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FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.

L’éloquence et la foi

Sinon face à eux, du moins sur le pôle opposé, celui de la foi ardente et agissante en ce siècle qui court entre l’édit de Nantes (1598) et sa révocation (1685), on ne compte plus les apologistes, les prédicateurs et les pasteurs des âmes, dont certains ont laissé une œuvre entrée en littérature, alors qu’ils n’aspiraient qu’à faire entrer en meilleure religion leurs auditeurs. Théologien, précepteur, penseur politique et historien de l’aventure humaine, Bossuet concentre la plus haute et fulgurante poésie oratoire dans ses sermons et ses oraisons funèbres. Il est plus modestement entouré par Bourdaloue, Fléchier ou Massillon. Ses combats avec les quiétistes (Fénelon), les protestants (Jurieu), les libertins (« conversion » de Condé), les amateurs de théâtre (le père Caffaro) ou les ultramontains (déclaration de Quatre Articles affirmant l’autonomie de l’Église gallicane par rapport à Rome) donnent une idée des domaines nombreux où la foi, la pensée et l’écriture furent alors engagées dans des controverses et des polémiques dont quelques-uns des débatteurs ont conquis aujourd’hui le statut d’écrivains ou de penseurs.

Ainsi les jansénistes, que par exception Bossuet a épargnés, ont-ils fait du couvent de Port-Royal une pépinière de prosateurs et parfois de poètes, inégaux, mais nullement indifférents, même si les plus brillants de ces écrivains malgré eux, aux talents divers et singuliers, comme Saint-Cyran, Arnauld ou Nicole, n’atteignent pas au génie universel de Pascal, incisif et fulminant dans la polémique (Les Provinciales), visionnaire et fulgurant dans l’apologétique (les Pensées). Que Pascal ait choisi dans sa polémique avec les Jésuites sur la question de la grâce et du salut individuel, un sujet débattu en Sorbonne, la fiction de lettres adressées par un mondain non prévenu à un père jésuite de ses amis montre l’interférence entre les pôles du moi, de la société et de Dieu dans la littérature d’alors. Les Pensées n’eurent-elles pas pour projet avoué de convertir des chrétiens « tièdes » liés d’amitié avec Pascal comme Mitton ou le chevalier de Méré, théoriciens de l’honnêteté dans le sillage une fois encore de Montaigne, et héritiers plus lointains des réflexions de l’Italien Baldassarre Castiglione, dont le Livre du courtisan (1528) avait fixé les normes de l’esprit de société, de civilité et d’élégance porté à hauteur d’idéal individuel par une partie de la littérature du Grand Siècle ?

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Écrit par

  • : professeur émérite à la faculté des lettres de Sorbonne université

Classification

Pour citer cet article

Patrick DANDREY. FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s. [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 01/04/2020

Médias

<em>Tartuffe</em> de Molière, mise en scène de Galin Stoev - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Tartuffe de Molière, mise en scène de Galin Stoev

<it>Vanité</it> ou <it>Allégorie de la vie humaine</it>, P. de Champaigne - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Vanité ou Allégorie de la vie humaine, P. de Champaigne

Autres références

  • AMPHITRYON, Molière - Fiche de lecture

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    La seconde interdiction du Tartuffeen 1667contraint Molière à chercher un nouveau sujet de pièce. Il le puise dans la mythologie grecque et le théâtre latin en reprenant l'histoire d’Amphitryon, déjà traitée, entre autres, par Plaute (Amphitruo, 187 av. J.-C.) et, plus récemment,...

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