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HOMÈRE

État des recherches homériques

Perspectives nouvelles

« Le trésor de Troie »

En 1996, un événement de la plus haute importance est venu réjouir le monde savant : la publication du catalogue de l'exposition Le Trésor de Troie, organisée par le musée Pouchkine de Moscou. La fameuse collection Schliemann, que, jusqu'en 1993, on a cru disparue avec la chute de Berlin en 1945, fondue, dispersée et perdue pour l'humanité, était en réalisé « conservée depuis cinquante ans en Russie ». Même si ces bijoux et ces armes d'apparat n'ont rien à voir avec la Troie décrite par Homère et si ces trésors ne constituent certainement pas, comme le croyait Schliemann, le trésor de Priam, ils forment, à la fois par la beauté et la richesse des parures et la perfection plastique des haches-marteaux, un ensemble d'un intérêt extraordinaire pour l'histoire de Troie II et du IIIe millénaire av. J.-C. (la datation exacte des trésors est encore discutée par les spécialistes). Mais surtout, cette redécouverte nous éclaire sur la place de Troie II dans le commerce international de l'époque.

En effet, les analyses qui ont pu être ainsi pratiquées non seulement sur l'étain utilisé dans la fabrication des bronzes de Troie II, mais aussi sur le cuivre, donnent à penser que ces métaux étaient importés d'Afghanistan, via la Mésopotamie ou directement par la mer Noire. Cette hypothèse se trouve corroborée par la découverte à Troie d'une hache en lapis-lazuli, provenant vraisemblablement, elle aussi, de la même région d'Afghanistan. À ces importations s'ajoutent les produits d'exploitations minières de Troade, pour l'or, l'argent et le cuivre à l'arsenic. On fera un sort particulier à un fragment de hampe en fer qui fait partie des plus anciens objets en fer connus dans le monde, probablement tiré de fer météorique, l'exploitation des mines de fer ne commençant pas en Anatolie avant 1200 av. J.-C. Ces théories nouvelles, confirmées par l'examen des objets enfin rendus à la science, permettent de mieux appréhender le rôle essentiel joué par Troie II dans le commerce international entre 2400 et 2200 av. J.-C. La multiplicité des ateliers d'orfèvres, la haute technicité dont ils font preuve attestent l'importance de cette cité comme centre majeur du travail des métaux précieux. Les chefs-d'œuvre des maîtres troyens manifestent l'originalité de l'école de Troie II. La situation de l'emporion de Troie, au carrefour des routes maritimes entre la mer Noire et la mer Égée et des routes de caravane la reliant à la Mésopotamie, à l'Anatolie centrale et à l'Afghanistan, lui permet de drainer vers ses ateliers les métaux de pays lointains et d'accumuler les trésors que nous redécouvrons maintenant.

Cette préhistoire de Troie est d'un intérêt capital pour qui veut rapprocher réalités et texte homérique, car on retrouve le souvenir de ces splendeurs passées dans l'image que les Grecs se font de Troie ; de plus, les mêmes causes produisant les mêmes effets économiques, la richesse de Troie, raison essentielle du raid des pillards achéens au xiiie siècle, repose également sur la situation privilégiée de la ville dans les réseaux commerciaux, entre Anatolie et mer Égée.

Géologie et géographie de la Troade

Dans le prolongement des fouilles conduites par C. W. Blegen et l'université de Cincinnati entre 1932 et 1938, des échantillons de sol recueillis par l'expédition ont été analysés en 1975 ; de plus, de nouveaux sondages ont été effectués lors de l'expédition de 1977. Les résultats de ces travaux, publiés en 1982, sont d'un intérêt extrême pour les études de géographie homérique. En effet, l'hypothèse du tremblement de terre détruisant Troie VI se trouve confortée par la liste des vingt-sept séismes recensés depuis[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'histoire grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
  • : professeur honoraire à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
  • : professeur à la faculté des lettres, président honoraire de l'université de Franche-Comté

Classification

Pour citer cet article

Pierre CARLIER, Gabriel GERMAIN et Michel WORONOFF. HOMÈRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Le Rachat du corps d’Hector</em> - crédits : Erich Lessing/ AKG-Images

Le Rachat du corps d’Hector

Heinrich Schliemann - crédits :  DigitalVision Vectors/ Getty Images

Heinrich Schliemann

Homère - Asie mineure - crédits : De Agostini/ Getty Images

Homère - Asie mineure

Autres références

  • HOMÈRE (P. Carlier)

    • Écrit par Hervé DUCHÊNE
    • 1 055 mots

    « Homère : n'a jamais existé. » Cette formule péremptoire se lit dans le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert, qui la complète en ajoutant à propos du père de l'Iliade et de l'Odyssée : « Célèbre par sa façon de rire : un rire homérique. » La notice souligne avec humour...

  • ILIADE, Homère - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-François PÉPIN
    • 974 mots

    Au milieu du viiie siècle avant J.-C., un poète grec venu d'Asie Mineure, Homère, aurait composé en hexamètres dactyliques deux magistrales épopées, l'Iliade et l'Odyssée, mais le mystère entoure encore aujourd'hui ces deux textes : Homère a-t-il réellement existé ? A-t-il...

  • ODYSSÉE, Homère - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-François PÉPIN
    • 1 125 mots
    • 2 médias

    Comme L'Iliade, L'Odysséeaurait été vraisemblablement composée au milieu du viiie siècle avant J.-C. par le poète grec Homère. Cette épopée de vingt-quatre chants, en hexamètres dactyliques, relate le retour d'Ulysse à Ithaque après la guerre de Troie. Avant de retrouver son foyer,...

  • HOMÈRE (exposition)

    • Écrit par Hervé DUCHÊNE
    • 1 268 mots
    • 1 média

    Homère fut, selon la formule de Platon, le maître d'école de la Grèce. Dans l’Europe du xxie siècle, il reste, malgré le déclin de l’enseignement des langues anciennes, une autorité. Il faut revenir à cette origine dont nous sommes les héritiers, car, de Il Ritorno d’Ulisse in...

  • ACHÉENS

    • Écrit par Andrée POUGET
    • 2 530 mots
    D'abord, celui des rapports entre le monde mycénien et le monde homérique. Peut-on utiliser Homère pour étudier les Achéens ? L'important ouvrage de Wace et Stubbings, A Companion to Homer (1963), a posé encore une fois ce problème et, encore une fois, l'a laissé sans solution. Deux tendances...
  • ACHILLE

    • Écrit par Universalis
    • 506 mots
    • 3 médias

    Fils de Pélée, roi des Myrmidons, et de la Néréide Thétis ; c'était le guerrier le plus grand, le plus courageux et le plus beau de l'armée d'Agamemnon devant Troie. Selon Homère, il fut élevé par les soins de sa mère, en même temps que son cousin et inséparable ami ...

  • ÂME

    • Écrit par Pierre CLAIR, Henri Dominique SAFFREY
    • 6 020 mots
    Chez Homère, notre plus ancien témoin qu'il faut situer au-delà de 700 avant J.-C., ce que nous appelons « âme » (du latin anima, apparenté au grec ἄνεμος, vent, souffle) est en fait dédoublé et exprimé par deux mots grecs : le θυμός, qui signifie passion, volonté...
  • APOLLON, mythologie grecque

    • Écrit par Robert DAVREU
    • 798 mots
    • 1 média

    Expression la plus haute et la plus achevée de ce que fut le génie grec, Apollon apparaît, avant même la période classique, comme un dieu proprement hellène. En lui, toute trace d'une origine asiatique, si sensible chez d'autres divinités, Dionysos notamment, a été estompée, et ce dès avant les...

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