ASTRONOMIE
De tout temps, l'homme a été attiré par la voûte céleste. Il y a des milliers d'années, l'observation des astres lui servait seulement à marquer des étapes dans le déroulement du temps. L'alternance des jours et des nuits, les phases de la Lune et les changements dans la position des planètes retinrent immédiatement son attention. Mais il eut tôt fait de remarquer également que le mouvement du Soleil parmi les étoiles marquait le retour des saisons, ce qui était d'une importance capitale pour les peuples agricoles. Les premières découvertes incitèrent à rechercher la cause première des phénomènes. Cela conduisit à effectuer les premières mesures précises de la position des astres. L'étude du ciel se transforma ainsi au cours du temps en une véritable science : l’astronomie.
L'homme attribua pendant longtemps aux astres une action surnaturelle sur son existence même : la position des planètes dans le ciel ou du Soleil le long du zodiaque ou encore la phase de la Lune en cours lors de la naissance d’un enfant devaient marquer sa destinée. De là apparut l'astrologie. Malgré ses bases irrationnelles et « antiscientifiques », l'astronomie lui doit beaucoup, en ce qu'elle suscita chez l'homme un intérêt considérable envers les astres. Jusqu'au xviie siècle, tous les grands astronomes seront, peu ou prou, des astrologues.
L'astronomie est une science d'observation, et non une science expérimentale comme la physique ou la chimie. L'astronome ne peut pas agir sur le milieu qu'il étudie, mais doit se contenter de l'observer de l'extérieur. Cela explique que les progrès de l'astronomie, plus que ceux d'aucune autre science, soient liés au développement des instruments d'observation. Le premier problème que se posèrent les astronomes fut d'expliquer les mouvements des astres sur la sphère céleste. Mais, avant d'interpréter ces mouvements, il fut nécessaire d'accumuler patiemment un nombre considérable d'observations, étendues souvent sur plusieurs siècles. N'est-ce pas ce travail laborieux, précis et en apparence inutile qui permit à Hipparque, dès le iie siècle avant notre ère, de découvrir le lent mouvement de l’axe de la Terre (qui produit la précession des équinoxes), en comparant de nombreuses observations réalisées depuis des années ?
Cette continuité des observations est l'un des traits particuliers de l'astronomie, science pour laquelle l'échelle des temps est souvent longue en comparaison de la durée de la vie humaine, et même de celle des civilisations. Aucune observation n'est jamais périmée en astronomie : en dépit de leur manque de précision par rapport aux observations actuelles, on recourt encore de nos jours aux descriptions des anciens astronomes.
Le désir de vérifier les résultats de la mécanique céleste – dont le principal objectif est de décrire le mouvement d'objets astronomiques tels que les étoiles et les planètes à l'aide de théories physiques et mathématiques – conduisit les astronomes à améliorer leurs instruments d'observation. En retour, les progrès de la mécanique céleste allaient mettre en évidence des failles dans la mécanique classique de Newton, d'où devait naître la théorie de la relativité générale d'Einstein.
Jusqu'au début du xixe siècle, l'astronomie s'est presque exclusivement attachée à l'étude des mouvements des astres et, dans la dernière période, à la cause de ces mouvements, mais elle ne se préoccupait guère de la nature de ces astres. Lorsque les progrès de la physique ont permis d'envisager l'étude à distance des propriétés des étoiles, puis des autres objets de l'astronomie, l'astrophysique (appelée au début astronomie physique) est née. Elle a suivi pendant quelques décennies une évolution indépendante de la vieille astronomie de position et de la mécanique céleste, puis ces branches se sont réunies ; il conviendrait sans doute de ne plus employer aujourd'hui que le terme d'astronomie, car il n'y a plus guère de différence entre astronomie et astrophysique.
À partir du début du xxe siècle, l'astronomie connaît un développement prodigieux lié aux spectaculaires progrès de la physique et des instruments d'observation. L'exploration directe du système solaire et les satellites astronomiques s'y sont ajoutés pour accélérer encore le rythme des progrès de notre connaissance de l'Univers, tandis que les ordinateurs autorisent des analyses et des simulations numériques ainsi qu'un raffinement dans le traitement de masse des observations dont on ne pouvait rêver auparavant.
Il n'est probablement pas d'activité humaine qui ait influencé les grands penseurs plus que l’astronomie : les découvertes dans ce domaine ont profondément marqué de nombreuses doctrines philosophiques et religieuses, aussi bien dans les temps anciens que depuis l'époque moderne. Et, si l'importance de l'homme au sein de l'Univers en a été singulièrement réduite, l'astronomie a peut-être démontré, plus que toute autre science, la puissance de son esprit. Tout en restant rivé à sa planète, l’homme n'a-t-il pas réussi à mesurer avec précision la distance d'astres extrêmement éloignés, à déterminer leur nature et leur composition chimique, et même à aborder le problème de l'origine et de l'évolution de l'Univers dans son ensemble ?
On peut étudier l' histoire de l'astronomie de deux points de vue assez différents : envisager l'astronomie comme une science dont on peut suivre les progrès à travers l'amélioration des instruments et la découverte d'astres nouveaux et de lois nouvelles, ou étudier comment a évolué, au cours des âges, la conception que l'homme se fait de l'Univers qui l'entoure. Nous adopterons ici le premier point de vue.
