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CONSERVATION DES ŒUVRES D'ART

Conservation des monuments du Moyen Âge

À partir de la Renaissance, les monuments du Moyen Âge étaient tenus en grand mépris, et, lorsqu'ils tombaient en ruine, on préférait souvent les remplacer par des édifices modernes. Cependant, on a beaucoup exagéré ce discrédit proféré quelque peu bruyamment par certains esthéticiens, car, en réalité, les monuments religieux n'ont pas cessé d'être entretenus. Chaque cathédrale avait une « loge » ou maison de l'œuvre, qui servait de lieu de réunion et d'agence à l'architecte et aux corporations chargés de l'entretien de l'immense édifice ; la cathédrale de Strasbourg a conservé intacte sa Bauhütte, où s'entassaient depuis le xiiie siècle des plans, des statues ou des vitraux non utilisés ou déposés. Les congrégations monastiques se montraient particulièrement attachées à la conservation de leurs monuments, notamment les bénédictins, à qui l'on doit, à la fin du xviie siècle, l'initiative des études historiques portant sur le Moyen Âge. Les protestants ayant ravagé l'église Saint-Étienne de Caen, en 1602 le chœur avait été voué aux démolisseurs, mais le prieur dom J. de Baillehache arrêta l'exécution de ce projet et fit entreprendre une restauration archéologiquement si exacte de cet édifice du xiiie siècle qu'aujourd'hui encore les spécialistes ont peine à les distinguer des parties anciennes. Ayant été incendiée en 1698, la nef de la grande église des dames nobles d'Andlau en Alsace fut reconstruite pieusement dans son style roman. Bien que ralenti, le chantier de la cathédrale de Milan resta ouvert pendant toute l'époque moderne et, en 1767-1774, les tours occidentales de la cathédrale de Mayence furent construites en style gothique pour compléter l'édifice.

Puits de Moïse, C. Sluter (1) - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Puits de Moïse, C. Sluter (1)

En dehors des règlements pontificaux concernant la protection des œuvres d'art antiques, qui, bien que renouvelés, n'ont en pratique jamais été observés, la plus ancienne organisation d'un service de conservation des monuments historiques se trouve en Suède où Gustav-Adolf, en 1630, édictait des mesures précises et désignait des fonctionnaires pour recenser les monuments anciens et relever les inscriptions runiques. En France, dès la fin du xviie et au xviiie siècle, le grand mouvement de recherches historiques, dû aux bénédictins de Saint-Maur, entraîne le reclassement des archives et des bibliothèques ; l'érudit Roger de Gaignières réunit par dizaines de milliers des documents recueillis dans tout le territoire français pour l'« éclaircissement de l'histoire de France », mais il fait autant de cas des copies qu'il fait exécuter que des originaux. Le renouveau de l'art religieux provoque, notamment en France et en Europe centrale, la destruction ou l'altération de nombreux édifices du Moyen Âge, en particulier des églises ou des monastères. L'indifférence pour tout ce qui est médiéval s'accroît encore à l'époque néo-classique, avec le renouveau d'intérêt pour l'Antiquité que provoque la découverte d'Herculanum et de Pompéi, fait qui marque un tournant en archéologie. En France, le Moyen Âge est plus que jamais méprisé. Ainsi les chartreux de Champmol, à Dijon, laissent-ils se dégrader la couverture du pavillon de pierre que leurs prédécesseurs du xviie siècle avaient élevé pour protéger le calvaire dit Puits de Moïse de Claus Sluter : cette négligence eut pour effet la ruine de la partie supérieure du célèbre monument.

L'indifférence des Français pour les peintures du Moyen Âge et de la Renaissance a entraîné la perte à peu près totale de celles-ci. Il n'en est pas ainsi dans les autres pays. Aux œuvres des grands maîtres de la Renaissance et du xviie siècle que se disputent à grand prix les collectionneurs s'ajoutent[...]

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Écrit par

  • : conservateur en chef au musée du Louvre, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
  • : conservateur des musées de France, département des peintures, musée du Louvre

Classification

Pour citer cet article

Germain BAZIN et Vincent POMARÈDE. CONSERVATION DES ŒUVRES D'ART [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Laocoon - crédits :  Bridgeman Images

Laocoon

Vénus d'Arles - crédits :  Bridgeman Images

Vénus d'Arles

Puits de Moïse, C. Sluter (1) - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Puits de Moïse, C. Sluter (1)

Autres références

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    • Écrit par Christiane M. ZIVIE-COCHE
    • 1 974 mots
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    Les temples d'Abu Simbel, mis en péril par la construction du grand barrage d'Assouan, furent, avec les autres temples de basse Nubie, l'objet d'une vaste campagne de sauvetage internationale, dirigée par l' U.N.E.S.C.O. à la demande de l'Égypte et qui se déroula de 1963 à 1968. Le déplacement des deux...
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    Non dénué d'ambiguïté, le métier d'archéologue ne saurait donc se limiter à une pure activité scientifique. À un bout de la chaîne, l'archéologue doit veiller à la préservation du patrimoine et à la sauvegarde des sites, ce qui le met immédiatement en conflit parfois avec des intérêts purement...
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