Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

ASSURANCE Histoire et droit de l'assurance

Curieusement, l'opération d'assurance, pourtant omniprésente dans la vie quotidienne du particulier et de l'entreprise, n'est véritablement et précisément définie, en France, ni par le Code civil ni même par le Code des assurances. Il faut se contenter de la définition communément admise : l'assurance est l'opération par laquelle une partie – l'assureur – s'engage à exécuter une prestation au profit d'une autre partie – l'assuré – en cas de réalisation d'un événement aléatoire – le risque – en contrepartie d'une somme d'argent – la prime ou cotisation.

Cette définition implique deux réalités essentielles : la mutualité et le contrat. D'une part, l'opération d'assurance doit obligatoirement (directement ou indirectement : nous verrons pourquoi) prendre place dans un ensemble de même nature. Un grand nombre d'assurés paient une prime à l'assureur, en contrepartie de quoi celui-ci utilisera cette masse pour indemniser les sinistres de quelques-uns. D'autre part, cette opération d'assurance aux manifestations immédiates – le paiement de la prime – et différées – le règlement des conséquences du sinistre lorsque celui-ci survient – est précisée et décrite dans un contrat signé par les deux parties que sont l'assuré et l'assureur.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

Nous ne traiterons pas ici des assurances sociales, qui sont d'une autre nature, et doivent être exclues du champ de l'assurance proprement dite. Dans tous les pays européens, les gouvernements ont été amenés, à des dates diverses, mais le plus souvent depuis le début du xxe siècle, à instituer des régimes publics de prévoyance pour des risques touchant à la personne humaine (accidents du travail, maladie, invalidité, etc.). Il s'agissait de substituer à l'assurance de type classique, ouverte aux seuls volontaires et vendue à un prix correspondant à son coût réel, un système généralisé d'indemnisation au financement duquel devaient participer non seulement les bénéficiaires eux-mêmes, mais aussi d'autres catégories sociales telles que leurs employeurs ou les contribuables, par le canal du budget de l'État. Bien qu'ils soient habituellement désignés sous le nom d'assurances sociales, ces régimes se distinguent en réalité de l'assurance proprement dite par deux caractères :

– Dans les assurances sociales, il n'y a généralement pas de lien direct entre la cotisation demandée à l'assujetti et l'importance du risque couvert, tandis que le système de l'assurance privée repose en principe sur une participation financière des assurés en proportion plus ou moins stricte de leur risque propre. Cela revient à opérer un transfert de revenus, qui peut atteindre une certaine ampleur et s'insérer dans une politique délibérée de justice sociale.

– En outre, comme le volume global des prestations est en principe indépendant de celui des cotisations, c'est alors l'État – le plus souvent sur son budget – qui est appelé, soit dès la création du régime et par principe, soit en cours de fonctionnement et pour des raisons de conjoncture, à combler la différence qui peut se faire jour entre dépenses et recettes.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

L'assurance est devenue un puissant moteur de l'économie. Non seulement du fait de son rôle de garantie des risques purs (ou accidentels, ou aléatoires), mais également par l'implication des sociétés d'assurance dans les risques spéculatifs (ou risques pris délibérément pour réaliser l'objectif de l'entreprise), en participant au capital d'entreprises. Il est nécessaire d'étudier ces deux aspects pour comprendre que l'assurance ne concerne pas seulement l'acte d'assurance lui-même, mais qu'elle joue aussi un rôle dans l'économie générale.

Histoire de la notion d'assurance

De l'entraide à l'assurance

Expression de la solidarité qui unit les groupes humains face à l'adversité, la mutualité, sous la forme de l'entraide, est sans doute aussi ancienne que la société. Dès la plus haute antiquité apparaissent de véritables institutions de secours mutuels entre personnes exposées à des risques comparables.

Ainsi, les tailleurs de pierre de la Basse-Égypte (vers 1400 av. J.-C.) contribuaient à un fonds destiné à leur venir en aide en cas d'accident, et les hétairies de la Grèce antique possédaient des caisses communes alimentées par des cotisations mensuelles, afin de pouvoir distribuer des secours dans certains cas.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

Au Moyen Âge, le développement de l'esprit d' association et l'influence de l'Église donneront une immense extension à ces premières formes de mutualité. Et la plupart des communautés d'artisans ou de marchands (corporations, confréries, guildes ou hanses) se constituèrent des caisses de secours au bénéfice de leurs membres.

