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ETHNOLOGIE Ethnologie générale

L'ethnologie a normalement pour données de base les relations découlant des nécessités de la vie en société. Ces relations sociales ont leurs modèles, mis en évidence par la répétition (par exemple, un père de famille joue avec ses enfants tous les soirs en rentrant du travail). Elles tendent à former un système, lié à d'autres et en partie déterminé par eux. Ainsi, aux rapports réguliers d'un homme avec ses enfants pendant le jeu répondent ceux qu'il entretient avec eux à table et à la maison en général, sans oublier l'importance considérable, en ce cas, de ses liens avec leur mère. Peut-être dépendent-ils de ses relations économiques (quitter la maison pour ses affaires) ou de ses relations juridiques (recevoir la garde des enfants à l'occasion d'un divorce). De ces systèmes interdépendants de relations sociales, les éléments principaux, envisagés avec une abstraction suffisante, forment la structure sociale.

On définit parfois les structures sociales comme des modèles idéaux ou formels, qui représentent les principes fondamentaux d'une société ou d'un système social (E. R. Leach et Lévi-Strauss). Moins formellement, la notion peut s'appliquer aux groupes les plus permanents ou à d'autres aspects stables du système social (Evans-Pritchard), au réseau des relations à l'intérieur du système (Radcliffe-Brown, F. R. Eggan), ou à l'interdépendance capitale des relations fonctionnelles dans la société (S. F. Nadel). Tous ces concepts sont toutefois corrélatifs dans la mesure où régularité, interdépendance et stabilité des relations sociales dépendent beaucoup de l'image idéale portée par la société. L'observateur doit donc posséder une capacité d'abstraction considérable qui lui fasse saisir les aspects formels.

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La structure sociale est en quelque sorte l'anatomie de la société : elle en révèle le cadre fondamental. Cependant, le comportement des individus varie, les uns se conformant aux règles instaurées, les autres non. Tout le monde ne suit pas les règles légales et morales du mariage ; d'ailleurs, tout homme, toute femme ne se marie pas nécessairement. Certains pères veillent à assurer largement l'éducation de leurs enfants et à guider leur développement social. D'autres leur permettent de se frayer leur propre route. Dans tous les domaines de l'activité, l'orientation prise par l'individu est fonction du choix qu'il fait entre plusieurs possibilités. On peut appeler organisation sociale l'ensemble des activités de ce type.

L'organisation de la vie sociale

Une société primitive se caractérise d'emblée par son importance numérique : elle se limite à quelques centaines ou quelques milliers de personnes, atteignant très rarement quelques centaines de milliers. Bien que soit démontrée l'importance des études démographiques pour l'analyse structurale (M. Fortes et d'autres), la taille seule n'est pas le facteur décisif.

Dans une telle société, presque toutes les relations interpersonnelles sont des relations directes, à moins que l'influence occidentale n'ait introduit les communications écrites. De plus, pour des causes techniques et sociales, les déplacements sont beaucoup moins fréquents. L'individu aura donc un champ de relations moins étendu que dans une société occidentale ; en revanche, ces relations seront plus stables. Presque toutes les relations s'établissent entre personnes qui se connaissent d'avance. Il ne peut être question de contacts impersonnels quotidiens comme avec un vendeur ou un fonctionnaire, par exemple.

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Ce facteur de proximité – formellement exprimé en termes d'associations de voisinage ou de groupements locaux – est très important dans les relations sociales. Les unités de maisonnée, de logement, de hameau, de village ou de quartier sont très variables. Elles servent de base à une coopération, économique ou plus générale. Elles tendent à déterminer le mode de regroupement de la parenté, puisque la propriété et d'autres droits s'y rattachent d'ordinaire. Dans une société primitive, le champ des occupations et des activités sociales particulières est beaucoup plus restreint qu'en Occident : les rôles sont loin d'être aussi différenciés. Pour la plupart des membres, il s'agit essentiellement de se procurer de la nourriture, avec à peu près les mêmes techniques, ce qui restreint considérablement les types de rapports possibles pour une personne donnée. Par contre, ceux que l'on rencontre peuvent assumer plusieurs fonctions, chaque relation est un réseau. Le même individu peut être père, chef de guerre, juge, responsable économique, professeur et prêtre.

L'ethnologie doit démêler pour les analyser (parfois de manière arbitraire) les catégories de rapports : économiques, politiques, juridiques ou religieux. Cette imbrication le conduit à souligner l'interdépendance, c'est-à-dire à chercher le rôle joué en chaque domaine par les relations tout en conservant le schéma global de la société.

En toute société, les individus s'ordonnent en groupes, familles, villages, clans, associations professionnelles, classes d'âge. Dans une société primitive, ces groupes ont tendance à être clos plutôt qu'ouverts (c'est-à-dire que la plupart recrutent leurs membres par la naissance) et il est obligatoire d'en faire partie. Dans une société de ce type, un individu n'appartient pas normalement à un groupe fondé sur l'adhésion volontaire, encore que certaines communautés connaissent des cercles et des sociétés secrètes qui se recrutent sur une telle base.

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Chez les primitifs, l'appartenance à un groupe fait partie du comportement normal. Les compétences et les intérêts ne sont guère facteurs de différenciation ; on se basera donc sur l'âge, le sexe, le voisinage et la parenté. L'individu peut rarement changer de groupe. La soumission aux vœux et aux règles de ses pairs est importante pour le bien-être ou même pour la survie.

À moins d'influences extérieures, de catastrophe naturelle, de pénétration économique ou de conquête, le changement social se fait lentement, bien qu'il ne soit en aucune façon exact que toutes les sociétés primitives sont statiques, ainsi qu'on l'a quelquefois supposé. Mais quand une petite société primitive entre en contact avec la civilisation occidentale, les changements sont nécessairement rapides et peuvent devenir catastrophiques. Les techniques nouvelles modifient les schémas anciens de travail et de coopération ; des activités nouvelles s'offrent aux individus ; l'introduction de la monnaie accélère les échanges, fournit un moyen plus général d'appréciation et la richesse devient plus facile à conserver. Les missions, l'administration et divers autres facteurs de développement introduisent de nouvelles habitudes et valeurs et portent atteinte aux institutions de cette population. Les contrôles traditionnels perdent de leur force ; il en résulte souvent une désagrégation sociale. Dans les cas extrêmes (par exemple dans les bidonvilles africains), la criminalité augmente dans des proportions considérables. Cependant, certaines sociétés réussissent à relever leur niveau de vie matériel, à développer la taille et la complexité de leur organisation économique et politique sans que leur éthique en soit modifiée radicalement. Parfois, elles réagissent en inventant de nouvelles formes sociales et rituelles, comme la danse de l'Esprit des Indiens d'Amérique du Nord, qui est une reviviscence consciente et organisée de leur culture originelle, où les cultes des marchandises de Nouvelles-Guinée, tentatives rituelles pour se rendre maître des richesses qui sont aux mains des Européens.

Tout cela a entraîné des modifications subtiles et profondes dans la structure sociale ; il ne s'agit pas d'un simple mélange d'éléments primitifs et d'éléments civilisés, mais de phénomènes originaux, de structures nouvelles qui requièrent des études techniques d'approche particulières.

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