SARTRE JEAN-PAUL (1905-1980)
En avril 1980, la mort de Jean-Paul Sartre fut l'occasion d'une grande ferveur collective. Ses funérailles, sans rappeler exactement celles de Victor Hugo un siècle plus tôt, rassemblèrent la communauté intellectuelle, le peuple de gauche, la jeunesse qui lisait Libération, ce journal populaire qu'il avait aidé à fonder. La gauche en France avait perdu son dernier grand écrivain et son dernier grand intellectuel, au moment même où les intellectuels, une fois révolu leur âge d'or, prenaient leurs distances avec la vie publique. Après la chute du Mur de Berlin, du socialisme soviétique, de la plupart des régimes communistes, le compagnon de route, qu'on louait dans les années 1950-1960 pour sa générosité, semble devenu un compagnon de déroute, le maître d'erreur et de fausseté pour une génération. Il reste certes une communauté internationale de sartriens qui travaille à la connaissance de ses écrits, mais elle ne déborde guère le champ de l'Université et de la recherche. Le grand public a paru donner crédit au livre désolant de Gilbert-Joseph, qui présente le Sartre des années 1940-1944 comme un triste opportuniste, alors qu'il suffit de consulter les Lettres françaises clandestines de 1942-1943 pour y trouver, sous sa plume, les écrits les plus nets et les plus courageux. L'heure est donc aux calomnies et aux anathèmes.
Et pourtant, depuis 1980, Sartre n'a cessé d'étonner et de retenir ses lecteurs. Publiés en 1983, les Carnets de la drôle de guerre (qui se sont adjoint un « Carnet I » miraculeusement retrouvé) ont révélé un autobiographe et un historiographe de 1939-1940 : qui aurait cru que le soldat Sartre pratiquait avec tant d'énergie un journal si peu intime et que sa métaphysique s'élaborait, avec la force de l'urgence, dans les cantonnements d'Alsace ? Avec les Lettres au Castor (1983) surgit un épistolier totalisateur qui écrit l'histoire de sa personne, de son couple, de son époque. Les Écrits de jeunesse (1990) fourmillent de textes saisissants comme « Jésus la Chouette » ou « Une défaite ». On comprend mieux pourquoi Sartre avait été fasciné par les écrits de jeunesse de Flaubert, et on y voit comment Sartre est devenu Sartre, non sans tâtonnements ni faux pas. On croyait perdu le livre entrepris sur l'Italie en 1951. Or on lit avec délectation, sous le titre étrange La Reine Albemarle, ou le Dernier Touriste (1991), un Sartre capricieux et vif, à l'exemple de Stendhal et de Morand. Les pages retrouvées sur Mallarmé (Mallarmé. La lucidité et sa face d'ombre, 1986) complètent la galerie biographique, entre Baudelaire et Genet : pour une fois, le portraitiste a trouvé un maître qu'il puisse admirer. Dans le domaine philosophique, les Cahiers pour une morale (1983), Vérité et existence (1989), le deuxième volume inachevé de la Critique de la raison dialectique (1985), la réunion en volume des entretiens avec Benny Levy (1991) ont montré qu'il y avait des trésors dans les chantiers que Sartre disait lui-même avoir abandonnés. On peut aussi entendre l'homme de radio, qui avait fait scandale en 1947 avec sa « Tribune des Temps modernes ». Ce mort, dont on dit qu'il s'éloigne, est plus vivant que jamais.
Sartre a eu, successivement et simultanément, plusieurs vies, plusieurs œuvres : personne aujourd'hui ne peut, avec une compétence suffisante, envisager à la fois le philosophe, le romancier, le biographe, l'autobiographe, l'écrivain de cinéma, le parleur au magnétophone, le partisan et le militant, le directeur de revue, le fondateur de quotidien, entre autres. Il a paru nécessaire de distinguer dans ce qui suit philosophie et littérature, si on veut bien comprendre sous le second terme une polygraphie sans limites où Sartre est à la fois romancier, dramaturge, autobiographe et essayiste. Les deux activités sont restées parallèles et ne se sont rejointes que rarement, par exemple à l'occasion d'un livre-carrefour tel que Saint Genet. Sartre lui-même distinguait, un peu sommairement, l'écriture philosophique, sans travail du style, et l'écriture littéraire, stylistiquement élaborée en vue d'un effet à produire. La lecture attentive des textes ne remet pas en cause cette distinction : Sartre écrira sur Flaubert et sa littérature environ deux mille huit cents pages ; il le fera sur le mode philosophique et anthropologique, sans autres effets de style que ceux qui sont dus à une longue pratique de la rhétorique, et avec un constant désir de dévaloriser, à travers Flaubert, la littérature elle-même. Inversement, quand Sartre s'engage dans la résistance au nazisme, quand il prend parti pour la révolution communiste, pour l'indépendance de l'Algérie, pour la vengeance du Tiers Monde décolonisé, il le fait en mobilisant toutes les ressources d'un style polémique et destructeur, et reste dans le domaine de la littérature, qu'elle soit militante ou mystique.
