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OS

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Seuls constituants du corps des vertébrés qui soient normalement préservés après la mort grâce à leur minéralisation élevée, les tissus du squelette (os, dents, cartilages) ont été longtemps considérés comme formant la charpente inerte de l'organisme. Toute l'évolution de la biologie s'inscrit en faux contre cette manière de voir superficielle. Actuellement, le squelette apparaît au contraire formé de tissus vivants ayant une activité physiologique importante, perpétuellement en voie de remaniement, échangeant sans cesse des éléments avec le milieu intérieur. Dans cette perspective, l'étonnant phénomène de la croissance squelettique, avec les changements de proportions qu'elle comporte, n'est que l'aspect le plus apparent de cette activité physiologique qui se poursuit toute la vie.

Cette conception essentiellement dynamique, issue de l'analyse microscopique, a ouvert la voie à l'interprétation fonctionnelle du tissu osseux qui constitue actuellement un domaine d'investigation très actif, abordé à l'aide d'une multitude de techniques modernes ; parmi les plus importantes, il faut compter l'emploi d'éléments marqueurs (chimiques ou radioactifs). Pour fructueuses que soient ces voies de recherche, il ne faut pas perdre de vue que les tissus squelettiques constituent aussi une charpente à rôle mécanique, à propos de laquelle le vaste et difficile problème de l'adaptation de la structure à la fonction peut être abordé de façon tout particulièrement intéressante.

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Enfin, grâce à la possibilité qu'a le squelette de se fossiliser, il fournit pratiquement la totalité des informations objectives dont on dispose quant au déroulement historique du phénomène évolutif. Il est peut-être moins connu, à ce propos, que la fossilisation préserve fréquemment les structures microscopiques du tissu osseux. Ainsi, au-delà de l'évolution morphologique du squelette, telle que nous la révèle la paléontologie classique, la paléohistologie offre l'intéressante occasion d'étudier le déroulement de l'évolution au niveau des tissus eux-mêmes. Cette science élargit ainsi à la dimension du temps les perspectives de l'histologie comparée, méthode d'investigation efficace pour parvenir à une interprétation fonctionnelle de la structure du tissu osseux.

Comme le biologiste, le médecin, pour attentif qu'il soit à l'importance du métabolisme phosphocalcique dans l'économie générale de l'organisme, ne peut oublier que le tissu osseux n'est que l'un des constituants des os. En tant qu'organes, ceux-ci représentent des édifices tissulaires, dans lesquels la moelle osseuse (c'est-à-dire le tissu conjonctif médullaire), par son rôle dans la formation des éléments sanguins, et le cartilage, par ses fonctions spécifiques, sont l'objet d'une pathologie particulière. Mais la complexité de la pathologie osseuse tient notamment au fait que des relations biologiques étroites unissent fonctionnellement les différents tissus ainsi intriqués.

On s'explique donc que les maladies des os puissent souvent faire l'objet non pas, comme on le croit communément, d'une pathologie locale mais au contraire d'une pathologie plus complexe, modalité ou témoin de la pathologie générale.

Le tissu osseux

Les classiques de l'Antiquité (Hippocrate, Aristote, Galien) spéculèrent sur la nature des os sans atteindre, semble-t-il, un niveau de connaissance vraiment scientifique. Galilée reconnaît la relation entre la forme des os et leurs fonctions mécaniques (1638), orientant ainsi les recherches dans une voie aussi fructueuse que riche en controverses, et illustrée par K. Culmann (1867), J. Wolff (1892), A. Benninghoff (1927).

Les modalités de la croissance et du remaniement des os ont été étudiées, dès le xviiie siècle, par H. Duhamel du Monceau (1739, 1743) qui utilisa pour cela les propriétés tinctoriales de la garance au cours d'expériences restées célèbres. J. Hunter (1798), M. Flourens (1845), G. Humphry (1858) développèrent ces premiers travaux et les modernes techniques de marquage par les tétracyclines en sont la continuation directe.

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La compréhension de la structure histologique du tissu osseux fut acquise lentement et difficilement au cours des trois derniers siècles. Les noms de A. Van Leeuwenkoek (1674, 1693), C. Havers (1691), J. Howship (1815), J. Müller (1836), A. von Koelliker (1853), K. Gegenbauer (1864) et V. von Ebner (1875), parmi beaucoup d'autres, jalonnent les progrès dans ce domaine.

Enfin, le problème de la constitution chimique de l'os fut abordé avec succès, dès le milieu du xviiie siècle, quand l'expérimentation démontra la présence simultanée de composants organiques et minéraux dans la substance osseuse (M. Hérissant, 1758).

Rapports de la structure à la fonction, modalités de la croissance et du remaniement, structure microscopique et, enfin, nature chimique apparaissent donc comme les quatre voies de recherche qui se sont précisées au cours de siècles de progrès difficiles. Il est important de reconnaître que chacune de ces voies intéresse un ensemble de problèmes qui se posent à des niveaux d'intégration différents de la structure osseuse. En effet, le terme d'os est ambigu car il désigne aussi bien un segment osseux ayant une signification d'organe anatomique, un fémur par exemple, que la texture et l'organisation microscopique des tissus de cet organe (histologie osseuse) ou que la substance chimique qui le compose (matière osseuse).

Ordres de structure du tissu osseux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Ordres de structure du tissu osseux

C'est pour remédier à cette confusion que H. Petersen a proposé (1930) de distinguer des « ordres de structure » qui sont généralement employés par les chercheurs actuels (tabl. 1). À chacun de ces niveaux d'intégration correspondent des problèmes particuliers qu'il convient d'aborder par des techniques différentes.

