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CLUNY

L'architecture clunisienne

Les origines du monastère bourguignon

De la première église, celle que Bernon avait bâtie dans la vallée Noire, à l'appel de Guillaume, duc d'Aquitaine, on ne sait pas grand-chose. L'archéologue américain K. J. Conant, qui a dirigé les fouilles de Cluny, croit la reconnaître dans la sacristie de l'église abbatiale suivante (Cluny II). Ce premier sanctuaire était de forme rectangulaire et précédé, à l'est, d'une tour carrée. La seconde église, élevée sous Maïeul de 955 à 981, est bien mieux connue, grâce aux fouilles de Conant, mais grâce aussi au maintien, jusqu'au xviiie siècle, du chevet et d'une partie du narthex restés incorporés aux bâtiments claustraux du xiie siècle. D'autre part, un texte de 1043, conservé dans le coutumier du monastère italien de Farfa (cf. Migne, Patrologie latine, 150, 1191, coll. 1249), en donne une description assez précise. Plusieurs églises du premier art roman constituent vraisemblablement des répliques assez fidèles de Cluny II, notamment la très belle abbatiale de Romainmôtier dans le Jura suisse et, à une échelle plus modeste, l'église de Chapaize, à 20 kilomètres au nord de Cluny.

Cluny II (ou Saint-Pierre-le-Vieux)

Un premier coup d'œil sur le plan du monastère (connu grâce à une restitution par Conant) indique une parenté évidente avec le plan idéal de Saint-Gall (env. 820). Le cloître se trouve sur le flanc sud de l'église ; il comporte dans son aile orientale, au rez-de-chaussée, la salle capitulaire et l'auditorium ; à l'étage, le dortoir ; l'aile sud tout entière est occupée par le réfectoire ; enfin un cellier très large voisine, dans l'aile ouest, avec la cuisine des moines (qui devaient être alors au nombre de cent). Comme sur le plan de Saint-Gall, l'hôtellerie se trouve légèrement au nord-ouest de l'église principale, alors que l'infirmerie donne sur une cour-cloître, située à part, au sud-est de l'abside. On y voit en outre une petite chapelle consacrée à Notre-Dame, but de fréquentes processions liturgiques. Un point de divergence par rapport à Saint-Gall : à Cluny, le noviciat se trouve au sud du réfectoire, d'où la présence d'une seconde cour, semblable à celle qui, dans l'abbaye cistercienne de Fontenay, sépare réfectoire et ateliers.

Si le cloître n'a pu être terminé que sous Odilon (vers 1040), l'église fut, elle, consacrée en 981 et augmentée d'un avant-corps occidental aux environs de l'an mille. Ce fut une basilique à nef assez large, accompagnée de bas-côtés simples. À l'est, ils s'arrondissent en absidioles, qui forment, avec l'abside centrale, un chœur « échelonné ». L'abside principale était, à son tour, subdivisée en trois chapelles dont les autels étaient consacrés à la Vierge et aux saints Pierre et Paul. Une tour, rectangulaire dans le sens de la largeur (comme à Chapaize), surmontait la croisée du transept dont les bras assez débordants possédaient chacun une absidiole orientée. Les sept travées de la nef et les bas-côtés étaient couverts de charpente. À l'extrémité occidentale s'élevait un avant-corps, voûté au rez-de-chaussée, et que dominaient deux tours trapues à base carrée. Dans les Consuetudines Farfenses, ce dispositif porte le nom de «   Galilée » ; le texte en indique même les dimensions : 65 pieds de largeur et 56 de profondeur. Les abbatiales de Tournus, de Romainmôtier, de Paray-le-Monial et de Charlieu – pour ne citer que quelques exemples géographiquement proches – possèdent encore de semblables avant-corps dérivés des antéglises carolingiennes.

Saint-Pierre-le-Vieux ne s'écarte donc pas notablement des réalisations architecturales contemporaines, et l'on reste même étonné de voir Cluny III surgir[...]

