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ÂGE D'OR

Moment mythique de l'humanité décrit comme étant celui de l'abondance dans une nature généreuse, où tout pousse sans travail, où les animaux domestiques et sauvages vivent en paix entre eux et avec les hommes, où la ronce distille le miel. Les Zéphirs soufflent alors une brise rafraîchissante ; la pluie et le soleil alternent si heureusement que la terre prodigue trois fois l'an ses meilleures productions ; les hommes vivent pacifiquement, dans l'amitié, la concorde, la justice, en une totale communauté. Ce thème, susceptible de multiples variantes, fournit la trame de nombreux mythes et utopies et se trouve dans toutes les civilisations : il connote la nostalgie d'un paradis perdu, où l'homme soumis à l'influence divine ne connaissait ni le malheur, ni la maladie, ni les affres de la mort.

Dès l'Antiquité gréco-latine, ce mythe est lié au temps cyclique : les révolutions des astres et leur retour à leurs conjonctions premières entraînent une succession des « âges ». Hésiode est le premier témoin d'une tradition assurément bien antérieure, qu'après lui Ovide et Virgile (dans sa IVe Églogue, fortement teintée de millénarisme) ont reprise : « Le grand ordre des siècles renaît depuis ses débuts. Désormais est revenue la Vierge, sont revenus les temps où règne Saturne ; désormais, une race nouvelle est envoyée des hauteurs célestes. » À ce mythe de l'âge d'or est liée, en effet, une succession de races. À ce sujet, il convient d'ailleurs de remarquer qu'âge d'or et race d'or ne se confondent pas toujours. À la seconde, dit Platon (La République, III, 415), appartient le commandement, parce qu'elle obéit à la raison, la « commande d'or » (Les Lois, 654). Elle est, par ailleurs, celle des guerriers morts bravement au combat (La République, V, 468). Mais, dans Le Politique, Platon admet pour les astres l'existence d'un mouvement inversé, qui a provoqué des cataclysmes gigantesques. Seuls furent épargnés, selon le philosophe, quelques pasteurs errant avec leurs troupeaux sur les sommets montagneux. Survivants d'un monde englouti sous les déluges successifs, ils « trouvaient en abondance les fruits des arbres et d'innombrables taillis » qui leur fournissaient sans aucune culture tout le nécessaire. « Ils vivaient sans vêtement et dormaient le plus souvent sans lit, à la belle étoile : car les saisons étaient si bien tempérées qu'ils n'en pouvaient souffrir ; et leurs couches étaient molles parmi l'herbe foisonnante. » À ces hommes peu nombreux, qui ne connaissaient ni bornes ni dissensions, il était agréable de se rencontrer, il était aisé de vivre en amitié. La rupture se fit dès que l'humanité devint assez nombreuse pour que la vie sociale s'organisât. L'âge d'or est donc synonyme de liberté, de vie facile, de paix, et aussi de longévité, d'euthanasie : les hommes, « joyeux et souriants, s'abandonnaient à la mort comme à un doux sommeil ».

La littérature présente une autre vision de l'âge d'or, celle d'un paradis pour plus tard, qui caractérise l'utopie. Cette dernière est liée non plus à un temps cyclique, refermé sur lui-même, mais à un temps ouvert sur un avenir linéaire, infini dans son déroulement, aboutissant à un autre monde. La pensée juive apportait à la civilisation hellénique cet élément très nouveau d'un temps apocalyptique non plus humain, mais débouchant sur l'immortalité et la configuration au divin. Une telle substitution à l'éternel retour d'une catastrophe finale, comme condition d'une définitive transfiguration, a été dépouillée au cours des siècles de son aspect religieux et a donné naissance au paradis des socialismes : un règne de l'homme sur la terre qui sera le paradis non plus de l'« avant », mais de l'« après ». Sous cet[...]

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Pour citer cet article

Marie-Rose MAYEUX. ÂGE D'OR [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SAUVAGE LE BON

    • Écrit par Bernard CROQUETTE
    • 1 035 mots
    • 1 média

    On retrouve, dans la plupart des mythologies anciennes, la légende de l'âge d'or : les philosophes et les poètes grecs et latins, par exemple, ont souvent évoqué l'existence, dans des temps reculés et donc révolus, d'une humanité plus heureuse et plus juste ; plus près de nous, des générations...

  • EXOTISME

    • Écrit par Mario PRAZ
    • 3 485 mots
    • 4 médias
    ...xviiie siècle, l'Amérique et l'Océanie apparaissent comme des paradis de pureté et d'innocence, véritables réincarnations de l' âge d'or. Dans le Supplément au Voyage de Bougainville (1772), Diderot s'attarde sur les coutumes des heureux habitants de Tahiti. Dans Paul...
  • LATINES (LANGUE ET LITTÉRATURE) - La littérature

    • Écrit par Pierre GRIMAL
    • 8 569 mots
    • 2 médias
    ...plus riches. Abandonné par elle, Tibulle devint l'amant d'une certaine Némésis, qui ne le comprit pas mieux. Dans ces poèmes, nous voyons célébrée la vie pieuse et simple des petits propriétaires du Latium. Ici encore, le mythe de l' âge d'or a sa place, cette fois dans l'âme plus que dans la cité.
  • MORELLY (1717 env.-env. 1778)

    • Écrit par Christine BARTHET
    • 882 mots

    Bien qu'il fût l'un des principaux représentants du socialisme utopique et l'inspirateur de Babeuf (qui se réclama du Code de la nature au cours de son procès) ainsi que de la génération suivante, Morelly demeure mal connu. Certains auteurs vont même jusqu'à soutenir qu'il y a eu...

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Voir aussi