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SEL

L'impôt du sel (gabelle)

Sur la nécessité biologique du sel était fondée l'existence de l'impôt passé à l'histoire, en France, sous le nom de gabelle. On suit le développement de cet impôt depuis la plus haute Antiquité. Dans le monde antique, exploitation et consommation du sel étaient déjà source de recettes fiscales, grâce auxquelles le légionnaire romain touchait sa solde en sel. C'était le salarium, devenu notre « salaire ». L'État s'appropriait la production pour la distribuer ainsi. La monopolisation répondait au double souci de procurer au trésor public des recettes fiscales et d'organiser des approvisionnements réguliers au bénéfice de la population. L'État était dans l'obligation d'intervenir, car le sel, plus que le pain, était un produit de première nécessité, indispensable et non substituable. En 204 avant J.-C., les censeurs instituaient un impôt du sel à Rome et en Italie. Les particuliers pratiquaient des prix abusifs et l'État, soucieux du bien public, prenait sous son contrôle la question du sel.

La monnaie de sel

Le salarium impliquait remise d'un produit adapté à l'échange, c'était un paiement effectué à l'aide d'une marchandise grâce à laquelle les soldats acquéraient d'autres marchandises. Le sel du salaire avait donc les caractères d'une monnaie, commode et divisible en unités plus petites. Il assumait les formes et les fonctions de la monnaie. Ce n'était pas du troc, car avec le sel la conversion était générale ; il fournissait un équivalent mesurant la valeur de toutes les marchandises.

En Afrique aussi, le sel a servi de mesure des échanges. Avec lui on obtenait sorgho, haricots, beurre et bananes. Pour les échanges, on le préparait en pains protégés par une enveloppe de feuilles, de bois ou de cuir. Plus on s'éloignait des salines, plus augmentait son prix. La valeur attachée au sel était grande. En Éthiopie, la barre de sel servait aussi à acquitter taxes et tributs. Avec l'usage, elle s'usait et perdait de sa valeur. Dépréciée, elle finissait comme sel alimentaire. On évitait l'inflation en retirant de la circulation ces fragiles lingots sujets à corrosion. Plus on s'éloignait, plus favorable au sel était le taux de change. On brisait alors la barre en morceaux « pour faire de la monnaie ». Cette hausse de la valeur était due au surcoût du travail entraîné par le transport, les risques, les multiples prélèvements dont le sel était l'objet.

Dans la forêt, le sel obtenu de cendres végétales était un composant nécessaire du régime alimentaire. L'accès aux sources du sel et l'aptitude à le monopoliser engendraient richesse et pouvoir. L'or n'était pas une nécessité vitale, il n'avait pas de valeur intrinsèque pour les peuples africains qui l'utilisaient surtout pour la parure et la bijouterie. Les Vakaranga des plateaux rhodésiens attribuaient à l'épuisement de leurs fournitures de sel leur migration du xve siècle vers la vallée du Zambèze, qui les éloignait de 200 miles de leurs mines d'or. Dans les échanges, le sel était plus précieux que l'or. Selon certains auteurs arabes, les deux minéraux étaient échangés poids pour poids, ce qu'il faut entendre non pas à poids égal mais après pesée de l'un et de l'autre. Dans le Sahel, le sel du désert était échangé contre les céréales et les tissus de coton ; plus au sud, contre l'or qui ensuite alimentait le commerce transsaharien vers la Méditerranée. Le sel permettait d'acquérir aussi les esclaves noirs, c'est-à-dire du travail que les maîtres du sel utilisaient à la mise en valeur agricole de leurs oasis et à l'extraction du sel. Dans toute l'Afrique, les décisions du pouvoir étaient souvent soumises à cette préoccupation majeure :[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des universités de Venise et Lille, directeur de recherche émérite (C.N.R.S. Paris)

Classification

Pour citer cet article

Jean Claude HOCQUET. SEL [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Eau en Méditerranée : composition - crédits : Encyclopædia Universalis France

Eau en Méditerranée : composition

Eau de mer - crédits : Encyclopædia Universalis France

Eau de mer

Plages de précipitation - crédits : Encyclopædia Universalis France

Plages de précipitation

Autres références

  • AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale

    • Écrit par Roland POURTIER
    • 21 496 mots
    • 29 médias
    ...régions arides, les sols sont squelettiques, mais il suffit d'une pluie pour que des pâturages apparaissent. Selon les conditions hydrogéologiques, des sols salés peuvent former de véritables croûtes, comme dans les chotts du sud tunisien. Ressource traditionnelle du Sahara, le sel alimente toujours...
  • AQUITAINE

    • Écrit par Jean DUMAS, Charles HIGOUNET
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    Toute la côte atlantique entre Loire et Gironde a été, d'autre part, du xe au xve siècle, un grand fournisseur de sel. Les marais salants de la baie de Bourgneuf, grâce à leur situation dans le territoire des « marches séparantes » entre Bretagne et Poitou, franches de droits, et au...
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  • DJIBOUTI

    • Écrit par Colette DUBOIS, Universalis, Alain GASCON, Jean-Louis MIÈGE
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    L'Éthiopie, brutalement privée du sel érythréen, s'est tournée vers la R.D.D., redonnant vie aux activités extractives de cette dernière. Les Afar, qui exploitaient les salines naturelles du lac Assal et convoyaient les caravanes de dromadaires, ont été relayés par des exploitants semi-industriels....
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Voir aussi