AUDITION Acoustique physiologique
Nous disons que nous entendons un son lorsque des vibrations de l'air ambiant, atteignant notre tympan, le mettent en mouvement dans des conditions d'amplitude et de fréquence telles que cette stimulation mécanique, qui est transmise par l' oreille moyenne à l'oreille interne, y provoque un phénomène bio-électrique. Commence alors le traitement de l'information contenue dans ce phénomène, traitement qui se poursuit à travers différents relais jusqu'au cortex cérébral et dont le résultat sera la perception du son.
L'analyse de la chaîne fonctionnelle qui va de la vibration du tympan à la perception a été conduite de manière remarquable dans le deuxième quart du siècle par Georg von Bekesy dont les travaux sont à l'origine de l'expansion remarquable que connaît aujourd'hui la physiologie de l'audition.
Il y a corrélation entre le développement de l'oreille interne et les capacités auditives. La supériorité des Mammifères, doués d'un récepteur auditif très long, enroulé sur lui-même, est incontestable.Comme les recherches effectuées chez le Cobaye, le Chat ou le Singe fournissent des résultats aisément transposables chez l'homme, nous analyserons ici les données fondamentales concernant la physiologie de l'audition chez les Mammifères.
L'appareil auditif humain
L'appareil auditif humain est un ensemble de structures anatomiques d'origine et de nature très différentes .
La partie extérieure, apparente chez la plupart des mammifères, entoure l'orifice d'une cavité de l'os temporal présente chez tous les vertébrés ayant un crâne osseux.
Cet orifice existe aussi chez les Sélaciens (requins et raies), mais il constitue chez eux un « évent » s'ouvrant dans le pharynx.
La communication entre l'orifice, devenu auditif, et le nasopharynx a été maintenue au cours de l'évolution et elle caractérise l'oreille moyenne. Chez les Mammifères, cette cavité renferme des osselets qui permettent la transmission des vibrations sonores de l'oreille externe (tympan) à l'oreille interne. Ces osselets, présents aussi chez les Oiseaux, les Reptiles et les Batraciens, mais sous une forme moins perfectionnée, sont les témoins d'une histoire évolutive très complexe qui a accompagné la grande saga paléontologique qu'on a appelée la « sortie des eaux ».
En effet l'origine de ces os se situe, chez les Poissons, dans le squelette céphalique au niveau de l'arc mandibulaire. Deux os de l'articulation des mâchoires de ces animaux, le carré et l'articulaire, deviendront enclume et marteau. Quant à l'étrier, il provient de l'arc hyomandibulaire.
Bien que ces pièces osseuses aient donc pris, avec l'évolution, des dimensions réduites pour pouvoir se loger dans l'oreille moyenne, elles ont acquis une fonction d'importance cruciale dans la transmission des vibrations sonores, comme nous le verrons plus loin.
En ce qui concerne la partie interne du système auditif, c'est-à-dire la cochlée, qui abrite les cellules sensorielles, elle est profondément incluse dans la partie pétreuse de l'os temporal, presque au contact du cerveau. Elle y coexiste (oreille interne) avec le système vestibulaire, c'est-à-dire l'organe de l'équilibration quant à lui peu modifié par l'évolution.
L'oreille externe
L'oreille externe comprend le pavillon dont la partie centrale, la conque, donne accès au conduit auditif externe fermé par le tympan. Chez l'Homme, ce conduit a une longueur de 25 à 30 mm et un diamètre moyen de 7 mm. Du fait de sa géométrie et de la nature de ses parois l'oreille externe ne transmet pas également toutes les fréquences. L'ensemble de la conque et du conduit auditif a une fréquence de résonance vers 2,5 kHz et la conque seule vers 5,5 kHz. Il s'ensuit que la transmission des fréquences comprises entre 2 et 7 kilohertz (kHz) s'opère avec un gain de l'ordre de 10 à 20 décibels (dB) par rapport aux fréquences inférieures à 0,5 kHz.
Dans le cas de certains mammifères, le pavillon est très développé (ex. chauves-souris) alors que, pour d'autres, la mobilité du pavillon permet à l'oreille externe de contribuer à la localisation des sources sonores dans l'espace. Chez l'homme, c'est l'orientation du pavillon, grâce aux mouvements de la tête, qui permet ce repérage.On a constaté que, lorsqu'une source est située derrière l'oreille, l'interférence entre l'onde directe et l'onde diffractée par le bord du pavillon produit une légère diminution d'intensité pour les fréquences comprises entre 3 et 6 kHz. Le spectre, et donc le timbre, d'un son complexe peuvent ainsi varier légèrement selon que la source se trouve en avant ou en arrière de la tête.
L'oreille moyenne
L'oreille moyenne est une cavité de la région mastoïdienne de l'os temporal, fermée du côté distal par la membrane tympanique, et communiquant avec l'oreille interne par deux ouvertures percées dans la paroi osseuse : la fenêtre ovale et la fenêtre ronde. L'air pénètre dans cette cavité par la trompe d'Eustache qui débouche dans le naso-pharynx ; son ouverture pendant la déglutition assure l'égalité de pression de part et d'autre de la membrane tympanique.