Les origines de l’astronomie
Les plus anciennes civilisations sur lesquelles nous possédons des informations occupent, entre 5000 et 4000 ans avant J.-C., les plaines fertiles de Chine, des Indes, d'Égypte et de Mésopotamie, mais c'est probablement en cette dernière , sur les bords du Tigre et de l'Euphrate, que l'observation des astres tint le plus de place.
Vers 3000 avant J.-C., les villes sumériennes du sud de la Mésopotamie possèdent déjà une culture très développée, qui sera par la suite transmise aux Babyloniens, situés plus au nord. Les Sumériens furent les inventeurs de l'écriture cunéiforme. Les plus anciennes tablettes comportant des mentions astronomiques qui nous soient parvenues datent seulement d’environ 1800 av. J.-C., mais elles montrent que l'astronomie était à l'honneur depuis longtemps déjà. Il nous est possible de reconstituer le calendrier utilisé à cette époque, et de suivre les efforts faits pour l'améliorer. Les Sumériens et les Babyloniens utilisent le calendrier lunaire, qui permet de repérer facilement les mois. Mais ce mois lunaire n'est pas un sous-multiple simple de l' année solaire, qui marque le retour des saisons : douze mois lunaires ne correspondant pas à une année, il faut donc intercaler de temps à autre un mois supplémentaire pour corriger au mieux le décalage entre le calendrier et le rythme des saisons. Nous avons la preuve que l'on utilisait à Babylone un tel mois intercalaire.
Il est certain aussi que la définition du calendrier conduisit l'homme à observer les étoiles. Les levers et couchers héliaques des étoiles brillantes comme Sirius – moments où elles deviennent visibles en « se levant » le matin avant que le Soleil n’apparaisse et où, le soir, elles disparaissent car « se couchant » avant le Soleil – sont de bons repères pour marquer les périodes de l'année. On a retrouvé la liste de nombreuses constellations (ensemble d’étoiles) définies par les Babyloniens, et la première ébauche du zodiaque (les constellations où passe le Soleil pendant l’année). Indépendamment, une astronomie semblable s'est développée en Amérique précolombienne, mais bien plus tard.
Chez les peuples anciens, le ciel est bien autre chose qu'un objet de curiosité. L’idée de placer dans le ciel des animaux et des êtres mythiques pour former des constellations remonte à la Préhistoire, et c’est bien loin d’être seulement un moyen mnémotechnique pour repérer les étoiles. L'homme est aussi frappé par la régularité des phénomènes célestes, du retour sans cesse identique du Soleil, de l'alternance régulière des saisons ou des phases de la Lune. Mais il ne conçoit pas encore l'existence de lois physiques naturelles auxquelles obéirait le mouvement des astres : il attribue cette régularité à l'action d'êtres supérieurs. Cela donne naissance à un culte de ces divinités, qui provient d'abord d'un sentiment de crainte et est destiné à s'attirer les faveurs du Ciel. Ainsi, ces divinités sont souvent identifiées aux objets eux-mêmes : le Soleil, qui donne sa chaleur et sa lumière, est un dieu favorable ; la Lune est associée aux puissances de la nuit... Les principaux événements astronomiques – nouvelle lune, début des saisons, etc. – sont alors marqués par des cérémonies, dont il reste encore de nos jours de nombreuses traces. En outre, les événements inattendus – comètes, bolides, astres nouveaux que l'on n'appelle pas encore novae et supernovae, éclipses – sont attribués à l’action des dieux.
Ce culte des objets célestes conduit à attribuer à ces astres une influence sur la destinée humaine et donne naissance à l'astrologie qui, sauf peut-être chez les Grecs, a dominé dans le monde entier l'astronomie jusqu'à la Renaissance. Cette astrologie fut particulièrement développée à Babylone et en Extrême-Orient. Pour elle, les prêtres se mirent à étudier le ciel d'une manière plus précise, ajoutant à l'observation du Soleil et de la Lune celle des planètes, qui se déplacent parmi les étoiles.
De même, les besoins de l'astrologie conduisirent aux premiers essais de prédiction des éclipses, qui nécessita une étude approfondie des observations anciennes. On a retrouvé à Ninive, ancienne ville de Mésopotamie, un grand nombre de tablettes astronomiques, dont les plus anciennes doivent remonter au IIe millénaire av. J.C. On y traite des mouvements des planètes, qui sont reproduits par des modèles mathématiques simples. On y trouve aussi des tables donnant la liste des éclipses passées, et tentant de prédire celles à venir. Toutes ces observations sont accompagnées de prophéties propres aux astrologues, comme celles-ci :
« En ce jour, la planète Mercure est visible. Quand Mercure est visible au mois de Kislou, il y aura des voleurs dans le pays. »
« Mars est entré dans la constellation d'Allul : cela ne comporte aucun présage. »
On trouve en Extrême-Orient des prophéties semblables, qui portent aussi sur les événements célestes exceptionnels que les astronomes-astrologues étaient chargés de surveiller.
Il devait revenir aux Grecs de dépouiller l'astronomie de cette gangue, et de la transformer en une véritable science.
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Écrit par
- James LEQUEUX : astronome émérite à l'Observatoire de Paris
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