Une philosophie de la liberté
La philosophie de Jean-Paul Sartre est une philosophie de la subjectivité ou de la conscience. Contre cet attachement à la subjectivité s'édifièrent les structuralismes ; désormais, il ne s'agirait plus de donner à voir l'être-au-monde d'un sujet, mais de systématiser les constantes différenciées autour desquelles se forme le groupe humain : habitus et champs pour le sociologue, chaînes signifiantes pour le psychanalyste, lois du langage pour le linguiste, structures de la parenté pour l'ethnologue. Une fois accompli ce renversement, une fois Sartre dépossédé de la longue hégémonie qu'il avait exercée sur la scène culturelle, cette « subjectivité » fut déformée, diabolisée : cartésianisme attardé, monadisme suranné, anarchisme individualiste. Et l'accès à l'existentialisme fut bouché par les brumes épaisses d'une doxa antisartrienne.
L'intentionnalité
C'est de cette doxa qu'il faut se défaire, pour tenter de restituer à la fraîcheur de son invention la pensée de Sartre. De quelle « subjectivité » s'agit-il de faire la philosophie ? La première « obédience » de Sartre fut husserlienne, mais se révéla d'emblée contestataire et déviante. De la phénoménologie, Sartre a retenu, avec un émerveillement jamais démenti, la notion d'intentionnalité : enfin, on pouvait penser une subjectivité qui ne soit plus, comme dans les idéalismes, une substance autosuffisante, une transparence autarcique ; qui ne soit pas davantage, comme c'est le cas du point de vue d'un objectivisme scientiste, un fatras d'illusions imaginatives ; ni les nœuds complexes d'une intériorité qu'il s'agirait d'élucider par introspection psychologique. Désormais, la conscience, ouverte à tous les vents, est jetée sur la grand-route, parmi les choses. Ce qui est à penser, ce ne sont plus les « arrière-mondes », mais ce qui se donne à fleur de peau, ou l'apparaître de ce qui apparaît. Le vieux partage s'effondre, qui opposait l'apparence illusoire au ciel des idées, seul siège de la vérité. Et c'est cette révolution, pas moins, qui s'exprime dans le concept d'intentionnalité. « À l'axiome de Descartes selon lequel « il n'est de réalité donnée que pour la conscience », le génie de Husserl avait ajouté : « Toute conscience est conscience de quelque chose ». » Reste que, dès sa première œuvre philosophique, La Transcendance de l'ego (1936), Sartre marque les limites de la phénoménologie husserlienne autant qu'il en exalte l'originalité. Il y déplore en effet que Husserl, qui, dans les Recherches logiques, avait fait tomber sous le coup de l' épochê – suspension des savoirs constitués touchant l'existence du monde, et donc de tout jugement concernant celle-ci – le « moi » psycho-physique, n'ait pas compris que le « je » devait lui aussi être soumis à une telle tréduction ; il soutient qu'il est superflu de donner à la conscience ranscendantale la figure personnelle du je, et que les Ideen, parce qu'elles vont dans cette direction – notamment dans leur rapprochement avec la notion kantienne d'« idée » –, constituent une régression vers une manière classique de philosopher.
