HUGO VICTOR
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Roman, critique, voyages, histoire dialoguent dans l'œuvre de Victor Hugo avec le lyrisme, l'épopée, le théâtre en un ensemble dont le « poète » a souvent proposé des articulations historiques, géographiques ou idéologiques plutôt qu'une périodisation. En règle générale, l'œuvre en prose a pour fonction de recueillir les éléments les plus secrets de l'œuvre poétique, de les composer en architectures prospectives ; plus neuve et plus audacieuse ainsi, elle peut servir de préface à toute la création hugolienne. Elle se distribue pourtant en trois masses : la mort de Léopoldine, en 1843, entre l'Académie (1841) et la Chambre des pairs (1845), marque une première rupture ; vers 1866-1868, c'est le tournant proprement historique et politique. Chacune de ces masses est caractérisée par la présence de romans ou quasi-romans (Han d'Islande, Bug-Jargal, Le Dernier Jour d'un condamné, Notre-Dame de Paris, Claude Gueux, pour la première ; Les Misérables, Les Travailleurs de la mer, pour la deuxième ; L'Homme qui rit et Quatrevingt-Treize, pour la troisième), de textes mêlés d'histoire, de politique et de voyages (pour l'essentiel, respectivement : Le Rhin ; Choses vues et Paris ; Actes et Paroles et Histoire d'un crime) et enfin d'essais critiques, qui se fondent avec l'histoire militante dans la troisième période, en une vue rétrospective qu'annonçaient déjà Littérature et philosophie mêlées dans la première période et la somme du William Shakespeare dans la deuxième. La poétique de l'œuvre en prose s'inscrit donc dans un espace à quatre dimensions : le romanesque, le voyage, la politique, la réflexion critique sur le génie. À côté de l'évolution biographique et historique, c'est le William Shakespeare qui forme le centre de gravité du colosse. Poète usé par l'école de la IIIe République et la pratique des morceaux choisis, dramaturge qu'on croit mort avec le théâtre romantique en 1843 (échec des Burgraves), romancier méconnu parce que trop mesuré aux normes de Stendhal, Balzac ou Flaubert, Hugo apparaît de plus en plus dans sa singularité géniale, si l'on examine toute son œuvre à partir du fonctionnement de son intelligence critique, qui est, contre Sainte-Beuve, une réflexion sur le caractère absolu de la modernité.
Romancier épique, poète visionnaire, homme de théâtre novateur, Victor Hugo occupe une place centrale dans la littérature du XIXe siècle. Photographie de Paul Nadar (1884).
Crédits : Paul Nadar/ Archives photographiques
Dans Les Misérables (1862), Victor Hugo mêle les destins individuels de personnages issus du peuple (Jean Valjean, Cosette, Gavroche) aux événements de l'histoire (Waterloo, les émeutes de juin 1832). Le peuple se voit élevé au rang de figure mythique, tandis que l'histoire du...
Crédits : Géo Dupuis/ musée Victor Hugo, Paris/ AKG Images
La poésie hugolienne prend sa source dans la poésie légère du xviiie siècle ; elle revêt, d'abord, des allures post-classiques, puis elle parcourt, illustre, promeut chacun des aspects et des moments de la poésie romantique ; elle en réalise, elle seule, le rêve le plus grand, celui d'une épopée de l'humanité. Elle résume ainsi le xixe siècle, jusque vers 1865, date où Les Chansons des rues et des bois s'accordent à la poésie fantaisiste, joyeuse et artiste d'un Théodore de Banville ; ensuite, Hugo devient, de son vivant même, anachronique. On aurait alors la tentation de résumer le xixe siècle poétique avant Mallarmé et Rimbaud par Hugo et par Baudelaire, comme Goethe résumait le xviiie siècle par Voltaire et Rousseau, en laissant entendre qu'avec Les Fleurs du mal, en 1857, un monde commence tout comme avec Les Contemplations, en 1856, un monde finit. Une telle vision serait fausse. Il y a plus de fulgurations surréalistes dans Ce que dit la bouche d'ombre (ou dans les comptes rendus des séances de spiritisme) que dans toute l'œuvre de Baudelaire. Hugo ne résume pas seulement le romantisme, il en dégage, lui aussi, la modernité par l'audace d'une écriture poétique qui assume la totalité du réel et l'abolit dans son mouvement même. C'est une voix qui donne à entendre toutes les voix, puis le silence. Ce poète est le poète de Dieu. Il a voulu non point enfermer le monde dans son livre – cela lui était facile –, mais abolir le monde par la parole qui en rend compte, tout de même que Dieu est cette fuite vertigineuse qui, à la fois, crée le monde et l'anéantit incessamment. Hugo dit le monde et, ce faisant, le creuse et le dépasse. C'est ainsi qu'il faut l'écouter et l'entendre, voix multiple, sonore, retentissante ou en sourdine, et voix même du silence. Poète de toutes les présences et poète du vide. Poésie, excessivement difficile, de l'affirmation de l'être et de sa négation. On a pris pour rhétorique redondante ce qui était [...]
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Écrit par :
- Pierre ALBOUY : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Pierre GEORGEL : conservateur en chef du Patrimoine
- Jacques SEEBACHER : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-VII
- Anne UBERSFELD : ancienne élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III
- Philippe VERDIER : professeur émérite, université de Montréal, Kress Fellow, Galerie nationale, Washington, membre de la Société royale du Canada
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Pour citer l’article
Pierre ALBOUY, Pierre GEORGEL, Jacques SEEBACHER, Anne UBERSFELD, Philippe VERDIER, « HUGO VICTOR », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 04 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/victor-hugo/