Ostéogenèse

On sait que le squelette comporte des éléments périphériques (exosquelette, ou mieux, squelette dermique) et des éléments profonds (endosquelette). Les tissus dentaires sont toujours associés aux os de l'exosquelette. La distinction entre éléments exo- et endosquelettiques, en outre, n'est pas essentiellement histologique mais plutôt histogénétique : elle tient compte, en effet, des modalités différentes de l'ostéogenèse qui se manifestent dans chaque cas.

Dans l'exosquelette, les éléments osseux se différencient toujours par ossification directe de membranes (on parle d'ossification dermique), tandis que dans l'endosquelette un stade transitoire cartilagineux précède presque toujours l'ossification, os et cartilage pouvant avoir ultérieurement des relations complexes.

Ossification dermique

Composant et constituants du tissu osseux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Composant et constituants du tissu osseux

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Prenons comme exemple le cas d'un os de la voûte crânienne. Du mésenchyme squelettogène apparaît dans la partie profonde du derme (cf. photo). Les cellules mésenchymateuses indifférenciées sont pourvues de prolongements cytoplasmiques et constituent un petit massif aplati. Leurs caractéristiques cytologiques se modifient et elles deviennent des ostéoblastes. Ceux-ci forment un îlot au contact duquel la substance intercellulaire acquiert des propriétés nouvelles ; il y a dépôt de fibrilles de collagène qui constituent l'essentiel de la substance préosseuse (tissu ostéoïde des pathologistes). Rapidement, intervient une minéralisation associée à la production in situ de phosphatase alcaline par les ostéoblastes et à l'incorporation de soufre dans certains constituants (acide chondroïtine-sulfurique) de la « substance fondamentale » située entre les fibrilles collagènes (cf. Métabolisme phosphocalcique). Des microcristaux d' hydroxyapatite (« sels de l'os ») se déposent sur la trame collagène irrégulière. La substance préosseuse ainsi minéralisée par ce phosphate de calcium devient alors la substance osseuse proprement dite, dont la composition est précisée dans le tableau 2. La texture de cet os jeune est souvent grossièrement fibreuse car les fibres collagènes sont disposées en désordre. Le mince disque osseux ainsi réalisé est entouré d'ostéoblastes et s'accroît par sa périphérie ainsi que par ses deux faces, supérieure et inférieure. Il y a donc développement par accrétion d'os nouveau.

Ce processus est général pour l'os ; en effet, à la suite de multiples controverses, il est désormais acquis que le tissu osseux, contrairement au cartilage, ne s'accroît jamais par expansion interne (intussusception) comme le croyaient encore J. Meckel (1815), R. Volkmann (1862), J. Wolff (1870), mais toujours par accrétion ou apposition (J. Hunter, 1798). Comme le dépôt osseux se poursuit, de nombreux ostéoblastes se trouvent emprisonnés dans l'épaisseur de la substance extra-cellulaire qui se minéralise ; on les nomme alors ostéocytes, ou cellules osseuses proprement dites. Les ostéocytes constituent ainsi des cellules vivantes emprisonnées dans la substance fondamentale de l'os. Ils sont pourvus de prolongements cytoplasmiques très fins (canaliculi) qui les relient les uns aux autres et ont un rôle nourricier. Les cellules sont enfermées dans des logettes (ostéoplastes), constituées par une différenciation acido-résistante de la substance fondamentale.

À partir de la petite plaque osseuse ainsi réalisée, en général près du centre du « territoire » qu'occupera le futur os, s'irradient des travées d'ossification qui progressent de manière centrifuge. À la périphérie du territoire occupé par elles, ces travées s'affrontent avec celles provenant des centres d'ossification voisins ; la limite entre deux territoires contigus ne s'ossifie pas tant que dure la croissance, car c'est seulement à ce niveau qu'un dépôt d'os nouveau est possible et que l'os peut ainsi s'accroître en surface. Par contre, un accroissement en épaisseur est possible par le dépôt de nouvelles couches osseuses superposées. Le processus aboutit, en général, à la formation d'un os plat de texture d'abord fibreuse puis lamellaire (cf. infra, Croissance des os). Une « table externe » compacte d'os cortical (ou cortex) limite l'os vers l'extérieur, et une « table interne », également compacte, le limite vers l'intérieur. Entre ces deux corticales, une région spongieuse (spongiosa ou medulla), lieu de résorption et de remaniement, contient la moelle. Cette structure « en diploé » est typique des os plats.

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Les os plats peuvent avoir en surface, par exemple chez les crocodiles, des ornementations variées (crêtes radiaires ou concentriques, cupules, etc.), ce qui implique des modalités plus ou moins complexes de la croissance et du remaniement, ainsi que des taux différentiels de la croissance des diverses parties de l'os (A. Bystrov, 1935). Des variations complexes des rayons de courbure impliquées par la croissance des os plats crâniens sont également réalisées par le jeu différentiel de l'érosion et de la reconstruction.

Enfin, les os dermiques peuvent être associés avec des tissus dentaires ou superficiels variés : dentine (ivoire) et ganoïne mésodermiques, émail épidermique, etc. C'est le cas chez les poissonssensu lato. Chez ceux-ci, ainsi que chez les amphibiens primitifs, certains os dermiques sont associés à des systèmes de canaux sensoriels (os à canaux). Dans ce cas, au moins chez les poissons, les neuromastes des canaux sensoriels jouent un rôle inducteur dans l'ostéogenèse (T. Pehrson, 1940 ; C. Devillers, 1947). Cette propriété est perdue chez les tétrapodes.