Si le je doit être évacué, c'est qu'il n'est que le produit de la réflexion, elle-même toujours seconde ou dérivée. C'est réflexivement que je me peuple de ces « habitants » qui sont la texture de mon je, par exemple mes « états » (si j'ai une répulsion pour untel, c'est que je le déteste – ma haine pour lui est un état), ou mes « qualités » (si je hais untel, c'est que je suis misanthrope – la misanthropie qualifie ma personne). Vidée de tous ses habitants, la conscience devient un champ transcendantal impersonnel et irréfléchi, unifié seulement par les objets eux-mêmes. Sartre ne démordra jamais de cette découverte, que, plus tard, dans Saint Genet comédien et martyr (1952), il condensera dans une formule scintillante : « Il n'est permis à personne de dire ces simples mots : je suis moi. Les meilleurs, les plus libres peuvent dire : j'existe. C'est déjà trop. »
Image et émotion
Donc, une conscience irréfléchie, tout entière tournée vers le monde, étrangement oublieuse de cet ancrage dans soi qui fait l'habituelle consistance du cogito. Cette « vacuolisation » que Sartre fait inauguralement subir à la conscience, loin de la laisser exsangue et paralysée, va de pair avec l'affirmation de son irrépressible spontanéité. C'est ce qu'il s'attache à montrer dans ses trois ouvrages ultérieurs, également d'inspiration phénoménologique : L'Imagination (1936), Esquisse d'une théorie des émotions (1939) et L'Imaginaire (1940). Il y prend à contre-pied les interprétations habituelles de l'image et de l'émotion, qui en font des dimensions de la vie psychique ne laissant que peu de place à une intervention spécifique et autonome de la conscience. Dans la tradition, l'image n'a pas de consistance propre : chez Descartes, assimilée aux sensations dont elle est issue, elle est juste bonne à préparer la conversion par quoi la présence des choses se révèle le fruit de nos jugements ; chez Leibniz, elle est un niveau de perception confuse de ce qui doit être amené à aperception claire ; et dans l'associationnisme de Hume où, toute essentialité abandonnée, elle règne sans partage, sa généralisation même fait obstacle à sa consistance différentielle : il n'y a plus rien par rapport à quoi elle puisse se différencier. L'inconsistance de l'image dans ces métaphysiques (et, d'après Sartre, jusque dans la modernité) tient à ce qu'elle soit comprise comme un « objet mental », ou comme un objet dans la conscience – au même titre du reste que la perception, la sensation, ou le concept, dont elle ne peut plus alors différer que quantitativement, par exemple par son moindre degré de réalité. Pourtant, contre toutes les théories qui réduisent l'image à une forme dégradée de la perception, n'avons-nous pas l'évidence vécue de sa spécificité, qui est d'avoir constitutivement affaire au néant ? J'imagine dans l'absence de ce que j'imagine. Ce néant qui est au cœur de l'image, je le manque forcément dès que je fais d'elle un « objet » – le terme d'objet impliquant au contraire solidité et plénitude. La seule façon de saisir l'image dans son néant caractéristique consiste à la voir non plus comme objet dans la conscience, mais comme objet visé par la conscience, selon l'orientation-vers... qui caractérise l'intentionnalité. « L'image est un certain type de conscience. L'image est un acte et non une chose. » Un acte, une création, ou une « thèse » spécifique : la « thèse irréalisante », par laquelle la conscience pose, en même temps que l'image, le monde comme néant. La thèse réalisante est inverse, par laquelle la conscience se donne un objet extérieur, et s'accomplit comme perception.
L'image est un acte. Il en va de même pour l'émotion. Au premier abord, quoi de plus subi que l'émotion ? Les explications mécanistes prédominent, triviales ou sophistiquées : soit c'est simplement le fait d'un désordre physiologique qu'on peut tout au plus décrire, soit c'est le résultat d'une « sensibilité cortico-thalamique », soit c'est, dans une situation trop difficile, la libération d'une énergie qui ne trouve pas à s'utiliser efficacement (je pleure ou crie parce que je ne peux pas m'adapter), soit encore (dans l'explication psychanalytique) c'est un comportement conscient dont les mobiles et la signification sont inconscients (telle phobie renvoie à tel événement traumatique refoulé). Mais dans aucune de ces perspectives il n'est rendu compte de cette organisation finalisée qu'est l'émotion. L'émotion, comme l'image, est un « type de conscience », ou une certaine visée. Dans le cours normal de l' action, le moyen est le chemin vers mon but, à la fois praticable et rigoureux, et ce chemin est la visée de la conscience, sa manière de poser le monde sans se poser elle-même (il s'agit toujours de la conscience irréfléchie). Mais il se peut, dans certaines circonstances, qu'elle le révèle comme trop contraignant, trop peu rentable, et, renonçant à modifier le monde de façon qu'il donne prise à un meilleur agencement des moyens aux fins, elle se modifie elle-même. Telle est l'attitude du stoïcien : « se vaincre soi-même plutôt que la fortune » – devise à l'égard de laquelle Sartre se montrera constamment critique. L'attitude émotive est à la fois similaire et inverse. Comme le stoïcisme, elle est retrait hors de l'ustensilité ; mais ce retrait, le stoïcien l'atteint par sa lucidité désincarnée ; la conduite émotive, par enfoncement dans le « désordre » du corps. Dans cette théorie de l'émotion se mettent en place plusieurs constantes de la pensée sartrienne : d'abord, rien ne vient à la conscience accidentellement et du dehors, elle ne subit rien dont elle ne s'affecte elle-même, ou elle est à l'origine de sa propre passivisation ; ensuite, la « comédie » est étroitement intriquée à l'être de la conscience, et elle est loin de pouvoir, dans tous les cas, être dénoncée comme jeu cynique. Quand, plutôt que de changer le monde, je pleure comme si mes larmes allaient apporter une solution à une situation insoluble, c'est là une comédie à laquelle je peux très bien croire (parce qu'elle est non thétique), et je m'y englue au fur et à mesure que je la produis.
