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VÉRONÈSE (1528-1588)

Il est bien étrange qu'aucun des critiques qui rendirent compte de l'art vénitien au milieu du xvie siècle (Aretino, Pino, Doni, Biondo, Dolce) ne se soit intéressé à Véronèse. Celui-ci, en fait, ne fut « découvert » que par Francesco Sansovino, qui parle de lui dans son Guide de 1556. Peut-être paraissait-il trop extérieur à la sphère culturelle de la peinture vénitienne et faisait-il figure d'étranger sans grande importance.

Pourtant, il arriva à Venise en un moment « providentiel », comme pour s'y voir assigner la tâche de porter à une solution – sinon à « sa » solution à lui – un ensemble d'exigences formelles du grand courant maniériste, qui vers le milieu du siècle avait pris une place prédominante. Tout en gardant son indépendance, il trouva à Venise un terrain convenant à son génie propre, non seulement dans le camp maniériste, qui eût été disposé à l'accueillir dès l'époque de Vasari, de Salviati ou des expériences romanistes de Titien lui-même, mais aussi en raison de tout ce que ce cadre comportait de faste et de lumière, et qui était destiné à devenir partie essentielle du discours de l'artiste.

La formation

Fils d'un spezapreda (tailleur de pierre-sculpteur) de Vérone, Paolo Caliari, dit Véronèse, est placé, dès l'âge de dix ans, pour y apprendre la peinture, chez Antonio Badile, mais il se plaît également, suivant l'exemple paternel, à faire des modèles en terre. Avide de connaître toutes les tendances qui vont de la tradition héritée de Mantegna à la génération véronaise du début du xvie siècle, déjà représentée de diverses manières à Venise, il fréquente Gianfrancesco Caroto et Torbido, qui travaillent dans le style de Giorgione, Antonio Badile, coloriste classique mais original et Domenico Brusasorzi, compositeur fantasque ; il s'intéresse également aux suggestions « froides » des maîtres de Brescia, de Romanino à Savoldo et à Moretto, dont il voit des peintures dans les églises de la ville. Soudain, pourtant, il adopte une attitude d'indépendance, tout en restant fidèle, en vertu des liens anciens, à la pureté cérébrale de certaines gammes de couleurs propres au vieil héritage gothique, qui était bien représenté à Vérone.

Il est certain que la mystérieuse formation de Paolo s'explique en grande partie par la situation particulière de cette ville dans la géographie artistique de l'époque : proche de Mantoue et de Parme, ainsi que des routes conduisant à Venise, Vérone était par là ouverte aux trouvailles les plus inédites du maniérisme. Paolo fit probablement quelques voyages à Mantoue, qui lui procurèrent le moyen de connaître directement les œuvres de Giulio Romano à la Reggia et au palais du Te. Il n'y trouva pas seulement une incitation explicite à suivre le « romanisme » monumental, dans le sillage de Michel-Ange ou du dernier Raphaël, mais surtout, semble-t-il, l'occasion de revenir au sens architectural de l'espace, figures et couleurs s'ordonnant alors à l'intérieur de celui-ci.

Par Mantoue peut-être, ou directement à Parme, et, de toute manière, grâce aux gravures et aux dessins de Parmesan et de Primatice, Véronèse entra ensuite en relation avec la peinture de Corrège et reçut de ces exemples de très fortes impressions, surtout en raison de leur correspondance avec sa propre conception originelle de la couleur, qu'il était porté à traiter en des tons froids s'accordant à travers dissonances et contrastes plutôt que fondus dans une sorte de brassage.

À cette très vaste connaissance de la peinture s'ajoute, chez Véronèse, la recherche d'un sens particulier de la composition, qui semble relever d'une vocation personnelle et qui, lui non plus, n'est cependant pas gratuit : Paolo appartenait en effet à une famille de tailleurs de pierre et très tôt[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art moderne, faculté des Belles-Lettres, université de Venise

Classification

Pour citer cet article

Terisio PIGNATTI. VÉRONÈSE (1528-1588) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>La Belle Nani</it>, Véronèse - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

La Belle Nani, Véronèse

<it>Le Repas chez Lévi</it>, Véronèse - crédits :  Bridgeman Images

Le Repas chez Lévi, Véronèse

<it>Les Noces de Cana</it>, Véronèse - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Les Noces de Cana, Véronèse

Autres références

  • ART & SCIENCES

    • Écrit par Jean-Pierre MOHEN
    • 6 165 mots
    • 3 médias
    ...peint ; un autre artiste utilisera toujours le même type de toile, tissée plus ou moins serrée, en lin ou en chanvre, et tendue sur un châssis en bois. Pour Les Noces de Cana (1563), œuvre de très grandes dimensions, conservée au musée du Louvre, Véronèse a utilisé deux grandes pièces cousues en...
  • DESSINS DE LA RENAISSANCE ITALIENNE (expositions)

    • Écrit par Martine VASSELIN
    • 951 mots

    Dans divers espaces du musée du Louvre se sont tenues, durant le printemps de 2003, trois expositions de dessins de la Renaissance italienne : Michel-Ange, les dessins du Louvre ; Léonard de Vinci, dessins et manuscrits et Savoir-faire, la variante dans le dessin italien au XVIe siècle. Chacune...

Voir aussi