Ossification périostique

Ossification diaphysaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Ossification diaphysaire

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On peut la décrire dans la diaphyse d'un os long (fig. 1). C'est une modalité particulière d'ossification dermique qui se réalise, par exemple, au niveau de la diaphyse des os longs de l'endosquelette. À la surface du massif cartilagineux constituant le « modèle » de l'os, la couche fibreuse (périchondre) se différencie, dans sa partie profonde (couche ostéogène), en périoste par apparition d'ostéoblastes qui édifient une virole osseuse périostique à la surface de la diaphyse de l'ébauche cartilagineuse. L'apposition centrifuge de couches osseuses superposées est la cause de l'accroissement progressif en diamètre de la pièce osseuse. Dans les embryons de mammifères, l'os périostique présente, généralement, une texture fibreuse. Ultérieurement, le type d'os déposé change au cours de la croissance : l'os périostique qui se dépose alors est fréquemment de type lamellaire, ou encore composite (fibrolamellaire). Outre les ostéocytes, la substance osseuse englobe dans son épaisseur de nombreux vaisseaux sanguins du périoste, qui sont enfermés dans l'os au cours de son dépôt et assureront sa vascularisation.

Ossification enchondrale

Rappelons que l'ébauche cartilagineuse d'un os long s'accroît à la fois par apposition périphérique de cartilage nouveau provenant de la différenciation des cellules du périchondre, et par croissance interstitielle provenant de la division des cellules cartilagineuses.

Une fois la virole d'ossification diaphysaire formée (ossification périostique), le cartilage diaphysaire sous-jacent est envahi par des bourgeons de tissu conjonctif contenant des vaisseaux sanguins et des cellules indifférenciées. Des chondroclastes, cellules géantes polynucléaires associées à ces bourgeons, détruisent le cartilage diaphysaire par phagocytose. Ainsi se différencie la cavité médullaire diaphysaire, limitée à sa périphérie par l'os périostique. Dans les régions moyennes de l'ébauche cartilagineuse (métaphyses), le cartilage subit une évolution complexe (cf. photo), responsable de la croissance en longueur de l'ébauche. Entre les rangées de cellules cartilagineuses hypertrophiées résultant de cette évolution, la substance fondamentale du cartilage se calcifie, formant des travées sur lesquelles se déposent les premières lamelles osseuses de l'ossification enchondrale, d'où leur nom de travées directrices. L'enchondral apparaît grâce à l'activité d'ostéoblastes différenciés à partir des bourgeons conjonctivovasculaires qui avaient envahi la diaphyse de l'ébauche cartilagineuse. Il s'organise en une spongiosa.

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Chez les vertébrés inférieurs, ce processus de remplacement du cartilage hypertrophié métaphysaire par de l'os (néoplasie) est responsable à lui seul de l'ossification interne des ébauches cartilagineuses. Il ne persistera, finalement, qu'une étroite bande de cartilage épiphysaire qui joue à la fois le rôle de cartilage articulaire par sa face externe et de cartilage d'accroissement par sa face interne (tortues, crocodiles ; W. R. Haines, 1942). Chez certains poissons et lézards et chez tous les mammifères, au contraire, des centres secondaires d'ossification enchondrale apparaissent aussi dans les épiphyses : ils sont responsables de l'ossification indépendante de l'extrémité des os longs. Dans ce cas, le massif cartilagineux épiphysaire initial est séparé en deux parties distinctes par le centre secondaire d'ossification : une région externe, superficielle, le cartilage articulaire ; une région interne, profonde, séparant les centres d'ossification épi- et métaphysaire et constituant le cartilage de conjugaison, seul responsable de la croissance en longueur. Chez les mammifères, la fin de celle-ci est consommée par la fusion des ossifications épi- et métaphysaire, résultant de l'érosion définitive du cartilage de conjugaison.

Rapports du cartilage et de l'os

À la suite de controverses célèbres (H. Müller, 1858 ; N. Lieberkühn, 1862 ; E. Retterer, 1918, etc.), il paraissait bien établi que, dans le cas de l'ossification enchondrale, il n'y avait jamais transformation de cartilage en os (métaplasie chondro-osseuse), mais au contraire remplacement par celui-ci de celui-là (néoplasie). Mais ces vues classiques (P. Lacroix, 1949), qui demeurent largement correctes, doivent être quelque peu nuancées. Dans des circonstances pathologiques, on admet que des tissus cartilagineux ou « chondroïdes » puissent se transformer directement en os. Des expériences de culture de tissus sont venues confirmer l'existence incontestable de métaplasies chondro-osseuses (F. Bohatvichuk, 1969). De leur côté, R. Haines et A. Mohuiddin (1968) ont fait remarquer que la mince pellicule compacte et d'apparence osseuse située sous les cartilages articulaires semble normalement provenir d'une transformation directe du cartilage en os.

Les relations histologiques entre os et cartilage paraissent beaucoup plus variées chez les poissons que chez les tétrapodes. On a pu ainsi décrire chez eux des tissus mixtes (P. Stephan, 1900), des ossifications périchondrales, parachondrales (M. Blanc, 1958) qui pourraient faire intervenir, dans certains cas, une transformation directe du cartilage en os. Rappelons, à ce propos, que le terme d'os périchondral (souvent employé par les paléontologistes) a une signification topographique plutôt qu'histologique ; il désigne simplement une pièce osseuse différenciée à la périphérie d'un cartilage, éventuellement par un mode d'ossification périostique banal.