Pour-soi et en-soi
L'Être et le Néant (1943) porte en sous-titre : Essai d'ontologiephénoménologique. L'influence husserlienne est donc encore présente, mais le terme d'« ontologie », qui renvoie à la question heideggérienne de l'Être, indique une nouvelle orientation de la pensée de Sartre – qui va de pair avec une certaine distance prise à l'égard de Husserl. Cette évolution, Sartre lui-même la formule explicitement dans le journal de guerrequ'il rédigeait durant sa mobilisation en Alsace, à l'époque de l'élaboration de L'Être et le Néant. C'est la guerre, dit-il, et sa propre incapacité à l'avoir vu venir, qui lui inspira des doutes concernant son outil intellectuel principal, la phénoménologie husserlienne. La tare dont Sartre se met à suspecter la phénoménologie est alors l'idéalisme. Et la question que pose l'introduction de L'Être et le Néant est la suivante : le mot d'ordre au nom duquel le phénoménologue proclame la destitution des arrière-mondes, à savoir que l'être, c'est l'apparaître, est-il si différent du esse est percipi (« exister, c'est être perçu ») de Berkeley ?Pour pouvoir penser la relation du percipere et du percipi comme vérité (et non comme vision simplement subjective), il faut la transgresser vers l'être qui la fonde. C'est-à-dire accomplir, par rapport à la phénoménologie, le « dépassement ontologique » prôné par Heidegger. Certes, Husserl s'était bien attaché en ce sens à l'élucidation de l'être du percipiens, c'est-à-dire de la conscience, et Sartre ne renie en rien cet héritage – la conscience comme constituante et intentionnelle –, moyennant la réforme suggérée par La Transcendance de l'ego (dans L'Être et le Néant, Sartre parle non plus de conscience « irréfléchie », mais de conscience « pré-réflexive »). Mais si cette investigation sur l'être du percipiens n'est pas accompagnée d'une interrogation sur l'être du percipi, rien ne peut laver la conscience du soupçon de tourner en rond dans l'éther de ses seuls songes. Bref, c'est radicalement qu'il faut poser la question de l'être, et Sartre met en place les fondations de son ontologie : il y a deux régions d'être, à la fois inextricablement liées et violemment disjointes, l'être du percipiens ou pour-soi, et l'être du percipi ou en-soi. L'être du pour-soi est fait de décalage, de distance à soi, de non-coïncidence avec soi ; autrement dit, il a partie liée avec le néant : le pour-soi n'est pas ce qu'il est et est ce qu'il n'est pas. L'être de l'en-soi, au contraire, est ce qu'il est, massif, plénier, nocturne et muet.
Si Sartre doit à Heidegger la position de la question de l'être, la réponse qu'il y apporte est originale ; c'est ainsi qu'il critique la façon dont Être et Tempss'emploie à éclipser, sous des termes faussement positifs, le néant d'être constitutif de la réalité-humaine. Heidegger dit du Dasein (« être-là ») qu'il est « souci », ou « être-des-lointains », sans cesse projeté en avant de lui-même, et donc incapable de « s'appartenir » jamais, mais tait cela que pour qu'il se soucie, ou soit soi à distance de soi, il lui faut n'être pas ce qu'il est et être ce qu'il n'est pas. Il considère que la question de l'être enveloppe le Dasein et s'éclaire en lui, alors que Sartre, au contraire, voit dans le comportement même de la question l'attestation du décrochement néantisant de l'homme par rapport à l'être (la question implique que le questionné soit suspendu dans le néant – je ne demande « Pierre est-il là ? » que si j'envisage qu'il puisse ne pas l'être).
