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CINQUIÈME RÉPUBLIQUE La période gaullienne (1958-1969)

La crise de 1962

Le drame algérien soldé, un conflit politique majeur entre les partis traditionnels et le pouvoir gaulliste était prévisible : ayant résolu le problème pour lequel on l'avait choisi, de Gaulle risquait d'être invité à céder la place, de manière à ce qu'on revienne à un fonctionnement institutionnel plus conforme aux traditions parlementaires françaises. C'est en fait le général qui va ouvrir les hostilités, en proposant une réforme de la Constitution. Il souhaitait renforcer l'autorité du chef de l'État, sachant que son successeur ne jouirait pas de sa légitimité historique. Pour cela, il souhaite une élection du président au suffrage universel direct et non plus par un collège de notables. Un tel choix populaire est en fait cohérent avec la pratique instaurée depuis 1959 d'un président décidant largement la politique française. Élu du peuple, le président aura une légitimité accrue pour imposer son programme politique. Ayant échappé de justesse à la mort dans l'attentat du Petit-Clamart fomenté par l'O.A.S., de Gaulle décide de hâter le processus et annonce un projet de réforme de la Constitution à la fin d'août 1962. Il précise, le 20 septembre, que ce projet sera soumis au référendum. Cela déclenche les hostilités avec pratiquement l'ensemble des parlementaires non gaullistes. On lui reproche sur le fond une réforme qui confortera l'évolution du régime vers un autoritarisme présidentialiste, et sur la forme on lui oppose l'inconstitutionnalité de la démarche, puisque la révision constitutionnelle, prévue à l'article 89, ne peut se faire sans l'accord des deux Chambres. Une motion de censure est votée au début du mois d'octobre contre le gouvernement Pompidou formé à la fin d'avril, juste après la fin des hostilités en Algérie. Bien décidé à mener bataille, de Gaulle dissout l'Assemblée et fixe le référendum au 28 octobre. Il en dramatise l'enjeu en annonçant qu'il se retirera s'il n'y a pas une majorité positive suffisante.

Seule l'U.N.R. est favorable au oui à la modification constitutionnelle et au oui à de Gaulle. Toutes les forces politiques sont réunies contre lui dans un « cartel des non », au nom du respect de la Constitution, dont le président est le gardien. Le résultat est assez net : 62,2 p. 100 de oui ; 37,8 p. 100 de non. De Gaulle a gagné pour plusieurs raisons : pouvoir choisir le président est une réforme qui plaît à de nombreux électeurs qui n'aiment pas beaucoup les parlementaires et craignent un retour à une IVe République bis ; par ailleurs, on lui sait gré d'avoir mis fin à la guerre en Algérie. Les élections législatives, organisées fin novembre, vont largement confirmer le résultat du référendum, même si les abstentions sont nombreuses (31,3 p. 100 au premier tour, 27,9 p. 100 au second). Le gaullisme investit un seul candidat officiel par circonscription, il y a aussi dès le premier tour des candidatures uniques d'opposition qui vont parfois des indépendants aux socialistes. Alliés à une petite partie des indépendants (derrière Valéry Giscard d'Estaing), les gaullistes réunissent au premier tour 35,5 p. 100 de suffrages. À l'issue du second tour, ils obtiennent 55 p. 100 des sièges et disposent donc d'une majorité assez confortable pour gouverner. Après cette période de fondation de quatre années, la Ve République peut désormais fonctionner dans un cadre institutionnel stabilisé.

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Écrit par

  • : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

Classification

Pour citer cet article

Pierre BRÉCHON. CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - La période gaullienne (1958-1969) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Charles de Gaulle, 1955 - crédits : Keystone/ Getty Images

Charles de Gaulle, 1955

Départ des soldats français de Saigon, 1956 - crédits : Keystone/ Getty Images

Départ des soldats français de Saigon, 1956

Charles de Gaulle, 1946 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Charles de Gaulle, 1946

Autres références

  • ASSEMBLÉE NATIONALE (France - Ve République)

    • Écrit par Arnaud LE PILLOUER
    • 5 795 mots
    • 2 médias

    L’Assemblée nationale est l’une des deux chambres composant le Parlement français, sous la Ve République, l’autre étant le Sénat.

    Cette dénomination provient du tout début de la Révolution française, lorsque les députés du tiers état, rejetant la division de la société en ordres,...

  • CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)

    • Écrit par Arnaud LE PILLOUER
    • 3 433 mots
    • 4 médias

    Contrairement à une opinion dominante, le texte constitutionnel de 1958 a en partie seulement été inspiré par les idées du général de Gaulle. Certes, rappelé au pouvoir à la suite des événements du 13 mai 1958 et apparaissant aux yeux de tous comme l'unique recours, il a été en mesure d'imposer...

  • PROMULGATION DE LA CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)

    • Écrit par Wanda MASTOR
    • 208 mots
    • 1 média

    Adoptée par référendum le 28 septembre et promulguée le 4 octobre 1958, la Constitution de la Ve République a pu être présentée au départ comme consacrant un régime parlementaire. Les critères permettant habituellement d'identifier un tel régime sont bien réunis : exécutif bicéphale,...

  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...est investi par l'Assemblée nationale. De Gaulle se rend à Alger dès le 4 juin et lance le fameux : « Je vous ai compris. » La IVe République se meurt. Le 28 septembre 1958, en Algérie, Européens et musulmans (dont les femmes), réunis en un collège unique, votent massivement en faveur de la Constitution...
  • BÉRÉGOVOY PIERRE (1925-1993)

    • Écrit par Christian SAUVAGE
    • 1 071 mots
    • 1 média

    Homme politique français. Pierre Bérégovoy est né le 23 décembre 1925 à Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime). Son père, un « Russe blanc », capitaine du tsar et menchevik, tient un café-épicerie. À cinq ans, l'enfant est confié à sa grand-mère, qui l'éduquera. Bon élève, il obtient le brevet élémentaire...

  • BICAMÉRISME ou BICAMÉRALISME

    • Écrit par Raymond FERRETTI
    • 5 328 mots
    • 2 médias
    Notons que c'est d'ailleurs toujours le cas aujourd'hui, puisque le Sénat de laVe République est élu par un collège électoral constitué au niveau départemental et composé de représentants de l'ensemble des collectivités territoriales : les communes bien sûr, mais aussi les départements et les régions...
  • BORNE ÉLISABETH (1961- )

    • Écrit par Universalis, Blaise MAGNIN
    • 1 314 mots
    • 2 médias

    Haute fonctionnaire et femme politique française, Élisabeth Borne a été Première ministre du président Emmanuel Macron de mai 2022 à janvier 2024. Après Édith Cresson, elle est la deuxième femme à diriger un gouvernement français.

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Voir aussi