Les guildes anglo-saxonnes, pour ne citer qu'un seul exemple, disposaient ainsi d'un fonds d'assistance et allouaient des secours à l'occasion de sinistres aussi graves et variés que l'incendie, le vol, l'inondation ou la mortalité du bétail.

Mais si cette longue expérience des caisses de secours a donné aux hommes tout à la fois le goût et l'idée de l'assurance en les initiant à la comparaison puis à la mise en commun des risques, inspirée par l'esprit de charité, elle se distingue encore mal de l'assistance : le plus souvent, ces «  mutuelles » n'exigent aucun effort de prévoyance et ne font appel à la générosité de leurs membres qu'après le sinistre, quand le risque est devenu visible.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

En outre, nécessairement limitée à des groupes restreints unis par de puissants liens de solidarité locaux ou professionnels, cette mutualité ne répartit le risque qu'entre un petit nombre de patrimoines et ne permet pas de réunir des fonds considérables. De ce fait, elle est loin de supprimer tout aléa pour l'« assuré ».

Seul le transfert du risque sur une autre personne pouvait donner à cet assuré la garantie immédiate d'une indemnisation en cas de sinistre.

Le contrat d'assurance

Un tel transfert est rendu possible dès la Rome ancienne et le haut Moyen Âge, grâce au progrès des techniques juridiques, avec le « contrat d'emprunt » ou de « change maritime », emprunt gagé sur une certaine quantité de marchandises destinées à être expédiées au loin, et stipulant que, si les marchandises n'arrivaient pas à bon port, le prêteur perdait tout droit au remboursement de la somme prêtée.

Ce contrat, qui répondait aux besoins de la navigation à une époque où tout voyage en mer s'apparentait à une aventure, est probablement né sur les bords de la Méditerranée. Il fut perfectionné par les juristes romains et rendit d'immenses services au commerce maritime pendant toute l'Antiquité et jusqu'au Moyen Âge, où il fut largement utilisé sous le nom de « prêt à la grosse aventure ».

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

Compte tenu des aléas de la navigation à cette époque, le « prêt à la grosse aventure » n'était bien souvent qu'une pure spéculation, et les taux d'intérêt étaient très élevés (de l'ordre de 30 à 50 p. 100). Aussi n'est-il pas étonnant qu'il ait été interdit comme entaché d'usure par une décrétale de Grégoire IX en 1227. Les commerçants ne tardèrent pas, cependant, à trouver une riposte appropriée en séparant l'opération de «  garantie » de l'opération de « prêt », qui devenait moins utile, les armateurs et marchands s'étant considérablement enrichis du xiie au xive siècle. La ville de Gênes a ainsi conservé les minutes de quatre-vingts polices, rédigées par un même notaire, pour un seul mois de l'année 1393.

De là, l'opération de garantie s'étend au xve siècle à Barcelone, aux Pays-Bas, dans les villes hanséatiques, pour finalement atteindre la France et l'Angleterre après la guerre de Cent Ans.

Il faut noter, cependant, que ce contrat restait encore loin de l'assurance véritable et, s'il soulageait l'« assuré » en transférant le risque sur une autre personne, il laissait entier le problème sur les épaules de cette dernière.

Le calcul actuariel, création européenne

Pour que cet aléa disparaisse, il fallut attendre que la découverte du calcul des probabilités et le progrès de l'observation statistique permettent une prévision rationnelle du risque. Mais ce n'est qu'au xviie siècle que Pascal, à la demande d'un joueur de cartes passionné, le chevalier de Méré, découvre les bases du calcul des probabilités et la loi des grands nombres (La Géométrie du hasard, 1654). Trois ans plus tard, le Hollandais Christiaan Huygens retrouve les calculs de Pascal et fait paraître, en 1657, Le Tractatus de ratioriniis in aleae ludo (Traité de calcul dans les jeux de hasard). À la même époque, Christiaan Huygens également – mais aidé de son frère – rédige la première table de mortalité, et Jean de Witt, grand pensionnaire de Hollande, établit le premier calcul des rentes viagères, dont le coût était jusqu'alors de détermination arbitraire, en l'absence d'indications statistiques valables sur la durée de la vie humaine.

