JAPON (Le territoire et les hommes)Histoire
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
L'époque de Kamakura (1192-1333)
Le gouvernement des gens de guerre
Cependant une nouvelle société allait naître, coulée au moule plus rude des chefs militaires portés en avant par la victoire des Minamoto en 1185. Minamoto no Yoritomo, devenu chef de clans après de multiples guerres contre ses parents, s'était installé à Kamakura dans des fiefs relativement éloignés de la cour et dont l'empereur lui avait donné l'intendance. En 1192, il reçut, toujours de l'empereur, le titre de généralissime, ou shōgun ; ainsi se trouvait couronnée l'ascension des hommes de guerre, commencée trente ans plus tôt. Le shōgun, dont le titre complet et original est sei-i-tai shōgun, était d'abord le chef d'état-major de l'armée envoyée pour combattre les barbares. L'histoire japonaise en fait mention pour la première fois en 720 ; le titre n'était alors porté que temporairement, pendant la durée d'une expédition. Il fut attribué par l'empereur Go-Toba (règne 1185-1198) à Yoritomo, mais cette fois à vie et de façon quasi héréditaire.
Établi dans une région éloignée de la capitale, où les magnats locaux n'avaient toujours reconnu qu'à court terme l'autorité centrale, Yoritomo eut l'habileté de faire extérieurement profession de loyalisme à l'égard de l'empereur et de faire entériner ses actes par ce dernier. Cette attitude lui permit d'attirer à lui tous les hauts fonctionnaires pourvus de titres de noblesse trop modestes pour pouvoir prétendre à quelque avancement à la cour. En peu de temps, le shōgun disposa ainsi d'une administration de qualité, qui ne redoutait aucune innovation et dont le réalisme allait permettre une politique souple et efficace, à la mesure des problèmes complexes qui se posaient à lui. Le shōgun se trouvait à la tête d'un territoire constitué d'une multitude de parcelles indépendantes et disparates, tant sur le plan des règles générales et des procédés de gestion que sur celui de la justice. De plus, les anciennes autorités provinciales s'étaient transformées en autant de propriétaires disposant de ces clients armés qui constituaient l'élément dynamique de la classe des guerriers. Échappant à toute autorité centrale, les terres pouvaient être cédées ou partagées, créant un ensemble mouvant, instable. Avec l'accord de la cour, le shōgun, dont le gouvernement porte traditionnellement le nom de bakufu (littéralement « gouvernement de la tente ») par allusion aux camps militaires volants des anciens shōgun temporaires, créa un corps de commissaires aux problèmes militaires (shugo) et un corps d'intendants (jitō) chargés de la gestion économique et fiscale ; il institua de plus, à son avantage, un impôt de 20 % sur les récoltes. En fait, il s'agissait d'une élimination des cadres administratifs impériaux par les rouages d'une organisation nouvelle d'essence féodale. Au sommet, en effet, les principes appliqués furent ceux d'une étroite interdépendance d'homme à homme ; seigneur et vassal étaient unis par les liens quasi parentaux qui dépassaient les obligations contractuelles et celles mêmes de la famille. À la base de tout était la loyauté et ainsi s'élabora peu à peu un code de la bonne conduite du samurai, code qui recevra plus tard, au xviie siècle, le nom de Bushidō. C'est lui qui désormais régit dans l'honneur et le don de soi l'existence de tout gentilhomme ; ce dernier reçut une part active et bien précise dans la vie de la société. Soulignons en passant qu'il n'en était pas de même pour tous ceux qui ne relevaient pas de ce code. À sa mort, survenue accidentellement en 1199, Yoritomo laissait ses terres dotées d'une administration transformée et désormais adaptée aux disparités régionales ; ce pays soumis au bakufu était aussi relativement prospère, grâce à l'appoint des relations commerciales avec la Chine des Song. Après le long repli du pays sur lui-même au temps de Heian, l'époque de Kamakura devint un nouveau moment de profonde pénétration de la sensibilité nippone par les idées et doctrines venues du continent, arrivant à point nommé pour alimenter et vivifier la gestation sociale et intellectuelle du nouveau Japon.
Un samouraï , au Japon (vers 1867). Photographie de Felice Beato.
