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PROVERBES

Les proverbes aujourd'hui

Après la Seconde Guerre mondiale, avec l'essor des sciences humaines et avec le progrès de l'interdisciplinarité, la «  parémiologie » s'efforce de devenir une science et d'analyser, par exemple, la structure interne des proverbes ou la fonction qu'ils ont exercée ou exercent encore dans telle ou telle société. Ainsi, en partant d'une perspective morphologique proche de celle de Propp, Permiakov, en 1968, conclut que tous les proverbes collectés ne sont que les variantes d'énoncés correspondant à une centaine de situations qui peuvent être classées selon quatre « invariants » qu'il considère comme « logico-sémantiques ». S'il y a A, il y a B ; si A a la qualité x, il a la qualité y. Si B dépend de A et si A a la qualité x, B aura la qualité x. Si A a une qualité positive et si B ne l'a pas, A est meilleur que B. Cette classification est bien entendu précédée d'une classification linguistique (présence ou absence d'une métaphore, existence d'une opposition binaire, etc.) et complétée par une étude du registre auquel appartient l'image employée, critère de type ethnologique.

M. Kuusi, qui appartient à l'école des grands folkloristes finlandais, propose, en 1972, vingt et un schèmes sémantiques fondamentaux reposant sur l'opposition de l'un à deux, à beaucoup ou à tous. En partant de la dialectologie, C. Barras dans sa recherche sur les proverbes de la Suisse romande (1984) conclut, elle aussi, à l'existence de moules, mais souples et perméables. En France, A. J. Greimas, en 1970, à partir d'observations sur la dénotation et la connotation des énoncés, d'une confrontation systématique des métaphores, images et périphrases (loi de cooccurrence), propose d'étudier les proverbes non plus séparément mais comme des ensembles de sens, de systèmes cohérents de représentations. Autre recherche importante, au confluent de la linguistique et de l'informatique : celle de P. Richard qui essaie de traduire le langage naturel des proverbes en langage symbolique, préalable indispensable à la compréhension de cet ensemble cohérent, donc à toute typologie des proverbes.

La recherche la plus ambitieuse – et la plus réussie – de type anthropologique est celle que F. Loux – en collaboration avec P. Richard – a consacrée aux proverbes concernant le corps, la santé, la maladie, la vie et la mort. Elle les a replacés non seulement dans l'histoire de la médecine traditionnelle ou savante et des pratiques thérapeutiques, mais aussi dans l'évolution des mentalités. F. Loux insiste également sur la valeur symbolique des images et des métaphores utilisées dans les proverbes qui suggèrent un rapport essentiel entre le corps et l'univers. C'est là une utilisation féconde de la psychanalyse qui nous aide à comprendre sur quoi se fonde la cohérence interne des « sagesses du corps ».

L'univers des proverbes n'est donc pas un « code gnomique » (R. Barthes) établi une fois pour toutes, clos sur lui-même et révolu. C'est aux ethnologues, aux historiens, aux sociologues de nous dire comment il s'est élaboré et transformé dans la longue durée : « Œil pour œil, dent pour dent » a pu représenter un progrès par rapport à un adage antérieur du genre « Œil pour dent ». Et il coexiste avec d'autres proverbes qui conseillent la compréhension et même l'indulgence : « Faute avouée est à moitié pardonnée » et « À tout péché miséricorde ». Ces proverbes, qu'on pourrait croire contradictoires, explorent en fait toutes les attitudes possibles devant la déviance. Déposées en strates, elles se présentent à nous simultanément mais elles ont, selon toute vraisemblance, correspondu à des civilisations successives. Le discours proverbial,[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur émérite à l'université de Paris-VII-Jussieu

Classification

Pour citer cet article

Marc SORIANO. PROVERBES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Littératures

    • Écrit par Jean DERIVE, Jean-Louis JOUBERT, Michel LABAN
    • 16 566 mots
    • 2 médias
    ...souvent très formulaires, ne serait-ce que pour en faciliter la mémorisation. On y retrouve donc pour les contes, les devinettes et parfois même pour les proverbes (chez les Kpèlè de Guinée par exemple) des formules spécifiques d'introduction, de conclusion, des formulettes intérieures qui tendent...
  • GNOMIQUE POÉSIE

    • Écrit par Véronique KLAUBER
    • 269 mots

    Mettre en vers des sentences, des maximes ou des préceptes moraux sert avant tout leur mémorisation, mais leur attrait esthétique ainsi augmenté doit contribuer à leur meilleure propagation. Aussi la poésie gnomique existe-t-elle depuis toujours. Elle est très présente dans la littérature...

  • MAXIME

    • Écrit par Jean MARMIER
    • 344 mots

    Le relief obtenu par la grande concision et l'emploi des figures dans un énoncé moral de portée générale a toujours été recherché, pour s'imposer à l'attention et à la mémoire, par le genre gnomique ; et ce genre s'insinue dans tous les autres. Au xvie siècle, les...

  • MÉTAPHORE

    • Écrit par Jean-Yves POUILLOUX
    • 6 370 mots
    ...pour ne pas s'en apercevoir. On en trouverait facilement d'autres exemples ; l'un des plus éclairants peut-être serait à voir dans L'Expérience du proverbe de Jean Paulhan, qui, devant les proverbes malgaches, découvre (peu à peu) qu'un même énoncé change totalement de sens selon qu'on l'entend comme...

Voir aussi