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ALCHIMIE

L'alchimie indienne

Bien que l'alchimie, comme technique spirituelle fondée sur des pratiques physiologiques particulières, principalement tantriques, semble avoir été connue de l'Inde antique, peut-être à une époque plus ancienne que celle où elle le fut en Chine, le problème de ses origines historiques n'a pas encore reçu de solution définitive. On a supposé que ces théories et ces pratiques indiennes auraient une origine arabe, mais un traité de Nâgârjuna, traduit en chinois par Kumârajîva trois siècles avant l'essor de l'alchimie arabe, fait état de la transmutation en or par deux procédés distincts, soit par la puissance des drogues, soit par la force développée par le yoga.

Mircea Eliade a bien montré ces convergences entre le yoga, surtout le Hatha-yoga tantrique et l'alchimie : « C'est tout d'abord l'analogie évidente entre le yogin qui opère sur son propre corps et sa vie psychomentale d'une part, et l'alchimiste qui œuvre sur les substances, d'autre part : l'un comme l'autre visent à « purifier » ces matières impures, à les « perfectionner » et, finalement, à les transmuer en « or ». Car l'or, c'est l'immortalité, répètent les textes indiens ; il est le métal parfait et son symbolisme rejoint le symbolisme de l'Esprit pur, libre et immortel, que le yogin s'efforce, par l'ascèse, d'extraire de la vie psycho-mentale, « impure » et asservie. »

Ainsi l'alchimiste, selon Eliade, espère-t-il arriver aux mêmes résultats que le yogin en « projetant » son ascèse sur la matière : « Au lieu de soumettre son corps et sa vie psycho-mentale aux rigueurs du yoga, pour y séparer l'Esprit (purusha) de toute expérience appartenant à la sphère de la substance (prakritī ), l'alchimiste soumet les métaux à des opérations chimiques assimilables aux «  purifications » et aux « tortures » ascétiques. Entre le plus vil métal et l'expérience psycho-mentale la plus raffinée, il n'y a pas de solution de continuité. »

Dans les deux cas, Tāntra-yoga et alchimie, le processus de la transmutation du corps « mortel et corruptible » en un « corps parfait » (siddha-deha), incorruptible et « divin » (divya-deha), corps du « délivré dans la vie » ( jivan-mukta), comporte une expérience de mort et de résurrection initiatiques. On serait ainsi fondé à voir dans le tantrisme et dans l'alchimie un enseignement parallèle, ayant pour but d'affranchir l'homme des lois du temps, de « déconditionner son existence » et de conquérir la liberté absolue.

Cette thèse d'Eliade est irréfutable en ce qui concerne l'alchimie sotériologique, c'est-à-dire celle qui s'est élaborée en tant que technique mystico-religieuse du salut ou de la « délivrance ». En revanche, elle ne rend pas compte de l'alchimie magico-expérimentale archaïque à laquelle il semble que ces considérations métaphysiques subtiles aient été étrangères.

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Écrit par

  • : historien des sciences et des techniques, ingénieur conseil
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Alchimie - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

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Marcellin Berthelot - crédits : C Gerschel/ Hulton Archive/ Getty Images

Marcellin Berthelot

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  • ACIDES & BASES

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    Aux alchimistes revient le mérite d'avoir préparé les acides forts minéraux : chlorhydrique, sulfurique (la préparation de « l'huile de vitriol » par calcination du sulfate de fer, était connue avant 1600), nitrique (la préparation de l' eau-forte par calcination d'un mélange d'alun et de nitrate de...
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  • AVICENNE, arabe IBN SĪNĀ (980-1037)

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    ...d'amour ou de haine, ou à quelque chose de semblable (De mirabilibusmundi). Plus précisément encore, il affirme, en se référant à Avicenne, que l' alchimie appartient à la magie, en ce sens qu'elle est fondée sur les forces occultes de la psyché humaine qui, elle, reçoit des virtutescoelestes...
  • BECHER JOHANN JOACHIM (1635-1682)

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    Alchimiste allemand né à Spire et mort à Londres. En 1663, Johann Joachim Becher est professeur de médecine à l'université de Mayence où il avait obtenu ses grades de médecin en 1661. Il semble ne pas pouvoir tenir en place et commence une existence errante : en 1664, il quitte Mayence pour Munich...

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