Crédits : Felice Beato/ Hulton Archive/ Getty Images
La régence des Hōjō et les Mongols
La succession de Yoritomo échut à la famille Hōjō, descendant de Taira no Sadamori et dont le chef, sous le titre de shikken (régent) de Kamakura, gouvernera en fait le Japon de 1200 à 1333, c'est-à-dire à peu près toute l'époque dite de Kamakura (Kamakura jidai). Ce passage du pouvoir aux mains de Hōjō Tokimasa (1138-1215 [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 61 pages
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par :
- Paul AKAMATSU : directeur de recherche au CNRS
- Vadime ELISSEEFF : conservateur en chef du musée Guimet, directeur d'études à l'École pratique des hautes études en sciences sociales
- Valérie NIQUET : directrice du centre Asie, Institut français de relations internationales
- Céline PAJON : chercheuse au Centre Asie de l'Institut français des relations internationales
Classification
Autres références
« JAPON » est également traité dans :
JAPON (Le territoire et les hommes) - Géologie
L'archipel nippon appartient à l'ensemble des guirlandes insulaires qui bordent la façade orientale de l'Asie. Il est composé de six segments : l'archipel des Kouriles et l'est de l'île de Hokkaidō ; l'île de Sakhaline et le centre de Hokkaidō ; l'ouest de Hokkaidō et le nord de l'île de Honshū (ou Japon du Nord-Est) ; la partie centro-méridionale d […] Lire la suite
JAPON (Le territoire et les hommes) - Géographie
Le Japon est situé à l'extrémité orientale du continent asiatique. Historiquement, il relève du monde culturel sinisé, et d'un Extrême-Orient par rapport à l'Europe. De nos jours, il fait économiquement et politiquement partie de la Triade, également composée de l'Amérique du Nord et de l'Europe occidentale. Par son avancée technologique, ses transformations sociales et ses hybridations culturelle […] Lire la suite
JAPON (Le territoire et les hommes) - Histoire
Dans l'histoire de l'Asie, le Japon occupe une place particulière du fait de son insularité. On l'a souvent comparée à celle de l'Angleterre dans l'histoire de l'Europe. Mais cette similitude géographique ne doit pas masquer les dissemblances qui, de fait, ont donné au Japon l'élément essentiel de son originalité et le caractère spécifique de son évolution historique.L'Angleterre, face à l'Europe, […] Lire la suite
JAPON (Le territoire et les hommes) - Droit et institutions
Au cours d'un développement d'une vingtaine de siècles, le droit japonais a connu bien des transformations spontanées ou suscitées par des influences extérieures. Jusqu'au milieu du xixe siècle, ces influences venaient principalement des civilisations indienne et chinoise, et, pendant des milliers d'années, le droit japonais a évolué sous l'empire exc […] Lire la suite
JAPON (Le territoire et les hommes) - L'économie
Les racines de la puissance économique du Japon remontent à l'ère Meiji (1868-1912), lorsque le pays passe du féodalisme à la modernité. Le but de rattraper l'Occident soude la population dans un effort collectif, matérialisé par le décollage économique : la croissance du P.I.B. passe de 1,2 p. 100 par an, en moyenne, entre 1879 et 1885, à 4,3 p. 100 entre 1885 et 1898.Dès la fin du […] Lire la suite
JAPON (Arts et culture) - La langue
Le japonais, langue commune de quelque cent vingt millions de locuteurs, emprunte au chinois une partie importante de son vocabulaire et la base de son écriture, mais ses caractéristiques fondamentales sont totalement étrangères à celles du chinois. En revanche, le japonais présente des ressemblances frappantes avec le coréen et avec le groupe des langues d […] Lire la suite
JAPON (Arts et culture) - La littérature
Dans le domaine des lettres comme en bien d'autres, les Chinois avaient été les initiateurs des Japonais. Avec l'écriture, en effet, ceux-ci avaient importé, entre le ive et le viiie siècle, à peu près tous les écrits de ceux-là. Mais après une période d'apprentiss […] Lire la suite
JAPON (Arts et culture) - Les arts
Issu, comme tous les arts de l'Extrême-Orient, de la Chine qui lui a fourni techniques et modèles, l'art japonais se distingue, cependant, par l'originalité de ses créations.Son développement est scandé de périodes d'absorption, où se manifeste un intérêt avide pour les formules étrangères, et de périodes d'adaptation au cours desquelles se dégagent les te […] Lire la suite
JAPON (Arts et culture) - Le cinéma
Un échange permanent entre les influences étrangères et la transmission d'un patrimoine culturel national a caractérisé les débuts de l'industrie en devenir du cinéma japonais. La concentration industrielle dès le début des années 1910, la structuration en genres spécifiques établis dès 1921, un tournant de l'industrie vite enrayé par une catastrophe nationale en 1923 ont marqué le développement d […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
Paul AKAMATSU, Vadime ELISSEEFF, Valérie NIQUET, Céline PAJON, « JAPON (Le territoire et les hommes) - Histoire », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 07 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/japon-le-territoire-et-les-hommes-histoire/