Ces travaux sont complétés au xviiie siècle par l'astronome anglais Halley et le théologien allemand Neumann, qui rassemblent alors de nombreux renseignements sur la mortalité, et sont couronnés à la fin du siècle par le Français Deparcieux, à partir de l'expérience des «  tontines », du nom du créateur, le banquier napolitain Lorenzo Tonti (1653). Les tontines étaient des groupements d'une dizaine d'adhérents dont les cotisations étaient converties en valeurs d'État et capitalisées. Au terme de la durée prévue aux contrats, les sommes capitalisées étaient réparties entre les survivants jusqu'au dernier décès. Le Parlement ne ratifia pas ce projet, mais l'idée fut reprise par Pontchartrain, ministre de Louis XIV, avec plus de succès.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

Auteur du premier traité d' actuariat, l'Anglais Richard Price mérite une place particulière. Son ouvrage, qui aura par la suite une influence notable sur le fonctionnement des premières grandes compagnies d'assurances, démontre notamment la nécessité de prévoir des « réserves mathématiques ».

Au milieu du xixe siècle, enfin, l'actuariat devient une science autonome avec la création de l'Institute of Actuaries à Londres et du Cercle des actuaires français, devenu en 1890 l'Institut des actuaires français.

L'assurance maritime au XVIe siècle

Nous avons vu que l'assurance maritime est apparue au xive siècle en Italie. La première police d'assurance que l'on ait conservée remonte au 23 octobre 1347 ; elle fut rédigée à Gênes pour le voyage du navire Santa Clara de Gênes à Majorque.

L'assurance maritime s'est étendue ensuite à tous les autres pays européens. La Chambre de commerce de Marseille conserve ainsi une police souscrite le 15 octobre 1584 pour le Saint-Hilaire, à l'occasion d'un transport de marchandises de Marseille à Tripoli. Un contrat de langue anglaise assurait, en 1617, la cargaison du bateau The Three Brothers.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

Soumis aux usages locaux de chaque port, et variant nécessairement selon les conceptions personnelles de chaque assureur, ces premiers contrats sont extrêmement différents tant dans leur forme que dans leur fond, ce qui ne manquait pas de gêner les échanges ; aussi voit-on apparaître très rapidement une réglementation particulière à chaque pays où s'exerce le commerce maritime.

Dès 1435, Jacques Ier d'Aragon édicte l'Ordonnance de Barcelone, qui est ainsi le premier monument législatif de l'assurance.

Cet exemple est rapidement suivi en France, à Rouen (Guidon des marchands de la mer, en 1500), à Florence (1523) et à Gênes (1588), aux Pays-Bas (1570), en Espagne (Ordonnance de 1566) et en Angleterre (1574).

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

Cette codification sera perfectionnée au xviie siècle, notamment par l'Ordonnance de Colbert (1681), qui aura une grande influence sur le développement ultérieur du droit des assurances maritimes.

.

L'assurance incendie aux XVIIe et XVIIIe siècles

L'assurance incendie est née au xviie siècle dans les pays de l'Europe du Nord où l'utilisation systématique du bois pour la construction des maisons et leur chauffage aggravait singulièrement les risques d'incendie, d'autant plus qu'à la même époque l'accroissement de la population amenait un développement rapide des agglomérations.

Incendie de Londres, septembre 1666 - crédits : AKG-images

Incendie de Londres, septembre 1666

Ainsi, en 1666, il fallut quatre jours pour maîtriser l'extraordinaire incendie de Londres qui avait pris naissance dans une boulangerie : 13 000 maisons furent détruites sur une surface de 175 hectares.

À la suite de ce désastre sera créé en Angleterre le Fire Office, qui donnera naissance en 1696 à plusieurs compagnies, dont la Hand in Hand, première compagnie d'assurances contre l'incendie.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

De même, l'aggravation des risques d'incendie amène la création en France, en 1717, du Bureau des incendiés, organisme municipal qui reposait cependant plus sur l'idée de charité publique que sur celle de l'assurance. Les premières compagnies françaises d'assurances contre l'incendie apparaissent plus tard. En 1753, Maisonneuve constitue la Chambre ou Compagnie d'assurances générales, et, en 1786, les frères Perrier créent la Compagnie des eaux de Paris, qui sera supplantée quelques années plus tard par la Compagnie d'assurances contre les incendies de Labarthe.

Naissance de l'assurance sur la vie

Dès la première moitié du xve siècle sont conclus des contrats d'assurance sur la vie de l'épouse ou des parents, ou même de tiers, garantissant le « contractant » à l'égard des pertes éventuelles que le décès de l'un ou des autres aurait pu entraîner, et l'on a conservé une police délivrée le 18 juin 1583 à la Bourse de Londres par seize marchands qui appartenaient à la Chambre des assurances, créée quelques années auparavant ; il s'agissait d'une assurance « temporaire », souscrite pour une durée d'une année au taux de 8 p. 100 par un Londonien.

