgun ne résidât point en permanence dans la capitale impériale, le centre politique glissa d'Edo vers Kyōto. Ce bouleversement ne modifiait pas fondamentalement les institutions : le shōgun, très jeune encore, était le beau-frère de l'empereur Kōmei (règne 1846-1867), et son tuteur avait la confiance du souverain. Mais un affrontement se préparait entre deux groupes de daimyō : le premier rassemblait ceux qui avaient été héréditairement créés daimyō par les Tokugawa, au xviie siècle, et qui participaient au gouvernement d'Edo, quelque peu isolé de l'évolution politique de Kyōto ; le se [...]
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Écrit par :
- Paul AKAMATSU : directeur de recherche au CNRS
- Vadime ELISSEEFF : conservateur en chef du musée Guimet, directeur d'études à l'École pratique des hautes études en sciences sociales
- Valérie NIQUET : directrice du centre Asie, Institut français de relations internationales
- Céline PAJON : chercheuse au Centre Asie de l'Institut français des relations internationales
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Pour citer l’article
Paul AKAMATSU, Vadime ELISSEEFF, Valérie NIQUET, Céline PAJON, « JAPON (Le territoire et les hommes) - Histoire », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 24 janvier 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/japon-le-territoire-et-les-hommes-histoire/