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Tous ces exemples confirment les relations qui existent entre os et cartilage (T. /Orvig, 1951 ; F. Pauwells, 1965). Les cellules mésenchymateuses squelettogènes sont originellement bipotentielles. Elles peuvent évoluer soit vers une chondrogenèse, soit vers une ostéogenèse en fonction de « facteurs locaux » (préexistence locale d'os ou de cartilage en particulier : B. Hall, 1968). Chez les vertébrés inférieurs, l'ambiguïté entre ces diverses catégories de tissus demeure beaucoup plus grande que chez les mammifères par exemple (M. Blanc). Il paraît peu probable, cependant, que les chondrocytes, après différenciation cytologique complète, soient en général capables de se dédifférencier à nouveau pour se transformer en un autre type cellulaire, en ostéoblastes en l'occurrence, comme cela était admis par les tenants de la conception classique de la métaplasie (E. Retterer). En effet, dans tous les cas où une métaplasie chondro-osseuse paraît indiscutable, elle se réalise à la surface des pièces cartilagineuses, près du périchondre, dans une région formée de cellules jeunes et peu différenciées. L'ossification enchondrale proprement dite, intervenant en profondeur dans le cartilage déjà très différencié, paraît au contraire ressortir au processus de néoplasie, au sens de remplacement d'un tissu antérieur par un tissu nouveau.

Croissance des os

La croissance en épaisseur de la diaphyse d'un os long se fait par apposition centrifuge d'os périostique, tandis que sa croissance en longueur est réalisée grâce au cartilage épiphysaire (ou de conjugaison), qui est remplacé au fur et à mesure de son allongement par l'ossification enchondrale. On a vu, d'autre part, que le développement osseux ne peut s'effectuer que par apposition d'os nouveau sur des surfaces préexistantes, jamais par expansion interne.

Dans ces conditions, pour que l'os en croissance puisse conserver des proportions constantes ou, au contraire, pour que ces proportions puissent changer, des phénomènes de destruction, d'érosion doivent faire partie intégrante du processus de croissance d'un segment osseux dans son ensemble, au même titre que les phénomènes de dépôt d'os nouveau. Ainsi, dans les os longs, les extrémités (épiphyses) ont un plus grand diamètre que la diaphyse. Au cours du développement en longueur, une région proche de l'épiphyse à un moment donné va se trouver progressivement intégrée à la région diaphysaire de l'os plus âgé (fig. 2). Cette région de transition (métaphyse) devra donc subir à ce moment une érosion périphérique, déterminant une réduction de diamètre, pour acquérir le diamètre de la diaphyse. Plus tard encore, ce même niveau sera intégré à la diaphyse moyenne de l'os encore plus grand : ce niveau recevra à ce moment un dépôt périphérique d'os périostique qui fera augmenter son diamètre. Enfin, quand l'os aura encore crû, l'érosion périmédullaire qui accompagne la croissance en diamètre de la diaphyse pourra faire complètement disparaître la région considérée. De même, l'une des faces de l'os peut se développer activement par apposition, tandis que l'autre face croît plus lentement (croissance différentielle) ou peut même subir une résorption, ce qui entraîne un glissement latéral du grand axe de l'os, ou dérive osseuse (fig. 3).

Remaniement lié à la croissance - crédits : Encyclopædia Universalis France

Remaniement lié à la croissance

Croissance différentielle de l'os - crédits : Encyclopædia Universalis France

Croissance différentielle de l'os

Dépôt et érosion de l'os apparaissent donc comme deux phénomènes complémentaires et indissociables, qui rendent compte simultanément de la croissance harmonieuse d'un segment osseux dans son ensemble. Tous ces phénomènes ontogéniques complexes s'inscrivent dans la structure de l'os au fur et à mesure de sa formation et y laissent des traces visibles dans la mesure où le remaniement haversien ne bouleverse pas entièrement les séquences de dépôt (cf. Remaniements). Ainsi, l'examen de sections adéquates de tissu osseux peut permettre à l'histologiste de reconstituer l'histoire de la formation d'un os au cours de l'ontogenèse, tout comme l'histoire géologique d'une province, inscrite dans la succession des couches sédimentaires, peut être reconstituée par le stratigraphe.

Types histologiques

En général, le tissu osseux diffère, chez le même individu, d'un os à l'autre. Dans un seul os, il diffère encore, à la fois localement et en fonction de l'âge individuel.

De plus, le tissu osseux n'est pas le même pour des espèces, des ordres et des classes différents.

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Pour décrire ces structures nombreuses et tenter éventuellement de comprendre la signification de leur variété, les histologistes ont été d'abord conduits à édifier des classifications plus ou moins typologiques du tissu osseux. On a tenté ensuite de relier structure et fonction, c'est-à-dire d'associer chaque type de tissu aux circonstances générales ou locales qui justifient sa présence en tel ou tel point du squelette : cet essai de classification fonctionnelle, qui peut coïncider avec la classification typologique, en est encore à ses débuts.

Les classifications sont, en général, fondées sur la structure de la trame collagène extracellulaire (F. Weindenreich, 1930 ; J. Pritchard, 1956 ; M. Gabe, 1967), ou sur les modalités de la vascularisation de l'os (E. Enlow et S. Brown, 1956). On n'en donnera qu'un aperçu.

Tissus osseux primaires

Les tissus osseux primaires sont formés par un dépôt (périostique) et non précédés par le remaniement d'os préexistant.