On a souvent mal compris l'ontologie sartrienne et ses deux régimes d'être opposés, pour-soi et en-soi. C'est, dit-on en général, un dualisme – en-soi et pour-soi constitueraient une version à peine modernisée de la relation cartésienne de l'âme et du corps. Un tel dualisme serait incompatible avec l'acquis fondamental de la phénoménologie, à savoir cette unité relationnelle que constitue l' être-au-monde. Il y aurait une tension, dans L'Être et le Néant, entre les nombreuses et fécondes descriptions phénoménologiques (du corps, de l'être-pour-autrui, de la mauvaise foi, etc.), et le cadre rigide de cette ontologie substantialiste et duelle (telle est par exemple l'interprétation de Merleau-Ponty, reprise par A. de Waelhens). En vérité, l'ontologie de Sartre, loin de contredire son orientation phénoménologique, en exprime très exactement la spécificité. En-soi et pour-soi, Sartre le dit expressément, ne sont pas des substances ; nulle part donnés dans l'expérience, laquelle est toujours indissolublement synthétique, ce ne sont que des « abstraits ». S'il faut néanmoins éclairer l'expérience, dans sa concrétude toujours relationnelle, à la lumière tranchante de leur disjonction, c'est pour marquer la précarité de ses synthèses, pour empêcher qu'elle n'érige son unité de fait en une unité de droit. Car il n'y a jamais légitimité de l'expérience ou de l'existence. C'est là l'intuition centrale de La Nausée (1938), celle de la contingence, dont en-soi et pour-soi, dans la déstabilisation asymétrique qu'ils impriment à toute synthèse, sont les opérateurs intellectuels, et qui sera vulgarisée en 1946 par la formule fameuse de L'existentialisme est un humanisme : « L'existence précède l'essence. » Il y a bien une phénoménologie proprement sartrienne. Elle ne déploie pas, comme celle de Merleau-Ponty, l'espace d'une proximité tactile ou des entrelacements charnels du voyant et du visible ; ni, comme celle de Heidegger, celui de la parole de l'être, à l'écoute attentive de laquelle serait convoquée la réalité-humaine, mais celui d'une liberté qui surgit sur fond de contingence radicale. Justement parce que la conscience est infondée, « de trop pour l'éternité », improbable excroissance de néant flottant à la surface taciturne et identique de l'être, justement parce qu'elle n'a pas de sens préfabriqué, il lui appartient de librement s'en donner un.
Mais ce sens ne peut jamais effacer l'abîme de contingence dont il est issu ; ce qui signifie aussi bien qu'il n'est jamais définitif ; que rien ne l'astreint au respect de lui-même, et qu'il peut se défigurer jusqu'à l'aliénation. L'Être et le Néant, ce traité de la liberté, est aussi l'exploration caustique des mille détours qu'emprunte la conscience pour éviter de se saisir comme libre. Le ressort du refus de la liberté par elle-même, c'est la « mauvaise foi », ou inauthenticité. Comédie non cynique et prise à son propre jeu, elle est étroitement liée au type de comportements dont il était question dans la théorie des émotions. Elle consiste à dissocier les deux aspects de la réalité-humaine, en-soi et pour-soi, ou facticité et transcendance, et, au lieu d'établir entre eux, en connaissance de cause, une « coordination valable », à fuir chacun des termes dans l'autre. Prenons cette coquette à son premier rendez-vous, qui entend profiter des charmes de l'heure sans penser aux conséquences de son relatif abandon. Son soupirant lui tient la main, mais elle parvient à ignorer combien l'étreinte est pressante, parce qu'elle fait de cette main une pure parcelle d'en-soi, un morceau de chair inerte, tandis que, par ailleurs, pur pour-soi, elle s'évade de son enveloppe charnelle en entraînant son interlocuteur dans les altitudes éthérées d'une conversation théorique sur la sentimentalité. La mauvaise foi, ce n'est pas seulement cette désagrégation, cette alternance d'en-soi et de pour-soi, mais aussi, à l'inverse, la croyance en leur synthèse immuable et rigide, que Sartre nomme « en-soi-pour-soi » : c'est là ce que Roquentin lit sur les visages des « salauds » portraiturés au musée de Bouville. Cette attitude, Sartre l'appelle aussi « esprit de sérieux ».
Comment libérer la liberté ? Comment éviter les arcanes de la mauvaise foi ? La liberté, pour quoi faire ? Ces questions, L'Être et le Néant les laisse ouvertes, et Sartre se contente ici de décrire la liberté comme puissance néantisante, jamais pré-orientée, dans l'éventail de ses variations multiples. Mais il promet d'y répondre dans un « prochain ouvrage » consacré à la morale.
