GOUVERNEMENT

Le terme « gouvernement » désigne le groupe de personnes dont la fonction principale consiste à assurer l'avenir d'une société politique, donc d'un pays. Cette constatation, à la fois historique et géographique, conduit à procéder à deux distinctions importantes.

La première distinction porte sur l'origine du gouvernement et sur la manière dont ses titulaires accèdent à cette position et sont susceptibles d'en être écartés. Dans le monde actuel coexistent plusieurs modes d'accès à la fonction gouvernementale. Si la légitimité théocratique, c'est-à-dire issue du pouvoir religieux, tend à disparaître, si l'hérédité dynastique constitue plus un mode de désignation du chef de l'État que des véritables gouvernants (par exemple dans les monarchies européennes), on observe que les gouvernements contemporains accèdent au pouvoir soit à travers un processus partisan, en particulier dans les pays à parti unique, soit à travers des élections ouvertes et pluralistes, à l'occasion desquelles plusieurs équipes ou plusieurs majorités s'affrontent pour l'exercice du pouvoir.

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La seconde distinction tend, dans les régimes fondés sur la désignation des gouvernements par l'élection, à reconnaître, d'un côté, les régimes présidentiels et, de l'autre, les régimes parlementaires. Dans le premier cas, dont le modèle est fourni par les États-Unis, il y a confusion entre la fonction de chef de l'État et la fonction de principal responsable du gouvernement, avec cette particularité que l'équipe gouvernementale n'est pas considérée comme responsable devant le Parlement. Dans le second cas, le plus répandu, repris pour l'essentiel du système britannique né dans la première moitié du xviiie siècle, l'équipe gouvernementale se distingue du chef de l'État (que celui-ci soit un monarque ou un président de la République). Le régime parlementaire sera, en raison de son extension et de ses subtilités, l'objet principal de nos développements. La règle d'or d'un tel régime implique que le gouvernement ne puisse gouverner que tant qu'il bénéficie de la confiance du Parlement ou, plus exactement, de la Chambre, élue au suffrage universel direct, chargée d'exprimer la volonté populaire. L'existence de ce lien de confiance politique entre le Parlement et le gouvernement constitue le critère le plus pertinent pour distinguer cette forme d'organisation politique.

Hirohito au Parlement - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Hirohito au Parlement

D'un point de vue géographique, le gouvernement parlementaire se rencontre, selon des modalités assez proches, d'abord dans les quinze pays de l'Union européenne et dans la plupart des nouvelles démocraties de l'Europe centrale, orientale et balte, en laissant de côté la Russie et la quasi-totalité des pays de la Communauté des États indépendants. Les pays qui, d'une manière ou d'une autre, ont reçu l'influence constitutionnelle occidentale, en particulier l'Inde, la plus grande démocratie parlementaire du monde, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, Israël ou le Japon, le pratiquent également.

L'existence du gouvernement

Les éléments constitutionnels

Toutes les Constitutions contiennent des dispositions extrêmement précises sur la manière dont le gouvernement doit être nommé et entrer en fonctions. Même au Royaume-Uni, qui ne dispose pas d'une Constitution écrite, les règles sont suffisamment établies par la coutume pour qu'elles soient parfaitement respectées et ne puissent pas être transgressées.

D'une manière générale, les procédures d'entrée en fonctions du gouvernement doivent répondre à plusieurs questions.

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Première question : quel est le rôle du chef de l'État ? Doit-il simplement constater l'existence d'une majorité et nommer automatiquement chef du gouvernement celui qui apparaît comme le chef « naturel » de la majorité ? Au contraire, peut-il, en fonction des circonstances, consulter de nombreux responsables politiques, attendre que la situation se soit éclaircie et disposer d'un pouvoir d'initiative plus important ?

Deuxième question : quels doivent être les rôles respectifs du Parlement et du chef de l'État, sachant que dans la quasi-totalité des hypothèses le concours de ces deux institutions sera nécessaire pour procéder à la nomination effective du gouvernement ? Dans une première hypothèse, le gouvernement est nommé par le chef de l'État (président ou monarque) et se présente ensuite devant le Parlement pour exposer son programme et demander le soutien explicite d'une majorité des députés. Dans une seconde hypothèse, le vote du Parlement, qualifié dans ce cas d'investiture, constitue un préalable à la nomination juridique par le chef de l'État.

Troisième question : le chef du gouvernement doit-il simplement être considéré comme l'un des membres de l'équipe gouvernementale ou bénéficier d'un statut constitutionnel spécifique ? Qu'il s'appelle Premier ministre, chancelier ou président du Conseil, doit-il bénéficier d'une investiture ou d'une nomination spécifique par rapport aux autres membres du gouvernement, ce qui lui assure un poids politique plus important ?