Os acellulaire

L'os acellulaire (et parfois avasculaire) est spécial aux téléostéens évolués (tissu ostéoïde des anatomistes, non des pathologistes). Une variante (aspidine) est présente chez les agnathes fossiles.

Os cellulaire

L'os cellulaire, avec ostéocyte inclus, est le cas général. Il comprend :

Ostéone primaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Ostéone primaire

– L'os lamellaire vasculaire, chez lequel les fibres collagènes sont fines et possèdent une orientation qui varie régulièrement d'une lamelle à l'autre. Les logettes des cellules osseuses sont fusiformes et disposées régulièrement. La vascularisation est assurée par des canaux vasculaires souvent entourés d'un manchon d'os lamellaire (ostéone primaire). Les canaux vasculaires sont le plus souvent longitudinaux (fig. 4), c'est-à-dire parallèles au grand axe de l'os. L'os lamellaire se déposerait lentement.

– L'os lamellaire avasculaire, dont l'isopédine des écailles de poisson constitue un exemple.

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– L'os fibreux, avec des fibres collagènes grosses, irrégulières, sans orientation spatiale privilégiée, des cellules osseuses réparties sans ordre et d'aspect globuleux ; les anfractuosités sont souvent nombreuses dans cet os qui se dépose très rapidement (squelette fœtal).

– L'os fibrolamellaire, associant os lamellaire et os fibreux selon des modalités nombreuses et complexes. Ainsi, les canaux vasculaires traversant l'os fibreux peuvent être entourés d'os lamellaire qui forme, autour de chacun d'eux, un ostéone primaire ; tel est le cas du squelette postfœtal des mammifères.

Os secondaires (remaniés)

Dans le cas d'os secondaires, l'os préexistant est toujours plus ou moins remodelé par une érosion suivie d'une reconstruction, et la structure est toujours bréchique. On distinguera les variétés suivantes :

Os haversien

Les canaux vasculaires de l'os primaire compact subissent une érosion à leur périphérie. Un dépôt centripète de lamelles osseuses qui débute à la périphérie de ces baies d'érosion édifie des ostéones secondaires (ou systèmes de Havers proprement dits). Ceux-ci peuvent ultérieurement se recouper les uns les autres lors de l'édification d'ostéones secondaires de 2e, 3e, ne génération. L'os haversien dense paraît associé à l'acquisition d'un grand âge individuel.

Os spongieux remanié

Formant la spongiosa trabéculaire, l'os spongieux remanié s'élabore par l'érosion suivie d'une reconstruction partielle de la partie profonde (périmédullaire) des corticales, et par remaniement de l'os enchondral d'origine métaphysaire.

Os spongieux rendu compact

Ancien os spongieux, complété par un dépôt comblant ses cavités, l'os spongieux rendu compact est présent de façon caractéristique dans les corticales des métaphyses, où le diamètre de l'os doit diminuer pendant la croissance (cf. supra) ; c'est donc la spongiosa métaphysaire profonde remaniée en cortex superficiel compact.

Ce dernier exemple montre que les facteurs qui déterminent le type de tissu osseux en un point donné, à un moment fixé, sont essentiellement ontogéniques. Les conditions locales du dépôt périostique (vitesse, en particulier) et le destin ultérieur du dépôt considéré (stratification continuée in situ ou, au contraire, érosion-reconstruction) paraissent rigoureusement programmés dans une séquence complexe d'événements ontogéniques. Le résultat global est l'édification d'un os de taille et de morphologie données dans un laps de temps déterminé.

Remaniements

L'étude du remaniement osseux est l'un des plus importants thèmes de recherche pour la biologie de ce tissu. Il y a remaniement chaque fois que de nouvelles couches d'os se redéposent dans des régions préalablement occupées par de l'os qui a été érodé : l'aspect « bréchique » des structures ainsi édifiées par érosion-reconstruction est caractéristique. La signification du remaniement peut être très variée, et on en distinguera trois modalités.

Un premier type, lié à des nécessités d'ordre géométrique, est impliqué, on l'a vu, par les modalités générales de la croissance osseuse. Tandis que certaines régions de l'os doivent subir une érosion, d'autres reçoivent un dépôt d'os nouveau. Ultérieurement, il arrive qu'une région érodée soit reconstruite, en fonction de la séquence locale d'événements associés à la croissance. Ce premier type est donc le remaniement général lié à la croissance : il intéresse le cortex comme la spongiosa.

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Les régions d'insertions musculaires ou tendineuses doivent subir des déplacements séquentiels de position au cours de la croissance et possèdent, de ce fait, une structure particulière. Un deuxième type de remaniement des corticales osseuses paraît associé à ces régions particulières qui contiennent parfois de nombreux systèmes de Havers. C'est un remaniement local associé au déplacement séquentiel des zones d'insertion.

Ostéones secondaires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Ostéones secondaires

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Enfin, il arrive fréquemment que les canaux vasculaires primaires inclus dans l'os (ostéones primaires) soient érodés à leur périphérie, puis partiellement ou totalement reconstruits. Le résultat de ce remaniement haversien est l'édification d'ostéones secondaires (ou systèmes de Havers). D'aspect caractéristique, ceux-ci sont souvent (et improprement) présentés comme les constituants essentiels de tout tissu osseux compact (fig. 5).

Quelle peut être la signification de la transformation, parfois généralisée, des corticales – elles-mêmes initialement constituées d'os primaire – en os haversien (secondaire) compact ?