Histoire et intersubjectivité
Cette morale ne fut jamais achevée (nous disposons à présent de son ébauche, un volumineux ensemble de notes, publié à titre posthume sous l'intitulé Cahiers pour une morale). Si Sartre abandonna ce projet, c'est, dit-il, du fait d'avoir pris conscience, progressivement, que la façon dont il envisageait jusqu'alors la liberté était trop idéale et désincarnée – prenant trop peu en compte ce que Simone de Beauvoir appelle la « force des choses ». Certes, le pour-soi était bien pondéré de facticité (pourvu d'un corps, en proie au regard d'autrui, engagé dans l'ustensilité) et situé socio-historiquement (je suis parisien pour les occupants allemands, bourgeois pour les ouvriers, européen pour les Asiatiques ou les Noirs, etc.). Mais L'Être et le Néants'attachait avant tout à établir les structures ontologiques d'une liberté apte à faire de ses prétendus conditionnements la possibilité de sa propre affirmation. Dans Critique de la raison dialectique (1960), l'interrogation se déplace, et Sartre se propose d'élucider la constitution de ce conditionnement lui-même. La question devient alors : comment se peut-il que les libertés individuelles perdent leur propre transparence néantisante et s'enfoncent dans les stratifications « fibreuses » de la réalité socio-historique ? Ou bien : quelles sont les conditions de possibilité de l'Histoire ? On peut dire aussi que si l'Histoire était l'occasion de L'Être et le Néant, elle devient l'objet de Critique de la raison dialectique. Ce qui va de pair avec un déplacement des intérêts intellectuels de Sartre vers le marxisme. Il faut cependant éviter de voir une rupture entre les deux œuvres, comme si Sartre, dans la seconde, reniait ce qui fait l'« individualisme » de la première. Le propos est bien plutôt d'insuffler au marxisme la force vive de l' individualité, et Sartre critique, tout au long de l'ouvrage, la dialectique mécaniste et dogmatique, qui ne voit pas de différence majeure entre la façon dont des déterminants physiques agissent sur des corps matériels, et celle dont des déterminants socio-historiques agissent sur la liberté. Dès qu'on refuse de prendre en compte la fonction constituante de la liberté individuelle, on tombe dans l'inertie des choses, et « l'opposition qui se réalise entre le capitaliste et le salarié ne mérite pas plus le nom de lutte que celle du volet qui bat dans le vent et du mur qu'il frappe ». Comprendre l'oppression et l'exploitation, ce sera, au contraire, montrer comment elles sont une perversion de la liberté par la liberté, un devenir-inhumain engendré par l'humain lui-même.
En sorte qu'il faut manier avec précaution l'idée selon laquelle la Critique, enfin, après la désinvolture anarchiste de L'Être et le Néant, se rendrait à la force des choses ou au poids réel de l'Histoire. On pourrait presque dire, aussi paradoxal que cela paraisse, que la « théorie des ensembles pratiques » à laquelle nous convie Sartre est une longue exploration non pas de la réalité historique, mais des pouvoirs réels de la fiction-Histoire. Car seules les praxis individuelles (tels sont les mots par lesquels Sartre désigne désormais le libre pour-soi) existent au sens fort du terme, c'est-à-dire sont réellement constituantes. L'Histoire, elle, est constituée, et n'a donc pas d'existence substantielle. Elle n'est pas, comme le veut le marxisme dogmatique, l'action d'un faisceau implacablement déterminant de facteurs économiques ; ni, à la façon d'un certain hégélianisme, le mouvement téléologique de figures en marche vers leur réconciliation spirituelle. Toutes les théories substantialistes récusées par Sartre font de l'Histoire ce qu'il appelle un « hyperorganisme » : elles confèrent indûment à une entité constituée la qualité d'être un corps, qualité qui ne revient qu'à la praxis individuelle constituante. Mais si l'Histoire est bien, en un sens, « fictive », eu égard à cette seule réalité plénière, la praxis individuelle, elle, n'en a pas moins une consistance, un mode d'imposition. La texture de l'Histoire, Sartre se propose de l'approcher par le biais d'une méthode originale, qu'il nomme « nominalisme réaliste » : « La dialectique, si elle existe, ne peut être que la totalisation des totalisations concrètes opérées par une multiplicité de singularités totalisantes. C'est ce que j'appellerai le nominalisme dialectique. Il n'en reste pas moins que la dialectique n'est valable, en chaque cas particulier qui la recrée... que si elle nous donne la clé de l'aventure qui la manifeste, c'est-à-dire si nous la saisissons comme l'intelligibilité du phénomène considéré. Et, de ce point de vue, le nominalisme est en même temps un réalisme dialectique. » Nominalisme il y a, au sens où le concept dialectique, la totalité, l' universel ou l'Histoire n'existent pas par eux-mêmes. Mais il ne faut pas entendre ce nominalisme en un sens classique, au sens où les universaux ne seraient que des commodités de classement subordonnées à un empirisme positiviste. Les universels historiques, en tant que fictifs ou abstraits, ont réalité, et cette réalité n'est autre que celle des existants concrets singuliers en tant qu'ils s'échappent à eux-mêmes ou se font autres qu'eux-mêmes. La « féodalité », par exemple, n'est nulle part donnée dans l'expérience, elle n'est rien qu'un nom ; et pourtant elle résulte de la réalité concrète et singulière de rapports humains complexement articulés, qui, à un moment donné, se sont extériorisés eux-mêmes dans cette « fiction », laquelle dès lors les mesure réellement, et sera réintériorisée par d'autres pratiques. L'Histoire, c'est une multiplicité de tels quasi-êtres ou de fictions ayant force de réalité, que la liberté pratique singulière sécrète comme son propre envers « ensorcelé ».
