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DISCOURS

Le terme de discours (du latin discurrere, « courir çà et là ») n'est pas à l'origine directement lié au langage. Quand, dès la fin de la latinité (cf. Codex Theodosianus, IX, xxiv, 1), discursus prend le sens de discours, c'est d'abord comme chemin hasardeux de la conversation et de l'entretien, avant de renvoyer à toute mise en forme, parlée ou écrite de la pensée ; les rhétoriques grecques du « logos », comme les rhétoriques latines de l'« oratio », deviennent alors pour nous rhétoriques du discours, de ses « parties » (verbes, attributs, etc.), de sa « disposition » (exorde, proposition, narration, etc.) et de ses « genres » (démonstratif, délibératif, judiciaire). L'histoire du terme et de ses emplois est parallèle à l'histoire de la pensée ; ainsi, c'est au xviie siècle, qui devient par là même siècle de la transparence du langage et de la pensée dans la représentation, que Descartes peut écrire un « discours » de la méthode, au sens de ce « parcours » ordonné dont l'adjectif « discursif » maintient encore le sens. Cependant, déjà avec la rhétorique, le discours n'est pas seulement moyen d'expression de la pensée, mais d'abord instance autonome ; « courant » d'un locuteur à un auditeur ou lecteur, c'est un acte qui vise à un certain effet, dont témoigne tout discours depuis celui des sophistes. La linguistique propose une définition élargie des discours, comme procès d'énonciation discrets et uniques, par lesquels le sujet parlant ou écrivant actualise la « langue » en « parole », au sens saussurien des termes (cf. Benveniste, Problèmes de linguistique générale), et analyse, avec Austin par exemple, les divers actes (locutoire, illocutoire, perlocutoire) qu'accomplit un discours. La psychanalyse et la sociologie font aujourd'hui porter sur tout discours l'éclairage efficace de l'inconscient ou de l'idéologie. Plus généralement, avec la prééminence du modèle linguistique, le discours est, par opposition à une parole commentée ou sacralisée, un objet de science et de critique et le « champ du discours » devient le thème de nombreuses recherches actuelles.

— Barbara CASSIN

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Pour citer cet article

Barbara CASSIN. DISCOURS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACQUISITION DU RÉCIT

    • Écrit par Michel FAYOL
    • 1 108 mots

    Le récit est une forme de discours relatif à une séquence d’au moins deux événements ou actions réels ou fictifs qui sont généralement situés dans un cadre spatial et temporel. Il serait une forme universellement disponible ne nécessitant pas d’enseignement spécifique, au moins sous sa modalité...

  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Littératures

    • Écrit par Jean DERIVE, Jean-Louis JOUBERT, Michel LABAN
    • 16 566 mots
    • 2 médias
    Parfois ce sont des déterminations conventionnelles affectant le terme « parole »,« discours » qui remplissent cette fonction discriminante. Ainsi la distinction faite par les Mossi (Burkina Faso) entre des gomdpagdo (paroles à coque), qui désignent les discours de tradition orale, et les...
  • ANTHROPOLOGIE DE LA COMMUNICATION

    • Écrit par Julien BONHOMME
    • 4 200 mots

    L’anthropologie de la communication s’intéresse aux rapports entre le langage, la culture et la société. Elle emploie les méthodes de l’enquête ethnographique pour étudier les échanges langagiers et, de manière plus générale, les pratiques de communication. Elle envisage le langage comme une ressource...

  • APPRENTISSAGE DE LA PRODUCTION ÉCRITE DE TEXTES

    • Écrit par Denis ALAMARGOT, Lucile CHANQUOY
    • 1 916 mots
    ...fonctionnaient de façon autonome, c’est-à-dire sans que le résultat des traitements de l’un n’influe sur les traitements en cours ou à venir de l’autre. Progressivement, à partir de neuf-dix ans, avec l’installation des programmes moteurs, l’exécution graphomotrice s’automatise, libérant ainsi des ressources...
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