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DROIT Théorie et philosophie

Le mot « droit » étant un de ces termes à significations multiples comme on en rencontre souvent dans le domaine des sciences morales et sociales, il importe de préciser en quel sens on l'entendra ici.

Si l'on interroge les philosophes et les moralistes, et aussi l'homme profane, le droit est l'objet de la justice, vertu qui consiste à rendre à chacun le sien. Cette acception du mot « droit », qui aboutit à une assimilation du droit à la justice, est légitime, d'autant plus qu'elle peut se prévaloir d'un large usage. Cependant, pour les juristes, le droit est, en premier lieu, la règle de droit (du bas latin directum), c'est-à-dire une norme d'un certain type venant régir le comportement des hommes en société. D'autre part, on distingue, depuis l'Antiquité, entre le droit dit positif, qui est la règle édictée par l'autorité compétente, et le droit dit naturel, qui est inscrit dans la nature de l'homme, indépendamment de toute intervention d'une règle positive. Enfin, sous un autre aspect, on distingue entre le droit dit objectif, qui est la règle de droit dont il vient d'être parlé, et le droit dit subjectif, qui est la prérogative conférée à une personne par le droit objectif.

Entre ces acceptions diverses existent évidemment des liens, ce qui explique les chevauchements de terminologie. C'est ainsi que le droit subjectif, en tant que dérivé du droit objectif, se situe logiquement dans le prolongement de celui-ci ; que le droit positif ne peut être envisagé en dehors de toute référence à la justice ; que le juriste doit prendre attitude devant le problème du droit naturel... Il n'en est pas moins vrai que le domaine de la « juridicité », et, par conséquent, le champ d'investigation propre du juriste, est le droit positif (existant ou considéré dans son essence) et que, pour la science juridique, le droit, sans autre qualificatif, est d'abord le droit positif.

Le présent exposé sera divisé en trois parties. Dans la première, on analysera le droit dans son élément de forme, de structure. Ce sera, si l'on veut, une théorie du droit. Dans la deuxième partie, on étudiera le droit dans son contenu : ce sera une philosophiedu droit. Enfin, dans une troisième partie, on traitera du droit subjectif.

Définition formelle du droit

À la différence de la vérité, par exemple, le droit est, comme le langage, un phénomène de la vie sociale. Il s'agit seulement de l'identifier parmi les autres phénomènes de même ordre, en relevant ses traits distinctifs et ses caractères spécifiques.

Traits distinctifs de la règle de droit

Le droit et la société politique

Pour que la règle de droit apparaisse, il ne suffit pas qu'un homme se trouve en rapport avec un autre homme : ainsi Robinson dans son île face au nouvel immigrant. Il ne suffit même pas d'une pluralité de rapports interindividuels entre des personnes plus ou moins nombreuses (cf. le concept de « société civile » chez Hegel) ; à ce plan de l'altérité (bilatérale ou multilatérale), la morale est seule à intervenir avec, pour précepte premier, celui de la justice, qui oblige chacun au respect du droit de l'autre. La règle de droit ne prend naissance qu'à la condition que des hommes forment groupe, non seulement par la participation à certains traits communs (race, langue, classe sociale, etc.), mais sur le fondement d'une société constituée en vue d'une fin et pourvue d'une organisation au service de cette fin. Bien mieux que le terme « social », qui est vague, le terme « sociétaire » permettrait de désigner le mode de groupement envisagé. Le droit n'est plus alors une simple règle de vie sociale ; il est la règle qui régit les rapports entre les hommes groupés dans des liens sociétaires.

Cependant les sociétés organisées sont de[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Académie royale de Belgique, doyen émérite de la faculté de droit de Louvain

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Pour citer cet article

Jean DABIN. DROIT - Théorie et philosophie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

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Giuseppe Arcimboldo : «Le Juriste» - crédits :  Bridgeman Images

Giuseppe Arcimboldo : «Le Juriste»

Autres références

  • DROIT ET CITOYENNETÉ AU DÉBUT DU XXIe SIÈCLE

    • Écrit par Renaud DEMOYEN
    • 2 552 mots
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    La relation de l'individu au droit est traditionnellement appréhendée par le biais de la distinction entre droit objectif (la règle qui s'impose à tous les individus, objets de droit) et droit subjectif (l'individu en tant que titulaire de droits, qu'il peut exercer). Mais la façon dont l'individu...

  • ACTE JURIDIQUE

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    Sous l'appellation « acte juridique », les juristes comprennent, le plus souvent, diverses institutions qui régissent les particuliers dans leurs rapports privés : mariage et vente, testament et constitution d'hypothèque, bail et reconnaissance d'enfant naturel. On peut avoir une idée assez...

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