La membrane tympanique a la forme d'un cône d'environ 2 mm de hauteur dont la pointe est dirigée vers l'oreille moyenne et la base ovale fixée obliquement au fond du conduit auditif externe. Des fluctuations de pression dans ce conduit provoquent des mouvements de la membrane qui sont transmis à l'oreille interne par la chaîne des osselets. Celle-ci comprend le marteau, fixé par son manche sur le versant supérieur du tympan, l'enclume et l'étrier, dont la plaque s'insère dans la fenêtre ovale où elle est maintenue par un ligament annulaire élastique. Ainsi fixée par ses extrémités, la chaîne ossiculaire est en outre suspendue par quatre ligaments, si bien que ses mouvements, analysés par la technique holographique, sont assez complexes. Elle se comporte comme un levier qui pivote autour d'un axe antéro-postérieur passant par la tête du marteau et la tête de l'enclume. L'articulation entre les deux étant, chez l'Homme, assez rigide, tandis que la liaison de la base de l'enclume avec l'étrier est une rotule très mobile, il s'ensuit que les oscillations du tympan se traduisent par un mouvement de piston de la plaque de l'étrier, ce que les techniques modernes d'observation ont permis de vérifier.
L'amplitude de ces mouvements est contrôlée par deux petits muscles striés, le tenseur du tympan qui s'insère sur le marteau et dont la contraction réduit la mobilité de la membrane tympanique, et le muscle de l'étrier ou stapedius (stapes = étrier), dont la contraction réduit la mobilité de la fenêtre ovale. Le tenseur du tympan est innervé par le trijumeau et le muscle de l'étrier, par le facial.
L'oreille moyenne joue dans le fonctionnement auditif un double rôle, de transmission et de protection, qui doit être précisé.
La transmission des vibrations du milieu aérien au milieu liquidien de la cochlée pose des problèmes de physique dans le détail desquels nous n'entrerons pas. Rappelons seulement que si une onde acoustique se propageant dans l'air atteint perpendiculairement la surface d'un lac, par exemple, le millième de l'énergie seulement est transmis à l'eau, la quasi-totalité étant réfléchie. C'est que l'air et l'eau diffèrent par leur densité et leur compressibilité, deux paramètres qui déterminent la résistance, ou mieux l' impédance acoustique d'un milieu. La fraction d'énergie transmise d'un milieu à l'autre étant d'autant plus faible que le rapport des impédances est élevé, le rôle de l'oreille moyenne (et de la chaîne des osselets) est de diminuer le rapport entre l'impédance élevée de la cochlée et celle beaucoup plus faible de la membrane tympanique. Cette adaptation des impédances fait intervenir plusieurs facteurs dont le plus important est le rapport (17,2) entre la surface utile du tympan (solidaire du marteau), qui est d'environ 55 mm2, et la surface de la plaque de l'étrier, soit 3,2 mm2. Intervient également le jeu de leviers de la chaîne des osselets, le bras du marteau étant plus long que celui de l'enclume, auquel s'ajoutent, pendant le mouvement, les variations d'incurvation des parois du cône tympanique, ce qui a pour effet de multiplier la pression à la fenêtre ovale par 2,6 environ (en même temps que de diminuer la vitesse). Au total, on aurait une pression, à la plaque de l'étrier, quarante-cinq fois plus élevée qu'au tympan, soit un gain de 33 dB. Cette estimation, relative à l'Homme, est en bon accord avec des mesures directes de pression effectuées chez le Chat au niveau du tympan et derrière la fenêtre ronde. La courbe de la fonction de transfert de l'oreille moyenne, tracée à partir de ces mesures, donne un gain de 30 dB pour une fréquence de 1 000 Hz. En deçà et au-delà de cette fréquence, la transmission est moins bonne, le gain diminue.
La fonction de protection réside dans le contrôle des caractéristiques de transmission de l'oreille moyenne par suite de la contraction du tenseur du tympan et du stapédius. En augmentant la rigidité du système, cette contraction réduit essentiellement la transmission des sons de fréquence inférieure à 1 000-2 000 Hz. Elle peut être provoquée de façon réflexe par des sons intenses, mais la protection contre l'effet destructeur de ces sons sur l'oreille interne ne peut intervenir s'ils s'établissent très brusquement, car le changement d'impédance, qui débute avec une latence de 20 à 40 ms, n'atteint son maximum qu'après 90 à 100 ms. La contraction du stapédius est également provoquée par la vocalisation, la réponse du muscle précédant l'émission vocale. Il semble qu'il y ait là un mécanisme assurant la réduction de l'effet des sons émis sur l'oreille de la personne qui émet ces sons. D'une manière générale, en atténuant sélectivement les composantes de basse fréquence, la contraction réflexe des muscles de l'oreille moyenne permet une meilleure perception des stimuli complexes (comme la parole chez l'Homme) aux intensités élevées.
L'oreille interne
On donne quelquefois le nom d'oreille interne à l'ensemble du labyrinthe, cavité complexe, remplie de liquide, située dans la partie pétreuse de l'os temporal et qui comprend le saccule, l'utricule, les canaux semi-circulaires et le limaçon ou cochlée. La cochlée se présente comme un tube tronconique enroulé autour d'un axe creux, le modiolus (moyeu), sur deux tours trois quarts chez l'Homme. Cet enroulement hélicoïdal est propre aux Mammifères chez lesquels la cochlée est seule à être concernée par la fonction auditive et donc seule à mériter l'appellation d'oreille interne, car les autres organes du labyrinthe sont en fait des statorécepteurs qui interviennent dans l'équilibration et constituent le vestibule.
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Écrit par
- Pierre BONFILS : professeur des Universités, O.R.L. des hôpitaux de Paris
- Yves GALIFRET : professeur émérite à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
- Didier LAVERGNE : docteur en médecine
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- SENSORIELS ORGANES
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- TYMPAN, anatomie
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