La Critique se veut avant tout une enquête sur cet ensorcellement, ou l'épreuve de ce que la praxis n'est pas seulement transparence rationnelle en prise sur le monde, mais aussi profondeur opaque échappante, altération inapparente de soi. Ce débordement altérant se produit dès le niveau le plus élémentaire de la praxis, à savoir le besoin organique. Le besoin, c'est le comble de la spontanéité néantisante, de la totalisation pratique transparente à soi : cette lacune que j'éprouve (d'un aliment, d'eau, etc.), elle ne m'assaille pas du dehors (faute de quoi, perdu dans un désordre absolu, je ne pourrais même pas me la formuler) ; si je me la formule, c'est que je l'ai déjà librement niée, c'est que le besoin est projection active et totalisante, révélation du monde à partir de la possibilité d'un assouvissement. Mais, tout aussitôt, cette totalisation s'opacifie, cette spontanéité se passivise : « La vie ne porte pas sur elle-même »,elle n'est pas directement à la source de sa reproduction. Elle doit passer par la médiation de l'inorganique, prélever sur le monde de la matière non vivante ; pour agir sur cette « inertie » et la ramener à l'unité organique, c'est-à-dire pour l'assimiler, elle doit, moment d' aliénation élémentaire, se faire elle-même temporairement inerte (c'est-à-dire se décomposer en processus chimiques, digestion, combustion, échanges gazeux, etc.).
Dès ce moment, le ver est dans le fruit : la liberté, s'étant dès l'origine faite autre qu'elle-même, est prête à bien des altérations ultérieures ; et la Critique ne fait rien d'autre que développer les implications de cette structure quand l'action humaine se fait plus complexe. Dès qu'il y a travail, matière et liberté s'infestent l'une l'autre pour former cet hybride malfaisant et inévitable, le « pratico-inerte ». La libre pratique s'englue dans un monde qui la défigure : c'est la « contre-finalité ». Soit ces paysans chinois qui déboisaient pour disposer de plus de terres arables. Le sol déboisé est sans défense contre les crues du fleuve, et leurs cultures sont détruites : leur praxis, pourtant transparente à elle-même et libre, s'est retournée contre elle-même par le biais de la matière travaillée. Si je vivais seul dans un monde d'abondance absolue, je serais encore en proie à semblables contre-finalités. Mais, de surcroît, je vis dans une intersubjectivité dominée par la rareté : il n'y en a pas assez pour tous. Dans un tel monde, l'autre liberté est une menace. Je serai donc enclin à la traiter comme autre que la liberté, c'est-à-dire comme chose : tel est le germe de l'oppression et de l'exploitation.
Le fond de l'aliénation est atteint avec la sérialité. « Comédie », là encore. Son enjeu n'est plus, comme dans l'émotion, de fournir un moyen d'exception, la seule issue dans une conjoncture désespérée, mais c'est le tissu le plus quotidien de notre vie. Le rôle que j'y tiens ne vise pas à m'ériger en essence monumentale de moi-même, comme dans l'esprit de sérieux, mais à me diluer dans l'anonymat le plus banal, dans le « on ». L'univers infernal et familier de la conformité sérielle ne se rompt que rarement : c'est alors le « groupe en fusion », moment révolutionnaire où les praxis dispersées se rassemblent dans une libre proximité intensive (la prise de la Bastille). Mais le groupe en fusion est précaire et passager, voué à disparaître en même temps que les circonstances de son engendrement, ou à se refroidir, à durcir et à retomber peu à peu dans la sérialité.
