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JÉSUITES ou COMPAGNIE DE JÉSUS

Par les attaques violentes ou par les solides sympathies qu'elle a suscitées, par les réussites qu'elle a connues comme par les crises qu'elle a traversées, la Compagnie de Jésus occupe une place centrale dans l'histoire du catholicisme.

Avec un peu moins de 20 000 membres à la fin des années 2000 (contre près de 30 000 dans les années 1960), la Compagnie de Jésus constitue numériquement la deuxième famille religieuse de l'Église catholique (aussitôt après l'ensemble des différentes branches franciscaines). Un aperçu historique du développement de la Compagnie permettra de suivre les répercussions de l'élan initial au long de plus de quatre cents ans. Il est relativement facile d'y relever au moins quelques grands événements extérieurs, étudiés par les historiens.

Pour une pleine intelligence des faits, il faudrait encore rendre compte en particulier de l'abondante littérature théologique et spirituelle laissée par des jésuites, dont plusieurs ont été canonisés par l'Église. Il serait nécessaire enfin d'analyser l'évolution récente de la Compagnie de Jésus, depuis le IIe concile du Vatican, qui l’a conduit, sous les généralats de Pedro Arrupe (1965-1981) et de Hans-Peter Kolvenbach (1983-2008), à revoir son mode de gouvernement, à modifier bien des aspects de la formation de ses membres et à réévaluer ses activités selon une pastorale au service de la foi et de la justice dans le monde.

Les débuts de la Compagnie de Jésus

Le terme « jésuite » est antérieur à la fondation de la Compagnie de Jésus. Pour les théologiens du Moyen Âge, le chrétien, après sa mort, deviendrait un jesuita, c'est-à-dire un autre Jésus. Mais dès le début du xvie siècle, le mot avait pris dans les pays germaniques une coloration péjorative. Appeler quelqu'un jesuita équivalait à le traiter de « faux Jésus », donc d'hypocrite. Quatre ans après la création de l'institut d'Ignace de Loyola, Canisius écrivait qu'en Allemagne lui-même et ses disciples étaient qualifiés de « jésuites » dans un esprit de médisance. Le mot devint bientôt d'usage courant en Europe et il parut alors se vider de son intention malveillante. Il fut une façon commode et rapide, mais qui était restée inconnue d'Ignace de Loyola, de désigner les membres de la Compagnie de Jésus. Au concile de Trente, le P. Laínez, en 1562, était déjà habituellement appelé generalis Jesuitarum. Cependant, l'acception péjorative ne disparut pas complètement de l'usage et refit surface à chaque fois – et la chose fut fréquente – que des campagnes furent lancées contre la Compagnie de Jésus. En France notamment, pour beaucoup d'anticléricaux du xixe siècle, « jésuite » était synonyme de fourbe et de bigot.

Au début de leur histoire, les Jésuites, institués officiellement en 1540, ne furent qu'un – et pas le premier en date – des groupes de clercs réguliers ou « prêtres réformés » qui se créèrent en Italie dans la première moitié du xvie siècle. Il faut donc les rapprocher des Somasques de Girolamo Miani, des Barnabites de Benedetto Zaccaria et des Théatins fondés par Gaetano da Tiene et Giovanni-Pietro Carafa, le futur Paul IV. Les uns et les autres, comme plus tard les Oratoriens de Bérulle en France, voulaient réformer l'Église du dedans en menant au milieu du peuple chrétien une vie sacerdotale exemplaire. Ces prêtres refusaient de se couper du monde. Ils ne désiraient pas vivre protégés par une clôture, ni couler leur activité dans un horaire strict et invariable. Leur existence devait se dérouler dans le siècle et leur règle être surtout intérieure.

Pourquoi la Compagnie de Jésus éclipsa-t-elle rapidement les autres sociétés de « prêtres réformés » nées à peu près en même temps qu'elle ? La raison première de son essor[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Jean DELUMEAU et Universalis. JÉSUITES ou COMPAGNIE DE JÉSUS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Matteo Ricci - crédits : Godong/ Universal Images Group/ Getty Images

Matteo Ricci

Autres références

  • FONDATION DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

    • Écrit par Jean-Urbain COMBY
    • 210 mots
    • 1 média

    La Compagnie de Jésus s'inscrit dans le mouvement de fondation des sociétés de clercs réguliers qui associent l'apostolat de tous les jours à la régularité de la vie religieuse encadrée par des vœux mais sans les obligations de la vie conventuelle. Ignace de Loyola transcrit son...

  • AMÉRIQUE (Histoire) - Amérique portugaise

    • Écrit par Frédéric MAURO
    • 4 217 mots
    • 6 médias
    ...Lisbonne. Ces Indiens étaient assez primitifs et ne se révélèrent guère aptes au travail sédentaire, auquel leur santé ne résistait pas. Le roi, aidé par les Jésuites, intervint pour protéger les esclaves contre les excès des colons. Ceux-ci s'efforcèrent d'empêcher l'application des mesures royales ou obtinrent...
  • RHÉTORIQUE, notion de

    • Écrit par Alain BRUNN
    • 1 664 mots
    ...n'est pas hégémonique, et connaît très tôt des critiques. La rhétorique se développe au cours de la Contre-Réforme catholique, et notamment chez les Jésuites, qui y voient un moyen de reconquérir l'âme des fidèles, et de permettre aux catholiques d'exercer un rôle dans la cité pour ramener le...
  • ARRUPE PEDRO (1907-1991)

    • Écrit par Alain WOODROW
    • 1 073 mots

    Le vingt-septième successeur d'Ignace de Loyola n'était pas seulement originaire du Pays basque comme le fondateur de la Compagnie de Jésus. Pedro Arrupe ressemblait à ce dernier de façon étonnante — le même profil, la calvitie, la maigreur ascétique et le regard de braise —, mais il avait surtout...

  • BARTOLI DANIELLO (1608-1685)

    • Écrit par Paul LARIVAILLE
    • 331 mots

    Admis très jeune parmi les novices de la Compagnie de Jésus, Daniello Bartoli, après des études approfondies de rhétorique, puis de philosophie et de théologie, enseigne d'abord la rhétorique et devient bientôt un prédicateur apprécié. En 1646, il se voit conférer la lourde charge d'historien de la...

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Voir aussi