Pour A. Benninghoff (1927-1935), le remaniement haversien des corticales serait l'expression de l'adaptation de celles-ci aux contraintes mécaniques. Cette conception, très discutée, paraît peu fondée puisque de nombreux travaux ont maintenant démontré que, dans bien des cas, l'os primaire possède des caractéristiques mécaniques plus favorables que l'os haversien par lequel il est remplacé. On a supposé que le remaniement cortical, une fois commencé, interrompait partiellement le plexus vasculaire de l'os primaire préexistant, d'où nécrose de celui-ci, ce qui entraînerait, par une sorte de réaction en chaîne, un remaniement toujours plus poussé de l'os cortical : la formation de corticales haversiennes en serait donc finalement le résultat (J. Currey, 1960).

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Il est manifeste, d'autre part, que le remaniement particulièrement actif et généralisé de la corticale périmédullaire profonde en une spongiosa intramédullaire est lié au processus général d'accroissement en diamètre de la diaphyse. Pour Enlow et Brown (1958), si l'activité hormonale commandant le processus d'érosion-reconstruction n'était pas limitée à la région périmédullaire, mais s'étendait aussi aux vaisseaux intracorticaux, la formation d'un remaniement haversien s'ensuivrait automatiquement. Dans cette perspective, le remaniement haversien des corticales ne serait qu'une conséquence secondaire du processus d'érosion périmédullaire associé à l'accroissement en diamètre. Une autre interprétation voit dans la substitution haversienne une réponse adaptative visant au remplacement de matériaux ayant subit une fatigue, du fait des contraintes mécaniques supportées.

Si chacune des « explications » proposées ci-dessus peut contenir une part de vérité, il est néanmoins manifeste qu'aucune d'elles ne peut rendre compte de la généralité du phénomène. Pour R. Amprino, la formation d'ostéones secondaires serait essentiellement l'expression histologique des échanges minéraux entre le milieu intérieur et le squelette (1967). Le squelette jouerait le rôle de « réservoir » de sels phosphocalciques et l'érosion-reconstruction haversienne correspondrait à la libération et à la solubilisation de ces sels, puis à leur redépôt, en fonction des nécessités physiologiques de l'organisme. Le contrôle fait intervenir des vitamines et des hormones (cf. hormones, hypophyse, paratyroïdes, thyroïde, vitamines), ainsi que des médiateurs du métabolisme d'origine tissulaire établissant des connexions entre divers organes qui paraissaient jadis comme « neutres » dans les remaniements du tissu osseux. L'histologie comparée enseigne, d'autre part, que les systèmes de Havers sont particulièrement fréquents dans les espèces de grande taille et de forte longévité, en particulier chez les oiseaux et chez les mammifères. Ces observations sont en accord avec l'explication « physiologique » proposée ci-dessus : toutes choses égales d'ailleurs, l'activité métabolique du tissu osseux serait plus grande chez un homéotherme que chez un poïkilotherme, et chez un individu de grande taille et / ou à croissance rapide que chez un individu de petite taille et / ou à croissance lente de la même espèce.

Il apparaît, en conclusion, qu'une explication générale et détaillée de la répartition de l'os haversien, qui rendrait compte de tous les faits connus, reste encore à produire.

— Armand de RICQLÈS

Tissu osseux et nutrition

Les variations de la masse osseuse au cours de la vie humaine, en particulier à partir du « troisième âge », n'ont fait l'objet de recherches approfondies que depuis une vingtaine d'années. Le métabolisme du tissu osseux n'était que sommairement analysé et sa pathologie – par exemple, le mécanisme de l'ostéoporose des personnes âgées – ne suscitait pas de recherches fondamentales. Il en va tout autrement aujourd'hui, car les relations entre les métabolismes glucidique et lipidique (insulinorésistance, diabète, obésité) sont au cœur des préoccupations actuelles concernant la nutrition.

Les cellules adipeuses produisent une hormone, la leptine, qui est anorexigène, mais aussi inhibitrice de l'ostéogenèse via un relais dans le cerveau végétatif (hypothalamus). L'équipe de Gérard Karsenty, qui a mis ce phénomène en évidence au Baylor College de Houston (Cell., 2000-2002), a poursuivi ses recherches à l'université Columbia (New York). Elle a montré récemment (Cell., août 2007) que le tissu osseux « dialogue » avec les tissus qui gèrent les fonctions de nutrition. L'os produit à cet effet une hormone, l'ostéocalcine, qui diminue la masse adipeuse et stimule la production d'insuline au niveau du pancréas. Mais elle diminue aussi l'insulinorésistance des tissus consommateurs de glucose (grâce à un facteur émis alors par les adipocytes, qui a été appelé adiponectine).

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Ces résultats obtenus en étudiant la souris vont peut-être s'appliquer à l'homme et contribuer à éclairer les racines du « syndrome métabolique ».

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

Adaptation biomécanique

Les rapports entre la forme et la fonction constituent un problème général en biologie. Dans le cas du tissu osseux, il se pose de manière particulièrement aiguë. S'il paraît évident qu'il existe une « relation de cause à effet » entre les fonctions variées que le tissu osseux doit remplir et la structure de celui-ci, le mécanisme précis de cette relation demeure mystérieux après plus d'un siècle de recherches assidues.