L'œuvre d'art et la liberté
Si la Critique a l'audace de déchiffrer ce qui nous semble le plus réel de la société comme tissé d'irréalités, la pensée sartrienne ne peut éviter de se confronter à un autre type d'irréalité-réelle ou de réalité-irréelle qui fait également partie intégrante de notre existence socialisée : l'œuvre d'art, que Sartre définira comme « centre réel et permanent d'irréalisation ». Ce sont les études consacrées à Mallarmé, Tintoret, Baudelaire, et surtout à Genet (Saint Genet comédien et martyr) et à Flaubert (L'Idiot de la famille, 1971-1972). Occasion encore d'affirmer l'irrédentisme de la liberté là même où le « marquage » d'un individu par la société fut violent et castrateur. C'est bien la société, une société paysanne, aux mœurs rigides, qui parle dans la condamnation qui sanctionne de « voleur » Genet, l'auteur d'un larcin infantile. C'est bien elle aussi, dans ses contradictions, qui pèse sur Gustave par le biais du regard du père – ce père trop féodal encore pour ne pas faire de son aîné Achille son hoir privilégié, et déjà trop bourgeois pour pouvoir envisager l'avenir de ses fils autrement que comme intégration aux savoirs et techniques positivistes. Les deux enfants partent battus. Et pourtant... la liberté ne peut pas ne pas agir, même lorsque les issues semblent bouchées. L'« agir » des vaincus, c'est le défi, qui consiste en une assomption orgueilleuse de la sanction portée par l'Autre. Pour Genet : vous m'avez dit voleur, je serai donc ce voleur ; ou, pour Gustave : le regard paternel, méprisant, me plonge dans le néant ? Ce néant, je m'y précipiterai moi-même. L'objet du défi, on le voit, n'est pas le même. Chez Genet, c'est le Mal, chez Flaubert, le Néant. Dans le premier cas un néant intérieur à l'être, dans le second un anéantissement de l'être même, ou la mort, mimée en 1844 par la crise nerveuse de Pont-l'Évêque.
Il est impossible de retracer ici dans sa complexité les particularités des itinéraires qui caractérisent ces deux libertés jusqu'à leur accession à l' écriture. Il y a d'abord, dans les deux cas, le défi dans lequel s'affirme le postulat fondamental de Sartre : même contrecarrée, même acculée, la liberté ne peut pas ne pas riposter, mieux, ne pas avoir déjà riposté. Et puis, la révélation progressive de la vérité de ce mode d'action contrarié, refoulé par le monde : l' imaginaire. On ne peut vouloir (au sens propre ou réel du terme) que ce qui est à faire – et non, comme Genet ou Flaubert, ce qui est déjà. Un tel vouloir ne peut que verser dans la comédie d'un « vouloir vouloir ». Et, de fait, Genet aussi bien que Flaubert, bien avant de devenir écrivains, furent, chacun à leur manière, comédiens. Le paroxysme de la part comédienne de Genet, Sartre l'appelle l'« esthétisme » : invention de « gestes » destinés à renverser, pour un instant, l'ordre du monde. Flaubert, lui, se fera bouffon pour amuser sa sœur Caroline, et rêvera plus tard de passer professionnel de l'imaginaire en devenant acteur. L'imaginaire, pour Sartre, est stérile : il ne fait au fond que confirmer l'ordre qu'il a pour fonction de contester. Mais, pour sortir de sa systématique vertigineuse et vaine, il faut quelque événement extérieur. Genet prisonnier, en conflit avec ses codétenus, qui s'amusent à lire de mièvres poésies, écrit Le Condamné à mort. Gustave, lui, viendra à l'écriture comme à un pis-aller, du fait du refus porté par son père à l'encontre de sa vocation d'acteur. Et les voilà tous deux aux prises avec les mots. En un sens, rien ne change : ceux-ci berçaient déjà leurs songes respectifs. Et, pourtant, nous avons quitté l'imaginaire pour l'action, et tout a changé. C'est que, dès qu'il se retrouve emprisonné dans le mot écrit, le rêve coagule, et se retrouve étranger à lui-même. Un travail est dès lors nécessaire pour maintenir la vivacité de son pouvoir corrosif. C'est là, à terme, la libération de la liberté, son pouvoir néantisant révélé à lui-même à travers le mouvement de l'œuvre – en même temps que l'insertion de ses produits au sein de l'Esprit objectif.
La liberté, et sa face d'ombre : tels sont les deux termes que Sartre n'aura cessé d'explorer. Sans que la sombre et multiforme emprise du second rende jamais le premier dérisoire. Au contraire : sauf à adopter un point de vue de survol, constamment dénoncé par Sartre, il n'y a de lucidité que dans l'opaque, de liberté qu'arc-boutée à l'aliénation. « Je refuserais d'être un Dieu, si on me le proposait. Il n'est pas jusqu'au fait d'être en danger permanent qui ne puisse être source de jouissance. »
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Écrit par
- Jacques LECARME : professeur de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Juliette SIMONT : maître de recherche au Fonds national de la recherche scientifique de Belgique
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