DOGME
Même si l'on peut parler de dogmes en philosophie, politique, littérature et science, c'est en histoire des religions et plus particulièrement à propos du christianisme que le terme trouve son emploi usuel. Dans cette perspective, le « dogme » est une donnée non pas originelle mais dérivée. Au commencement existe le message de salut : événements survenus dans l'histoire, paroles exprimées dans le langage des hommes ; c'est Jésus-Christ, sa personnalité, son enseignement, son destin. L'absolu faisant irruption dans la vie humaine. Ce message se formule en « professions de foi », mais il est beaucoup plus qu'un texte : une réalité qui se transmet, une expérience inépuisable qui peu à peu se fixe en des Écritures tout en continuant de s'approfondir et de s'expliciter. Des questions nouvelles surgissent, des possibilités nouvelles sont offertes à l'homme de mieux comprendre le message, enfin l'annonce de l'Évangile a ses exigences de formulation intellectuelle : des théologies chrétiennes vont naître, multiples, selon les temps, les cultures, la connaissance plus ou moins riche de la tradition antérieure, les philosophies qui leur confèrent leur structure. Toutes ces théologies ne seront pas parfaitement fidèles à l'intégralité et à l'équilibre de la foi, certaines doivent être écartées ; l' autorité apostolique elle-même va s'engager dans une formulation plus adéquate, sans opter pour la théologie d'une école. Ce sera la formulation dogmatique, le dogme.
Formulation ecclésiale de la foi en tel temps et tel lieu : il faut y distinguer l'autorité absolue qui vient de la parole de Dieu et l'autorité de l'Église engagée dans la formulation. Aucune parole humaine n'est définitive, le dogme peut être reformulé, dans la fidélité au donné et en fonction de la norme que constituent les formules du passé. On exposera ici la conception catholique, les autres points de vue étant présentés dans les articles suivants : foi, œcuménisme, église orthodoxe, réforme.
Les divers usages du mot
Dans l'Église ancienne, le mot « dogme » recouvrait tout ce qui s'impose à la pratique et à la croyance chrétiennes, avec une insistance sur la doctrine venue d'en haut et transmise par les Apôtres. Il ne s'agit pas encore de formules doctrinales abstraites que l'on distinguerait de la parole de Dieu, mais de professions de foi liturgiques. La notion reste souple au Moyen Âge – où le terme est peu employé, car on lui préfère celui d'article de foi, qui connote un acte personnel – et jusqu'au concile de Trente en Occident, jusqu'à nos jours dans l'Orient chrétien. Ce n'est qu'au xviiie siècle que les documents ecclésiastiques emploient le mot au sens moderne, au pluriel d'abord : tel dogme, les dogmes, et non le dogme. Le sens strict actuel se fixe au premier concile du Vatican : désormais le dogme se distingue du dépôt divin confié à l'Église comme en étant la proclamation authentique ; l'aspect d'autorité et de norme est mis davantage en avant, ainsi que le lien avec le magistère ; il s'agit de formules proprement doctrinales.
Sens général
Quels que soient les développements qu'il comporte, le dogme est toujours caractérisé par sa relation étroite avec la Révélation. C'est l'intelligence que l'Église prend de la parole de Dieu à tel moment de l'histoire, en raison de la nécessité d'écarter telle erreur par une formulation plus juste ou plus adaptée au milieu culturel, ou simplement en raison de la maturation que tel aspect de la foi a connue dans la réflexion chrétienne, et dont la vie sociale de l'Église exige la communication par une formule. Mais tantôt ce lien à la parole divine signifie une simple réexpression de son contenu déjà accessible, tantôt il s'agit d'en dégager une conséquence, une implication, une condition de possibilité tout à fait immédiate ; l'absolu de la parole de Dieu aux hommes ne peut leur devenir intelligible que peu à peu, et cette compréhension voulue par Dieu est incluse dans la Révélation elle-même. Parfois, enfin, il est impossible sans d'absurdes contorsions de montrer cette appartenance sous forme de simple explicitation de ce qui était implicite dans un texte, mais il faut dire que c'est l'expression réflexive du « vécu », de l'expérience chrétienne qui déborde la Parole consignée. C'est tout le problème de la Tradition vivante qui ne contient pas d'« autres vérités » que l'Écriture, mais constitue une communication vécue de la même réalité (et de l'intelligence de l'Écriture elle-même), avec ce que cela implique de fécondité, de confrontation avec les questions et les richesses de toutes les générations.
Sens strict
Si l'on entend dogme au sens moderne, strict, il faut distinguer dans la proposition de l'Église les affirmations qu'enseigne tout le collège épiscopal successeur des Apôtres (magistère ordinaire) et celles que promulgue solennellement un concile œcuménique ou le pape dans l'exercice de son infaillibilité (magistère extraordinaire). De telles promulgations n'ont pas lieu de façon habituelle, et le IIe concile du Vatican s'est refusé à toute définition solennelle. D'autre part, elles sont intervenues surtout dans le passé en vue de faire face à une menace d'erreurs, si bien que l'on n'a pas toujours exprimé les aspects les plus profonds et les plus centraux du message chrétien ; il est donc nécessaire de situer ces dogmes dans l'ensemble de la foi au mystère chrétien. Il est nécessaire aussi de faire droit à une certaine hiérarchie des vérités ; toutes ne sont pas de même importance, toutes ne sont pas liées d'aussi près à l'essentiel, qui est le don de Dieu en Jésus-Christ : « Il y a un ordre ou une hiérarchie des vérités de la doctrine catholique, en raison de leur rapport différent avec le fondement de la foi chrétienne » (Vatican II). D'autre part, ce qui a été dit du magistère ne doit pas faire penser que l'ensemble du peuple chrétien n'est pas concerné par cette expression de la foi : c'est lui le sujet de la Tradition vivante, le gardien de la foi ; c'est seulement à la lumière de la foi du peuple tout entier qu'une affirmation pourra être reconnue comme foi de l'Église. Avec l'autorité qui lui est propre et qu'il tire du Christ, le magistère formule cette foi du peuple de Dieu ; et son indéfectibilité concrétise celle de l'Église entière. Dans l'Orient chrétien, on insiste beaucoup sur le phénomène de la « réception » ou non-réception des formulations officielles par la communauté entière. Certaines décisions disciplinaires ou doctrinales se trouvent aussi mises à l'écart par la vie même, et en dehors de toute décadence.
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Écrit par
- Jean-Pierre JOSSUA
: docteur en théologie, dominicain, directeur du centre de formation théologique du Saulchoir, directeur de la revue
La Vie spirituelle
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