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L'analyse comparée des pays pertinents, en particulier les quinze pays de l'Union européenne, permet de constater une assez grande diversité des situations. Dans tous les pays, sauf en Suède, la prérogative formelle de nomination du gouvernement appartient au chef de l'État.

En France, l'article 8 de la Constitution de 1958 précise que le président de la République nomme, de manière parfaitement autonome et sans aucune condition préalable, le Premier ministre et que sur la proposition de ce dernier il nomme les autres membres du gouvernement. Dans ce cas, l'accord de la majorité de l'Assemblée nationale est vérifié par le biais d'une déclaration de politique générale, que celle-ci soit suivie d'un vote explicite d'approbation ou simplement du rejet d'une motion de censure déposée par l'opposition. La Loi fondamentale allemande de 1949 confère au chancelier un statut éminent : il est élu sans débat par le Bundestag sur proposition du président fédéral ; les ministres sont ensuite nommés, et même révoqués, par le président fédéral sur proposition du chancelier. La procédure prévue par la Constitution espagnole de 1978 montre bien l'imbrication des différentes hypothèses. Après chaque consultation électorale ou, en cas de besoin, après chaque renversement de gouvernement, le roi consulte les représentants des groupes politiques parlementaires et propose un candidat à la présidence du gouvernement. Ce dernier expose devant le Parlement son programme politique et ne pourra être officiellement nommé par le roi qu'après un vote du Congrès des députés à la majorité absolue de ses membres. Les autres membres du gouvernement seront nommés par le roi sur proposition du président du gouvernement. Dans le cas allemand comme dans le cas espagnol, si une première tentative de désignation du chef du gouvernement échoue, des mécanismes complexes sont prévus pour tenter de trouver une autre solution. En cas d'échec persistant, la dissolution du Parlement peut être prononcée.

En Suède, à la différence des autres pays, les rôles de proposition et de nomination sont confiés au président du Parlement et non pas au chef de l'État.

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Les Constitutions contemporaines tendent à renforcer les mécanismes d'entrée en fonctions du gouvernement de manière à s'assurer que celui-ci dispose d'un véritable soutien parlementaire.

Les éléments politiques

Au-delà de tous les mécanismes constitutionnels, l'existence du gouvernement repose – il convient toujours de le rappeler – sur un accord politique et la solidité d'une majorité.

Lorsque les élections législatives donnent des résultats suffisamment clairs pour qu'existe au Parlement une majorité incontestable, cohérente, organisée et susceptible d'exercer le pouvoir, la seule solution consiste alors à nommer, en respectant les règles constitutionnelles, comme chef du gouvernement, le principal responsable politique de la nouvelle majorité.

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À l'inverse, les élections peuvent déboucher, en raison de la dispersion de l'opinion ou des défauts de la loi électorale, sur une assemblée parlementaire fragmentée, divisée, dans laquelle aucun groupe politique ne détient la majorité absolue ou ne s'en approche de manière suffisamment étroite pour constituer un gouvernement qui, dans ce cas, est dit minoritaire. Il convient alors d'entrer dans des discussions entre les groupes politiques pour rechercher les termes d'un programme minimal pouvant donner naissance à un gouvernement de coalition et assurer, si possible, la longévité de celui-ci.

Lionel Jospin - crédits : Pierre Boussel/ AFP

Lionel Jospin

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Il suffit de jeter un regard sur les élections législatives pour reconnaître les deux situations. Au Royaume-Uni, le scrutin uninominal majoritaire à un tour a si fortement marqué le paysage politique qu'au lendemain des élections législatives la majorité, conservatrice ou travailliste, exerce tout naturellement le pouvoir. C'est ainsi que Tony Blair a succédé, en mai 1997, à John Major, simplement parce que le Parti travailliste, dont il était le leader, avait gagné la majorité des sièges de la Chambre des communes, au détriment du Parti conservateur qui la détenait depuis 1979. En France, les résultats des élections législatives de 1997 ont conduit tout naturellement à la nomination de Lionel Jospin comme Premier ministre, en raison de sa qualité antérieure de premier secrétaire du Parti socialiste.

À l'inverse, dans des pays plus divisés, comme l'Italie, la Belgique ou les Pays-Bas, les élections législatives ne permettent guère de dégager des résultats évidents. Il convient donc alors de prendre son temps pour regrouper, en général autour du parti ayant obtenu le plus de sièges, deux ou trois autres groupes politiques afin de constituer une véritable majorité. L'expérience montre que de telles majorités, en particulier en Italie, sont facilement fragilisées et, de ce fait, ne constituent pas l'infrastructure solide dont tout gouvernement a besoin.

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Écrit par

  • : ancien conseiller d'État, ancien président du tribunal constitutionnel d'Andorre, président émérite de l'Association internationale de droit constitutionnel

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Hirohito au Parlement - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

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Lionel Jospin - crédits : Pierre Boussel/ AFP

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