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Écrit par

  • : moine bénédictin, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
  • : professeur d'histoire de l'art du Moyen Âge à l'université de Paris-X et au Centre d'études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers

Classification

Pour citer cet article

Jacques DUBOIS et Carol HEITZ. CLUNY [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

1000 à 1100. Seldjoukides - crédits : Encyclopædia Universalis France

1000 à 1100. Seldjoukides

Archéologie du bâti : l’abbatiale de Cluny - crédits : Relevé:  Ghislaine Macabre, Anne Baud, Anne Allimand ; Encrage: Cécile Frémiot de Mauroy ; DAO : Auriane Lorphelin

Archéologie du bâti : l’abbatiale de Cluny

Abbaye de Cluny - crédits : Ventdusud/ Shutterstock

Abbaye de Cluny

Autres références

  • ABBATIALE DE CLUNY III

    • Écrit par Christophe MOREAU
    • 223 mots

    La légende veut que ce soit saint Pierre, apparaissant au moine Gunzo, qui ait jeté les plans de la troisième église abbatiale de Cluny, la plus grande de tout l'Occident médiéval. Cette transformation débuta en 1088, sous l'abbatiat d'Hugues de Semur (1049-1109), afin de répondre aux besoins...

  • ABBAYES DE CLUNY - (repères chronologiques)

    • Écrit par Christophe MOREAU
    • 324 mots

    909-910 L'abbaye de Cluny est fondée par le duc d'Aquitaine Guillaume III le Pieux sur l'un de ses domaines en Bourgogne. Elle fut placée sous la protection directe du pape.

    910-927 Abbatiat de Bernon, le fondateur de l'ordre. Il lance alors le chantier de l'abbaye....

  • CLUNY, APOGÉE DE L'ART ROMAN (exposition)

    • Écrit par Christian HECK
    • 1 091 mots

    Cluny matérialise de bien des manières l'histoire d'un élan et d'une passion. Tout commence avec une abbaye fondée en 910 sur les terres de Bourgogne et qui, sous l'impulsion d'une lignée d'hommes exceptionnels, du premier abbé, Bernon, à Hugues (1049-1109), ou ...

  • FONDATION DE L'ABBAYE DE CLUNY

    • Écrit par Jean-Urbain COMBY
    • 194 mots

    La Règle de saint Benoît (première moitié du vie siècle) encadre tous les monastères d'Occident au cours du premier millénaire. Après la décadence des temps mérovingiens, Benoît, abbé d'Aniane, près de Montpellier, au début du ixe siècle, restaure la vie monastique bénédictine,...

  • ABBATIALE ET CLOÎTRE DE MOISSAC - (repères chronologiques)

    • Écrit par Christophe MOREAU
    • 479 mots

    507 Fondation légendaire de l'abbaye de Moissac par Clovis après une victoire décisive sur les Wisigoths à Vouillé.

    628 Fondation historique de l'abbaye de Moissac par un moine bénédictin venu de l'abbaye de Saint-Wandrille, saint Ansbert.

    1042 L'abbaye est ruinée par le...

  • ABBON DE FLEURY saint (945-1004)

    • Écrit par Jean-Pierre BORDIER
    • 323 mots

    Né dans l'Orléanais, Abbon, encore enfant, est offert par ses parents au monastère bénédictin de Fleury (aujourd'hui Saint-Benoît-sur-Loire) où il vient enseigner après avoir étudié à Paris et à Reims. Appelé à diriger l'école abbatiale de Ramsay (Yorkshire), il revient à Fleury pour en être bientôt...

  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L'architecte

    • Écrit par Florent CHAMPY, Carol HEITZ, Roland MARTIN, Raymonde MOULIN, Daniel RABREAU
    • 16 589 mots
    • 10 médias
    À la fin du xie siècle, nous voyons apparaître des architectes encore plus savants. Pour la nouvelle construction de Cluny, l'abbé Hugues fera appel à un clerc mathématicien de Liège. C'est à Hézelon que sont dues les proportions du gigantesque chevet de Cluny III. Le petit transept faisait...
  • BÉNÉDICTINS

    • Écrit par Jacques DUBOIS
    • 5 515 mots
    ...Le relèvement fut rapide et le xe siècle fut, surtout dans sa seconde moitié, une époque de développement des ordres monastiques. Fondé en 910, Cluny jouit d'une célébrité méritée, mais il ne faut pas oublier que la caractéristique de cette époque était la multitude des centres rayonnants : si...
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Voir aussi