Les premiers auteurs (K. Culmann, 1866-1873 ; H. von Meyer, 1867) remarquèrent la coïncidence entre l'orientation des travées de l'os spongieux et celle des poutrelles de constructions métalliques. Dans les deux cas, l'application des lois de la statique conduit à une économie maximale de matière pour une résistance donnée (grue de Culmann). J. Wolff (1870, 1892, 1899) et W. Roux (1885, 1895) développèrent et synthétisèrent toutes ces données et appliquèrent à l'os l'analyse mécanique rationnelle. La célèbre loi de Wolff, prise en un sens très large, exprime que l'architecture d'un os s'adapte, au cours de sa croissance, aux sollicitations mécaniques qui s'appliquent sur lui. La théorie trajectoriale postule que les travées osseuses s'orientent en fonction des lignes de contraintes qui parcourent l'os. Ainsi, ces travées réalisent une structure légère et résistante, très adaptée à sa fonction. Toute cette phase de la recherche, résumée par P. Murray (1936), aboutit à admettre que, dans certaines limites, les forces de tension stimuleraient le dépôt osseux, tandis que les pressions favoriseraient la résorption. Les généralisations de ce type constituent en tout état de cause une tentative de description plutôt qu'une véritable explication (D. Enlow, 1968).

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Au cours des deux dernières décennies, de nombreux travaux ont montré que les généralisations simples concernant les effets des pressions et tractions étaient erronées. Si les contraintes mécaniques exercent bien un effet « modelant » sur l'architecture osseuse, il ne s'agit certainement pas, au moins dans la spongiosa, d'une relation de cause à effet simple et directe, mais d'un mécanisme bien plus subtil. B. Kummer (1959), F. Pauwels (1965) et, plus récemment, B. Epker et H. Frost (1966) et J. Currey (1968) ont proposé des modèles complexes de relations entre contraintes mécaniques et comportement du tissu osseux qui paraissent davantage compatibles avec les faits connus. Comment les contraintes mécaniques peuvent-elles exercer un effet sur l'activité des ostéoblastes et des ostéoclastes ? Comment cet effet sera-t-il intégré de telle sorte que les réponses tissulaires globales soient adaptées ? Les effets piézoélectriques, mis en évidence dans les os placés sous contrainte (C. Basset, 1966), pourraient bien jouer un rôle fondamental dans le mécanisme de la réponse adaptative du tissu osseux. Il demeure qu'une compréhension précise de l'adaptation biomécanique de l'os adulte, comme de la régulation de la croissance globale de l'os jeune, ne sera acquise que lorsqu'on connaîtra les mécanismes qui contrôlent et régulent l'activité locale du dépôt et de l'érosion du tissu osseux. Ces mécanismes sont sans doute multiples, certains génétiques, d'autres épigénétiques (D. Enlow, 1968).

Histologie comparée

Vertébrés actuels

Toutes les études classiques dans le domaine de l'histologie comparée (J. Foote, 1916 ; R. Amprino et G. Godina, 1947 ; D. Enlow et S. Brown, 1956-1958) ont clairement montré la grande variété des types de tissus osseux des divers vertébrés. Cette constatation contredit le caractère unitaire de la description « classique » du tissu osseux (toujours réalisée à partir du même matériel : homme, lapin, rat), et suggère même quelques réserves quant aux généralisations sur la physiologie et la biochimie du tissu osseux, tant que celles-ci resteront également fondées sur l'étude d'un matériel restreint.

Au contraire, l'analyse des différences histologiques entre tissus osseux de vertébrés variés est instructive, car elle conduit, par une approche comparative, à l'interprétation du sens de ces différences. Des vertébrés différant de façon caractéristique par le niveau évolutif, la taille, la longévité, le type adaptatif, l'écologie, etc. présentent entre eux des séries de ressemblances et de différences au niveau du tissu osseux qu'il paraît possible de relier aux particularités biologiques susdites. La perspective de l'histologie comparée permet ainsi de suggérer certaines causes des différences observées, en essayant de relier structure et fonction.

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Si l'on ne tient compte que de la structure du cortex des os longs des adultes, on peut schématiser les faits de la manière suivante. Chez les poissons, le tissu osseux est en général lamellaire, la vascularisation des corticales est assez faible, le remaniement haversien peu abondant, sauf chez les grandes formes (thons) à forte activité physiologique (Amprino et Godina, 1956). Les amphibiens actuels ont un tissu osseux simple, lamellaire, le plus souvent peu vascularisé. Parmi les reptiles, il en va de même des squamates (lézards et serpents) qui possèdent, sauf exception, un os lamellaire avasculaire. Tortues et crocodiles ont, au contraire, un tissu osseux plus élaboré – modérément ou moyennement vascularisé ; et il est parfois partiellement remanié en os haversien dans sa partie profonde. Les oiseaux ont un tissu osseux très richement vascularisé et parfois entièrement remanié en os haversien. Les mammifères possèdent des tissus osseux très variés. Les grands herbivores ont, en général, de l'os fibrolamellaire très régulier (plexiforme), partiellement remanié en os haversien. Les carnivores ont un os fibrolamellaire lui aussi très remanié. Les grands primates à forte longévité (homme) ont un os qui finit par être entièrement haversien. Les petits primates, les rongeurs et les insectivores, etc. ont souvent un os lamellaire partiellement remanié. Les formes aquatiques (cétacés, siréniens) ont un tissu osseux primaire, très vascularisé, spongieux, peu remanié.