Ces premières formes d'assurance se distinguaient toutefois assez mal des paris sur la mort ou sur la survie des hommes illustres, comme le pape, les rois ou les empereurs, qui étaient alors de pratique courante. Aussi les grandes lois sur l'assurance, comme l'Ordonnance de Barcelone ou l'Ordonnance de Colbert de 1681, interdisent-elles l'assurance sur la vie en considération de son caractère de « spéculation sur la vie humaine » et parce qu'elle attribue à la vie humaine un prix. Toutefois, les tontines, dont les fonds sont confiés à l'État, restent autorisées.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

Le gouvernement anglais se montre moins rigoureux et, s'il interdit les sociétés d'assurances sur la vie en 1720, l'interdiction est levée dès l'année suivante. En 1774, le Gambling Act fonde l'assurance sur des bases plus rationnelles. Il avait fallu attendre en effet que soit créée en 1762 à Londres, à partir des premiers résultats du calcul actuariel, la société l'Équitable pour que l'assurance vie soit définitivement constituée.

Jusqu'alors, les compagnies d'assurances sur la vie pratiquaient un tarif uniforme ne tenant pas compte de l'âge des assurés. De ce fait, elles ne recueillaient que des souscriptions de personnes âgées. L'Équitable fut la première, au contraire, à pratiquer un tarif variant avec l'âge et établi à partir des travaux du docteur Price.

Développement récent de l'assurance

Au xixe et plus encore au xxe siècle, le progrès économique et technique s'est traduit par un prodigieux développement de l'assurance. Il serait fort difficile d'établir aujourd'hui une liste des risques maintenant couverts par l'assurance, d'autant plus que cette liste s'allonge chaque jour.

En multipliant les biens et en accroissant sans cesse le coût des installations, la révolution industrielle a en effet considérablement accru le nombre comme la gravité des risques, et il n'est nullement besoin d'insister ici sur l'importance des risques issus de l'industrialisation (incendie d'usine, bris de machine, accident du travail, etc.) ou de ceux qui sont couverts par l'assurance automobile.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

Dans le même temps, l'évolution de la société, marquée par le recul de la solidarité familiale, le développement du salariat, la spécialisation du travail, la moindre importance de la fortune immobilière, a rendu l'insécurité de plus en plus difficile à supporter.

Aussi, dès la fin du xixe siècle, voit-on apparaître des systèmes de sécurité sociale alimentés par l'impôt ou par des cotisations obligatoires. Mais ils sont fondés plus sur l'idée de solidarité et de redistribution du revenu national que sur celle d'assurance.

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrir

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur de G.A.N. Eurocourtage
  • : courtier en assurances, président de l'Association de défense des usages du courtage, Fédération des courtiers d'assurance
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Média

Incendie de Londres, septembre 1666 - crédits : AKG-images

Incendie de Londres, septembre 1666

Autres références

  • ACTUARIAT & ACTUAIRES

    • Écrit par
    • 157 mots

    L'activité appelée actuariat, accomplie par des actuaires, consiste à faire des calculs de probabilités à partir de renseignements statistiques. Ces calculs sont le plus souvent destinés à établir des taux de primes d'assurance en tenant compte de la fréquence des risques courus : mortalité, maladie,...

  • BANQUE - Économie de la banque

    • Écrit par et
    • 7 912 mots
    • 3 médias
    ...banque dans la faillite. Ce scénario, qui correspondait assez bien aux crises bancaires jusqu'aux années 1950, est devenu complètement obsolète depuis l'instauration de systèmes d'assurance des dépôts dans la plupart des pays développés. Ainsi, en cas de faillite bancaire, les déposants sont remboursés...
  • BANQUE - Supervision prudentielle

    • Écrit par et
    • 6 063 mots
    La lenteur des évolutions en la matière peut s'expliquer par les réticences des praticiens, en particulier celles des assureurs. Ces derniers font régulièrement valoir la spécificité de leur activité par rapport à celle des banques et, à cet égard, ne souhaitent pas une homogénéisation des exigences...
  • COFACE (Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur)

    • Écrit par et
    • 472 mots

    Créée en 1946, le groupe Coface est un des principaux acteurs mondiaux de l'assurance-crédit, en France et à l'international. Il a pour homologues et concurrents Euler-Hermes, en France et en Allemagne, et Eximbank, aux États-Unis. Son rôle est de sécuriser les échanges commerciaux de ses clients...

  • Afficher les 15 références

Voir aussi