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ENFERS ET PARADIS

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L'enfer dans le christianisme

La notion chrétienne de l'enfer se différencie des conceptions archaïques et orientales par l'insistance sur le destin unique de la personne, dans une temporalité qui est non plus cyclique mais historique, et que le Christ aurait ouverte à l'éternité.

L'enfer, condition de l'humanité déchue

Dans l'Ancien Testament, le shéol (« lieu des morts ») désigne la condition spirituelle où se trouvent, après la mort, toutes les âmes : abîme obscur (l'Hadès des Septante, de a privatif et de la racine id, voir), où l'humanité « gît dans les ténèbres et l'ombre de la mort » (Luc, i, 79). Peu à peu, cet aspect tragique de la mort se révèle comme une dimension permanente de l'existence humaine séparée de sa source divine. Certes, les textes plus récents différencient dans le shéol plusieurs états, le « sein d'Abraham » pour les justes et la «  géhenne de feu » pour les impies (du nom d'un ravin maudit près de Jérusalem, où les cadavres, rongés de vers, étaient brûlés (Is., lxvi, 24). Pourtant tous restent dans une situation de « vie morte » (Grégoire de Nysse) et les prophètes implorent une résurrection qui restaurerait les personnes dans l'unité indivisible du corps et de l'âme.

Le Christ, vainqueur de l'Enfer

Le Dieu fait homme va chercher l'humanité au lieu symbolique de sa plus grande séparation. Si « Dieu a délivré Jésus des affres de l'Hadès(Actes, ii, 24), c'est d'abord en l'y plongeant, mais sans jamais l'abandonner (ii, 31). Le Christ brise les portes infernales, annonce à tous les morts la délivrance (I Pierre, iii, 19), contraint l'Enfer à rendre ses prisonniers (Hébr., ii, 14 ; Apoc., i, 18 et xx, 13 ; Matth., xxvii, 52 et suiv.). Étant « descendu dans les régions inférieures de la terre » (Éph., iv, 9), symbole traditionnel d'un état de pesanteur et de déréliction, il peut enfin « remplir toutes choses » de sa lumière (Éph., iv, 9 et Philipp., ii, 10 et suiv.). La Rédemption constitue, pour l'humanité, la libération de l'Enfer. L'Église est le lieu sacramentel et l'instrument de cette victoire (Matth., xvi, 18).

Ouvertement, au retour glorieux du Christ, Dieu sera « tout en tous ». C'est l'ἀποκατάστασις τω̃ν ἀπάντων, restauration et plénitude universelles (Actes, ii, 21). Toutefois, l'homme, répondant à l'amour par l'amour, doit accueillir volontairement cette plénitude pour la ressentir comme joie. Or, selon un adage patristique, « Dieu peut tout, sauf contraindre l'homme à l'aimer ». Ainsi s'ouvre la possibilité de la « seconde mort » (Apoc., xxi, 8) : « L'amour divin agit de deux manières différentes : il devient souffrance chez les uns et joie chez les autres. » ( Isaac le Syrien, Homélies spirituelles, XI, 1.)

Orient et Occident

En Orient, Origène a fait de l'«  apocatastase » la certitude du salut universel : tous, même les démons, seront restaurés dans leur plénitude originelle après s'être purifiés dans les « éons » infernaux et avoir compris que seul Dieu, et non le mal, peut rassasier leur soif d'infini. Condamné comme doctrine par le concile de Constantinople en 543, surtout parce qu'il ouvre la porte à une conception de la métempsycose et du temps cyclique contraire au dogme, l'origénisme a été assumé comme spiritualité. Tendue vers la Parousie, l'Église prie pour tous les morts, il ne peut y avoir d'enfer définitif avant le Jugement dernier (c'était déjà la conception des Pères subapostoliques : saint Irénée de Lyon et saint Hippolyte). Quant au salut universel, il devient l'espérance et la prière des plus grands saints. Isaac le Syrien priait « même pour les démons ».[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris
  • : professeur à l'université de Chicago

Classification

Pour citer cet article

Olivier CLÉMENT et Mircea ELIADE. ENFERS ET PARADIS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Angkor Vat: relief - crédits : H. Champollion/ AKG-images

Angkor Vat: relief

Jérusalem céleste - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Jérusalem céleste

Le Jugement universel, J. Bosch - crédits : Nimatallah/ AKG-images

Le Jugement universel, J. Bosch

Autres références

  • ACHÉRON

    • Écrit par
    • 189 mots

    Dans la demeure d'Hadès, aux Enfers, coule l'Achéron ; par ses sonorités plus que par une stricte étymologie, il « coule » et « roule le deuil ». Circé et Homère (Odyssée, X, 512 sqq.) y font confluer le Pyriphlégéton (le fleuve « brûlant de feu ») et le Cocyte (« gémissement...

  • ÂGE D'OR

    • Écrit par
    • 865 mots

    Moment mythique de l'humanité décrit comme étant celui de l'abondance dans une nature généreuse, où tout pousse sans travail, où les animaux domestiques et sauvages vivent en paix entre eux et avec les hommes, où la ronce distille le miel. Les Zéphirs soufflent alors une brise rafraîchissante...

  • AMIDA

    • Écrit par
    • 858 mots
    ...zen, l'amidisme eut une influence déterminante sur tous les arts qu'il teinta d'un sentiment nouveau de miséricorde et de gratitude envers le sauveur. Avec son paradis et ses enfers multiples, il offrait ample matière à des illustrations. Les plus connues sont les cortèges d'Amida (raigo), descendant...
  • CHARON

    • Écrit par
    • 145 mots

    Dans la mythologie grecque, fils de l'Érèbe et de la Nuit. Charon, le nocher des Enfers, avait pour tâche de faire traverser les marais de l'Achéron dans sa barque aux âmes des défunts qui avaient reçu une sépulture. En paiement, il prenait la pièce de monnaie placée dans la bouche...

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