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PHILOSOPHIE

Philosophie et enseignement en France

Aperçus historiques

La présence de la philosophie dans les matières d' enseignement secondaire est une caractéristique proprement française qu'on peut faire remonter, d'une part, à la création, en 1808, de l'Université de France et, d'autre part, à l'action personnelle d'un philosophe aujourd'hui largement oublié, Victor Cousin. Comprendre les enjeux contemporains de cet enseignement suppose qu'on remonte à cette double source.

Il y a eu, avant ces dates, un enseignement de philosophie, mais il était dispensé dans des établissements qu'on ne peut pas tout à fait appeler secondaires, et, surtout, la philosophie enseignée restait dépendante des études de théologie et ne s'écartait guère, sauf exception, d'un catalogue d'« opinions des philosophes ». Le cursus philosophicus commençait par la logique, se poursuivait par une métaphysique, quelquefois appelée ontologie, comprenant une physique et une pneumatologie. Cette dernière était à son tour divisée en deux parties traitant l'une de l'homme, l'autre de Dieu. L'étudiant devait choisir, parmi les thèses évoquées, les plus probables, à savoir les thèses thomistes ou, dès la fin du xviie siècle, cartésiennes, encore que d'un cartésianisme lui-même rendu dogmatique et livresque et retenant principalement la théorie des tourbillons, c'est-à-dire la physique. Bref, la philosophie tout entière était réduite d'une part à un art de raisonner et de convaincre, d'autre part à un art de se former des opinions probables. Tout autre enseignement relevait soit des sciences particulières, soit de la religion. La morale, en particulier, était vue comme une discipline non pas philosophique, mais religieuse.

Le rôle des idéologues

La période révolutionnaire, dont le combat fut de rendre à la raison sa pleine indépendance à l'égard de tout ce qui tend à la contraindre, favorisa l'émergence d'études ne reconnaissant aucune autre autorité que celle des lumières naturelles. Empruntée à Bacon et d'ambition scientifique, la méthode expérimentale ou plutôt d'observation remplaça alors la méthode livresque. Paradoxalement, la philosophie, confondue avec les romans métaphysiques, fut supplantée par l'idéologie, ou science des idées. La question qui paraissait alors essentielle était celle du langage, ou plutôt des signes, et la thèse condillacienne de la sensation transformée devint la base de toute philosophie.

On peut dire que l'enseignement philosophique est né de ce moment, qui en était pourtant la négation, parce que, alors, la raison ne comptait que sur elle-même. En revanche, du point de vue du contenu, cet enseignement annonçait plutôt les sciences humaines, tant par son objet que par sa méthode. L'homme y était ramené à sa seule situation concrète, et la méthode d'observation ne parvenait guère à dépasser l'empirisme. Au point que les philosophes les plus remarquables de cette période, comme Gérando, Destutt de Tracy ou Laromiguière, renoncèrent à se dire idéologues pour revenir à la désignation plus exacte de philosophes.

Le monopole universitaire

Napoléon, qui n'aimait pas les idéologues, préféra revenir à un enseignement de philosophie, mais inspiré, dans sa forme, de celui des collèges de l'Ancien Régime. Les trois rubriques – scolastique, logique, métaphysique et morale – réapparurent, accompagnées d'éléments doxographiques.

La nouveauté était que cet enseignement s'inscrivait dans le cadre d'un monopole universitaire largement indépendant des autorités religieuses. C'est cet aspect de monopole philosophique qui va susciter durant tout le xixe siècle des oppositions très décidées. La réglementation, en effet, interdisait de se présenter aux épreuves du[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé à l'Institut universitaire de formation des maîtres de Versailles
  • : maître de conférences honoraire de philosophie, université de Paris-Sorbonne
  • : professeur émérite de philosophie à l'université Jean-Moulin, Lyon

Classification

Pour citer cet article

Jacques BILLARD, Jean LEFRANC et Jean-Jacques WUNENBURGER. PHILOSOPHIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Henri Bergson - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henri Bergson

Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre

Nietzsche - crédits : Ullstein Bild/ Ullstein Bild/ Getty Images

Nietzsche

Autres références

  • PHILOSOPHIE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 414 mots

    De toutes les disciplines, la philosophie est la seule qui puisse parler d’elle-même sans sortir du champ de connaissance qui lui est propre. Si l’on demande à un mathématicien quelle est l’utilité des mathématiques, il ne pourra pas répondre par une formule ou par un système d’équations, mais devra...

  • ABSOLU

    • Écrit par Claude BRUAIRE
    • 4 222 mots

    Le sens de ce terme paraît, d'entrée de jeu, nécessairement équivoque et polémique. L'absolu est le corrélat et le contraire du relatif, c'est donc une négation. Mais une notion d'où l'idée de rapport est absente est soustraite aux limitations, affranchie des variations, et désigne...

  • AFFECTIVITÉ

    • Écrit par Marc RICHIR
    • 12 228 mots
    ...circonscrire autant qu'il est possible, avant d'entreprendre la recherche de ses équivalents dans d'autres cultures. Cela d'autant plus que, comme on va le voir, le concept d'affectivité, en tant que lié à celui de subjectivité, a été rapidement mis en question par Heidegger dans Être et Temps et dans...
  • AGNOTOLOGIE

    • Écrit par Mathias GIREL
    • 4 992 mots
    • 2 médias

    Le terme « agnotologie » a été introduit par l’historien des sciences Robert N. Proctor (université de Stanford) pour désigner l’étude de l’ignorance et, au-delà de ce sens général, la « production culturelle de l’ignorance ». Si son usage académique semble assez circonscrit à la ...

  • AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA, Friedrich Nietzsche - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 1 270 mots

    En août 1881, au bord du lac de Silvaplana, proche du village de Sils-Maria, dans l’actuel canton suisse des Grisons où il passait ses étés, Friedrich Nietzsche (1844-1900) eut une illumination : la « vision du Retour Éternel » (parfois dénommée « vision de Surléï »), qui le conduisit quelques...

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Voir aussi