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ALCHIMIE

L'alchimie chinoise

La Chine n'a pas connu de solution de continuité entre le stade technico-magique de la métallurgie et l'apparition de l'alchimie.

Les confréries de forgerons chinois, détenteurs du plus prestigieux des arts magiques, ont exercé, comme l'a montré Granet, une influence directe et profonde sur les premières conceptions alchimiques taoïstes. Par leurs principaux aspects, ces théories et ces pratiques remontent à la lointaine préhistoire. L'art du feu a formé, pendant des millénaires, l'essentiel du savoir humain. Les confréries qui mirent en œuvre les métaux, après celles qui taillèrent et polirent les pierres, s'étaient transmis initiatiquement l'héritage magique et technique ancestral. Des pratiques protochamaniques de danses mimétiques immémoriales ont été conservées dans les exercices étranges des taoïstes qui se proposaient de retrouver la spontanéité première en même temps que les pouvoirs perdus par l'homme civilisé.

Chez les taoïstes, comme le souligne Kaltenmark, « si le fourneau alchimique est l'héritier de la forge magique, l'immortalité n'est plus, du moins depuis les seconds Han, le résultat d'un sacrifice à la forge, de la fonte rituelle. Elle est acquise à celui qui sait produire le « divin cinabre ». À partir de ce moment, on eut un nouveau moyen de se diviniser : il suffisait d'absorber l'or potable ou le cinabre pour devenir semblable aux dieux ».

Mais, en réalité, le problème est moins de savoir si des intuitions rencontrées à l'état élémentaire dans les mythologies et les rites des fondeurs et des forgerons ont été reprises et interprétées par les alchimistes, que d'essayer de comprendre pourquoi cette interprétation est demeurée relativement stable et cohérente dans une société donnée. Seule, la structure féodale permet d'expliquer qu'une distribution des valeurs et un mode de cohésion logique typiques d'une représentation des structures de l'univers aient été ressentis et expérimentés aussi bien par les premiers alchimistes chinois que par les anciens forgerons.

Le labourage par le feu

Granet a rappelé que nous n'avons aucun moyen de déterminer les origines historiques de l'ordre féodal qui règne en Chine à partir du viiie siècle av. J.-C. On peut distinguer cependant, de façon approximative, une première période d'économie fermée et limitée à des intérêts de canton, strictement domaniale, suivie par des changements intervenus entre le vie siècle et le ive siècle, quand les confédérations instables de noms et de domaines prirent progressivement la forme d'unités provinciales soumises à des potentats féodaux et considérées alors comme des « royaumes » (guo).

Dans la Chine antique, toute ville seigneuriale avait deux fondateurs : l'ancêtre du seigneur et le « saint patron » du prévôt des marchands, qui avaient défriché ensemble le domaine, à l'imitation du laboureur divin, de l'inventeur de l'agriculture, Shennong. Or ce démiurge était aussi un dieu du feu, le « saint patron » de tous les arts du feu et, à ce titre, particulièrement révéré par les forgerons.

En effet, toute campagne agricole était inaugurée par un incendie et par des travaux de défrichement car, selon l'antique technique, « on labourait par le feu et on sarclait par l'eau ». Les premiers maîtres des confréries métallurgiques s'étaient recrutés primitivement parmi ces défricheurs. Ils bénéficiaient ainsi du prestige des fondateurs du domaine et, à la différence de beaucoup d'artisans, les forgerons et les charrons exerçaient des arts nobles qui étaient indispensables, magico-techniquement, à la défense de la seigneurie.

L'art noble du forgeron

Une tradition remarquable, citée par Granet, illustre le double pouvoir[...]

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Écrit par

  • : historien des sciences et des techniques, ingénieur conseil
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

René ALLEAU et Universalis. ALCHIMIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Alchimie - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Alchimie

Marcellin Berthelot - crédits : C Gerschel/ Hulton Archive/ Getty Images

Marcellin Berthelot

Autres références

  • ACIDES & BASES

    • Écrit par Yves GAUTIER, Pierre SOUCHAY
    • 12 364 mots
    • 7 médias
    Aux alchimistes revient le mérite d'avoir préparé les acides forts minéraux : chlorhydrique, sulfurique (la préparation de « l'huile de vitriol » par calcination du sulfate de fer, était connue avant 1600), nitrique (la préparation de l' eau-forte par calcination d'un mélange d'alun et de nitrate de...
  • ARSENIC

    • Écrit par Jean PERROTEY
    • 4 498 mots
    • 2 médias

    L'arsenic est l'élément chimique de symbole As et de numéro atomique 33. Bien qu'il soit très répandu dans le règne minéral et dans les organismes vivants, une quarantaine d'éléments sur quatre-vingt-douze sont plus abondants que lui ; il ne représente qu'environ cinq millionièmes en masse de la croûte...

  • AVICENNE, arabe IBN SĪNĀ (980-1037)

    • Écrit par Henry CORBIN
    • 8 902 mots
    • 1 média
    ...d'amour ou de haine, ou à quelque chose de semblable (De mirabilibusmundi). Plus précisément encore, il affirme, en se référant à Avicenne, que l' alchimie appartient à la magie, en ce sens qu'elle est fondée sur les forces occultes de la psyché humaine qui, elle, reçoit des virtutescoelestes...
  • BECHER JOHANN JOACHIM (1635-1682)

    • Écrit par Georges BRAM
    • 232 mots

    Alchimiste allemand né à Spire et mort à Londres. En 1663, Johann Joachim Becher est professeur de médecine à l'université de Mayence où il avait obtenu ses grades de médecin en 1661. Il semble ne pas pouvoir tenir en place et commence une existence errante : en 1664, il quitte Mayence pour Munich où...

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Voir aussi