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ASSOCIATION

D'une liberté politique à un expédient socio-commercial

On distinguera avant et après 1975. De 1901 à 1975, la vie associative connaît trois grandes vagues parfaitement en phase avec l'évolution politique et sociale du pays.

La première vague est celle des « bonnes œuvres » avec les « bonnes sœurs » et les « dames d'œuvres », les bals de charité et les sociétés de bienfaisance, etc. L'immense appareil créé par l'Église depuis des siècles pour les pauvres, les malades, les vieux, les sans-abri, les enfants, tout ce monde charitable hérité d'un passé remarquable va se précipiter dans le statut si libéral offert par la loi de 1901. C'est ainsi que la loi anticléricale profite d'abord et surtout aux œuvres catholiques.

La deuxième vague sera celle du Front populaire. Le monde ouvrier, le monde enseignant et leurs représentations syndicales vont multiplier les associations d'éducation populaire : associations Léo Lagrange, Fédération des œuvres laïques, et autres activités scolaires et périscolaires, colonies de vacances et maisons familiales.

La troisième vague, à partir de 1945, illustrera tout à la fois l'État-providence, le « baby-boom », l'urbanisation, la scolarisation et le développement. Se multiplient alors les associations sportives et scolaires, les organisations de jeunesse du monde agricole ou étudiant, les mouvements de locataires et de consommateurs, maisons de jeunes et de la culture, foyers de jeunes travailleurs immigrés en ville. Association rime avec modernisation et rajeunissement.

En 1975, c'est l'explosion et le changement de nature. La rupture est, en premier lieu, d'ordre quantitatif. Entre 1901 et 1975, le nombre des déclarations d'associations oscillait entre 7 000 et 15 000 par an. À partir de 1975 on passe à 25 000 pour dépasser 70 000 en 1992. De 1975 à 1995, 955 000 associations vont être déclarées. Ce mouvement de fond qui secoue la société traduit une demande générale de convivialité, de proximité. Les nouvelles associations expriment les attentes d'une génération nouvelle pour ce qui concerne le vécu quotidien, l'enfant, la nature, le patrimoine. Par ailleurs la lutte s'organise contre les nouveaux fléaux sociaux : toxicomanie et sida, mais aussi la xénophobie. Les progrès de l'éducation conduisent les Français à se regrouper en associations et comités de défense. L'action humanitaire connaît l'envolée que l'on sait avec les « French Doctors » et les « Restos du cœur ». En deuxième lieu, cette rupture se traduit aussi à l'échelle géographique. Ce ne sont plus les zones traditionnelles du civisme français précédemment évoquées – la Bretagne catholique, le Nord socialo-catholique, l'Alsace-Moselle concordataire, la Franche-Comté libertaire – qui sont en tête des déclarations. Les nouvelles « terres de mission » se dessinent dans le Sud : Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse.

Enfin, en troisième lieu, la rupture est d'ordre qualitatif en ce qu'elle se concentre sur trois nouveaux secteurs d'expansion.

Le premier secteur, celui qui a le plus frappé l'opinion, est le « caritatif médiatique », le triomphe de l'image, en grec l'idole. Dans la Bible il est enjoint de ne pas sonner de la trompette lorsque l'on fait l'aumône (Mt, vi, 2). Ici, c'est l'inverse : on donne sa charité à voir en spectacle et, dans le cas extrême du Téléthon, des nuits durant. Voici le veau d'or nouveau. À lui seul, ce phénomène traduit un bouleversement complet des valeurs. Gilles Lipovetsky décrit l'envolée de cette nouvelle morale du sentiment, qui conduit tout droit à une « gadgétisation de l'éthique ».

Le deuxième secteur, c'est l'activité marchande. Dans[...]

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Pour citer cet article

Jean-Marie GARRIGOU-LAGRANGE et Pierre Patrick KALTENBACH. ASSOCIATION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ASSOCIATION (sociologie)

    • Écrit par Matthieu HELY
    • 2 146 mots

    Considérée comme un délit selon le code pénal de 1810 (pour un groupement non autorisé de plus de 20 personnes), la pratique associative a longtemps représenté un foyer d’agitation ouvrière et suscité la méfiance du pouvoir politique. À la suite des révoltes des artisans lyonnais de la soie, la...

  • LOI SUR LES ASSOCIATIONS (France)

    • Écrit par Bernard VALADE
    • 199 mots

    Le régime légal des associations faisait partie du programme du ministère de Waldeck-Rousseau (1899-1902). Il a pour contexte le conflit entre la doctrine de la suprématie de la société civile et celle de la prééminence du pouvoir religieux. De fait, la loi sur les associations promulguée...

  • ANARCHISME

    • Écrit par Henri ARVON, Universalis, Jean MAITRON, Robert PARIS
    • 13 391 mots
    • 7 médias
    ...Stirner. L'auteur de L'Unique et sa propriété établit une différence fondamentale entre la société telle qu'elle existe et l'«  association » dont il prône l'avènement. La société se dresse face aux individus ; elle est située en dehors et au-dessus d'eux. Elle apparaît comme quelque...
  • ASSURANCE - Histoire et droit de l'assurance

    • Écrit par Jean-Pierre AUDINOT, Universalis, Jacques GARNIER
    • 7 490 mots
    • 1 média
    Au Moyen Âge, le développement de l'esprit d'association et l'influence de l'Église donneront une immense extension à ces premières formes de mutualité. Et la plupart des communautés d'artisans ou de marchands (corporations, confréries, guildes ou hanses) se constituèrent des caisses de secours au...
  • BLOCH-LAINÉ FRANÇOIS (1912-2002)

    • Écrit par Frédéric PASCAL
    • 906 mots

    D'une famille bourgeoise au service de la haute fonction publique depuis plusieurs générations, François Bloch-Lainé obtient, après des études au lycée Janson-de-Sailly, le doctorat en droit et le diplôme de l'École libre des sciences politiques de Paris. Ne s'estimant pas « bon...

  • CANONIQUE DROIT

    • Écrit par Patrick VALDRINI
    • 8 003 mots
    Le droit organise le statut de deux sortes de communautés, les communautés hiérarchiques et les communautés associatives. Ces dernières sont constituées par les fidèles eux-mêmes et structurées comme ils l'entendent. Ils ont un droit d'y appartenir librement. Les liens de l'autorité à ces communautés...
  • Afficher les 29 références

Voir aussi