L'os de la plupart des vertébrés à sang froid (poïkilothermes) montre très souvent dans sa structure l'alternance cyclique de phases de croissance active (zones) et plus lente (annuli) [F. Peabody, 1961], et un remaniement haversien incomplet. Les homéothermes, au contraire, posséderaient souvent un os primaire très vascularisé, fibrolamellaire, largement remanié dans de nombreux cas en os haversien dense, surtout chez les formes de grande taille et de forte longévité. Ces différences systématiques générales se superposent, bien entendu, aux différences ontogéniques, liées, comme on l'a vu, à la position dans le squelette des structures osseuses examinées. D'intéressantes applications, réunies sous le nom de Squelettochronologie (Castanet, 1973), résultent de la connaissance de plus en plus précise de ces divers aspects comparatifs de la structure du tissu nerveux. Celui-ci joue, à bien des égards, le rôle d'un véritable « enregistreur » de la croissance de l'organisme. La « lecture » de cet enregistrement permet désormais de connaître dans certains cas la vitesse de croissance, l'âge à la maturité sexuelle, l'âge au décès, etc. L'application de ces approches au domaine de la structure et de la dynamique des populations d'espèces sauvages (écodémographie) ouvre des perspectives considérables, non seulement en écologie théorique et appliquée, mais encore en archéologie préhistorique et en paléontologie.

Paléohistologie

Le degré de préservation du tissu osseux chez les fossiles permet fréquemment de l'étudier avec précision. Grâce aux travaux de A. Seitz (1907), W. Gross (1934), T. /Orvig (1951), D. Enlow et S. Brown (1956-1958), W. Bryant (1936), etc., on connaît ainsi l'histoire du tissu osseux depuis les plus anciens gisements qui aient livré des restes de vertébrés identifiables (sables verts d'Estonie, grès de Harding dans le Colorado, d'âge ordovicien), jusqu'à nos jours. On doit pratiquement distinguer deux séries de problèmes, selon que l'on aborde la paléohistologie chez les agnathes et poissons, d'une part, chez les tétrapodes, d'autre part.

Chez les premiers, l'étude du tissu osseux a été, dans une certaine mesure, subordonnée à celle des autres tissus durs (dentine, émail, etc.). Ces travaux conduisent à des problèmes généraux tels que l'origine des tissus squelettiques des vertébrés, les relations phylogénétiques entre tissus osseux et dentaires, la théorie lépidomoriale, etc. La paléohistologie des tétrapodes est limitée à l'étude des dents (H. P. Schultze, 1970) et du tissu osseux.

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L'étude comparée du tissu osseux chez les vertébrés actuels pourrait laisser croire que son évolution s'est déroulée selon une séquence linéaire, progressive, manifestant une complexité croissante des poissons aux mammifères (G. Crawford, 1940). La paléohistologie des tétrapodes montre que cette perspective est entièrement erronée. Dès l'origine, les premiers tétrapodes possédaient (tout comme les « poissons » dont ils dérivent) des tissus squelettiques complexes et élaborés. À cet égard, les amphibiens primitifs (stégocéphales) apparaissent bien plus complexes par leur tissu osseux que les représentants actuels de la classe. Ainsi, ces derniers ne représentent pas, par leur tissu osseux, un stade structural simple et primitif de l'histoire des tétrapodes, mais au contraire un type de structure secondairement simplifié. Il en va de même pour la plupart des reptiles fossiles dont les tissus osseux, souvent assez comparables à ceux des stégocéphales, sont bien plus complexes que ceux des squamates actuels, par exemple. Parmi les reptiles actuels, tortues et crocodiles sont ceux qui offrent le plus de ressemblances, par leur os relativement complexe, avec les tétrapodes primitifs. Contrairement à la plupart des autres reptiles fossiles et actuels, les dinosaures possédaient souvent un os haversien dense absolument identique à celui des mammifères de grande taille : des facteurs comparables dans la physiologie (homéothermie ?), le taux de croissance et la longévité doivent être à l'origine de cette convergence. Les mammifères fossiles ne paraissent pas différer des formes vivantes par le tissu osseux ; les thérapsides eux-mêmes, reptiles mammaliens évolués dont dérivent les mammifères, possèdent déjà un tissu osseux tout à fait comparable à celui des mammifères.

— Armand de RICQLÈS

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Écrit par

  • : professeur de rhumatologie à l'université de Paris-VI-Pierre-et Marie-Curie
  • : professeur au Collège de France, chaire de biologie historique et évolutionnisme
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Médias

Ordres de structure du tissu osseux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Ordres de structure du tissu osseux

Composant et constituants du tissu osseux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Composant et constituants du tissu osseux

Ossification diaphysaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Ossification diaphysaire

Autres références

  • ALGODYSTROPHIE

    • Écrit par
    • 136 mots

    Syndrome douloureux ostéoarticulaire accompagnant un remaniement du tissu osseux provoqué par des causes diverses : traumatisme violent (fracture), microtraumatismes (exercice de certaines professions), immobilisation d'un membre pour des raisons thérapeutiques (traitement d'une entorse) ou dans...

  • ARTICULATIONS

    • Écrit par et
    • 6 074 mots
    • 4 médias
    Lesextrémités osseuses juxta-articulaires ou épiphyses, situées de part et d'autre de l'articulation, sont recouvertes d'un cartilage dit cartilage articulaire ou cartilage d'encroûtement. La zone osseuse située immédiatement sous le cartilage, ou « couche osseuse sous-chondrale », est renforcée par...
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  • COLLAGÈNE

    • Écrit par
    • 3 435 mots
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    Comme le collagène de type I forme la majeure partie (∼ 80 p. 100) de la trame fibreuse des tissus calcifiables tels que l'os, les modifications de sa biosynthèse à ce niveau donnent des malformations congénitales, difficilement compatibles avec la survie des individus, comme les ostéogenèses...
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Voir aussi