Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

FILIATION, droit

Le lien juridique de filiation se construit à partir d'un fait biologique : la reproduction sexuée de l'humanité. Mais la dimension biologique n'est pas la seule dans le lien de filiation. Ce dernier comprend aussi une dimension volontaire : le fait que les parents reconnaissent et élèvent un enfant comme le leur. Il existe également une dimension sociale de la filiation, qui est l'ensemble des conséquences normatives qu'une société donnée en tire : nom de l'enfant, responsabilité des parents, liens de parenté, héritage, etc.

Toutes les sociétés humaines combinent, selon des modalités aussi diverses que les cultures, le donné biologique, la volonté des parents, et l'insertion de ces deux paramètres dans des structures sociales.

Les travaux des anthropologues montrent que les structures de rattachement d'un enfant à ceux qui sont considérés comme ses parents sont très variées. Ainsi, dans certaines sociétés, l'enfant sera rattaché à sa mère et au frère de celle-ci, et non à son père biologique. Dans d'autres civilisations, les enfants « circuleront » d'un foyer à l'autre, les ménages qui en ont trop en donnant à ceux qui n'en ont pas.

Le modèle occidental, qui rattache l'enfant aux deux familles de son père et de sa mère, en conférant une importance déterminante à l'ascendance biologique, n'a donc rien d'absolu ni d'universel. Mais c'est le nôtre, un modèle largement renforcé par les découvertes scientifiques qui montrent chaque jour davantage à quel point les gènes transmis par les deux parents sont importants dans la constitution de chaque individu, un modèle aussi de plus en plus soumis à l'impératif d'égalité, entre les sexes, entre les lignées et entre les enfants.

Même si la génétique est aujourd'hui prédominante dans la définition de notre système de filiation, elle n'a pas de valeur absolue. D'abord, parce qu'elle est plus souvent supposée qu'établie : dans leur immense majorité les enfants ne font pas de test génétique pour vérifier l'exactitude de leur filiation juridique. Ensuite, parce que la stabilité, la « paix des familles », a une valeur en soi. Il vaut mieux des mensonges paisibles que des vérités blessantes. C'est ce qui explique le rôle important de ce qu'on appelle la « possession d'état », qui est le terme juridique utilisé pour exprimer qu'un enfant est élevé par une personne ou par un couple comme son enfant, et que l'entourage de cette famille le tient pour tel. C'est ce qui explique aussi le rôle central que joue la volonté exprimée par les parents, qui est généralement fondatrice de la filiation juridique.

Vérité biologique, volonté des parents et possession d'état sont donc les trois éléments fondateurs d'une filiation. Lorsqu'ils coïncident, ce qui est le cas normal, la situation juridique de l'enfant est indestructible. Par contre, lorsqu'ils divergent, par exemple lorsqu'un enfant a été déclaré à l'état civil sous le nom du mari de sa mère mais sans que ce dernier le traite comme tel, la filiation est fragilisée. En ce cas, la tendance contemporaine est de privilégier la filiation biologique, et la Cour de cassation décide que le juge ne peut pas refuser une demande d'expertise génétique. En effet, le Code civil prescrit au juge chargé de trancher un litige de « détermin[er] par tous les moyens de preuve la filiation la plus vraisemblable » (art 311-12 C.Civ.). L'étude des filiations biologiques formera notre première partie.

Pourtant, ce schéma est volontairement écarté pour certaines filiations électives, des enfants étant rattachés juridiquement à des couples qui ne sont pas leurs parents biologiques. Ce n'est ni nouveau ni original, le droit romain, pour demeurer en Occident,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Françoise DEKEUWER-DÉFOSSEZ. FILIATION, droit [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ADOPTION

    • Écrit par Pierre MURAT
    • 8 894 mots

    L'adoption a pour but de créer un lien de filiation entre personnes qui ne sont pas apparentées par le sang en tant que parent et enfant. Il s'agit donc d'une filiation qui repose non pas sur le lien biologique, mais sur la volonté : c'est une filiation élective. Bien plus que les règles relatives...

  • COUPLE

    • Écrit par Jean-Jacques LEMOULAND
    • 5 084 mots
    ...juridique de leurs parents, les enfants ont les mêmes droits et les mêmes obligations. Cette uniformisation du couple parental s'est réalisée progressivement. Déjà, une loi du 3 janvier 1972 avait posé le principe d'égalité des filiations, mais sans en tirer toutes les conséquences puisqu'un certain nombre de...
  • DROIT CIVIL DES PERSONNES (France) - (repères chronologiques)

    • Écrit par Christian HERMANSEN
    • 608 mots

    1792 Sécularisation de l'état civil (naissance, mariage, décès) et institution d'un régime de divorce soit par consentement mutuel, soit sur demande de l'un des époux (notamment pour incompatibilité d'humeur), où les conjoints sont traités à égalité.

    1804 Promulgation...

  • ENFANCE (Situation contemporaine) - Le droit de l'enfant

    • Écrit par Alain BRUEL
    • 9 311 mots
    Aux termes de l'article 372 al. 1er, « les père et mère exercent en commun l'autorité parentale ». La règle vaut quel que soit le type de filiation et que les parents vivent ensemble ou séparément ; naturellement, il existe des exceptions : en cas de séparation ou de divorce, si tel est...

Voir aussi