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ADMINISTRATION Le droit administratif

Il est tentant de donner du droit administratif, en partant d'une observation évidente, une définition concrète à laquelle sa simplicité même conférerait une quasi-universalité. Tous les États modernes ont des organes administratifs, dont les statuts et les compétences sont nécessairement fixés par des textes juridiques. L'ensemble de ces textes ne donne-t-il pas à chaque État un droit administratif ?

La notion ne s'accommode malheureusement pas de cette définition passe-partout. Les grands systèmes juridiques entre lesquels se répartissent les États donnent, en effet, au droit administratif un sens et un contenu très différents. Dans les États continentaux, dont la France est, sur ce point, le prototype, il ne se réduit pas à la juxtaposition des règles décrivant les institutions administratives. Il se présente comme une discipline juridique cohérente et organisée, fondée sur quelques principes dont elle déduit les conséquences, au même titre que les autres grandes branches du droit. Ce n'est pas le cas partout. De plus, il n'existe pas d'unanimité entre les États touchant ceux des organes publics qu'il convient de ranger dans la catégorie administrative et dont le régime, dès lors, donnerait son contenu au droit administratif.

Il faut donc écarter toute définition simplifiée, et prendre le problème de plus loin.

L'existence d'un droit administratif suppose, d'abord, que soit acquise la distinction, au sein de l'appareil complexe que constitue le pouvoir d'État organisé, entre deux niveaux d'action, et deux catégories d'organes : d'une part, l'action des organes politiques, encadrée, du point de vue juridique, par le droit constitutionnel, et, d'autre part, l'action administrative. Si la distinction est aujourd'hui assez généralement admise, elle est loin d'avoir partout le même sens et le même contenu. De plus, la frontière qu'elle entend tracer n'est pas nette : dans la plupart des États, les organes gouvernementaux – essentiellement politiques par leur statut, leur origine, et leurs compétences – sont en même temps placés à la tête de l'administration.

Administration et droit administratif

La spécificité de l'action administrative et de ses organes supposée acquise, il reste que ses rapports avec le droit peuvent revêtir les formes les plus diverses.

L'administration sans règles

La première, et la plus naturelle, est l'ignorance. L'administration peut n'être pas soumise au droit. C'est même sa pente naturelle, du fait tant de son origine que de son objet.

Par son origine, l'administration – du moins l'administration publique, la seule que vise le droit administratif – est une forme du pouvoir. Elle participe naturellement de son caractère autoritaire, et de sa transcendance par rapport aux particuliers. Elle commande, et s'impose, en cas de résistance, par la force organisée dont l'État détient le monopole. L'obliger, dès lors, à se plier à des règles dont l'administré puisse exiger le respect, c'est aller contre sa nature profonde.

Par son objet, d'autre part, l'administration publique – qui rejoint sur ce point l'administration privée – est essentiellement tournée vers le concret. La gestion des activités qui lui incombent suppose la prise en considération, lors de chaque décision, des données propres au cas considéré, condition nécessaire pour que la décision soit adéquate à la situation qu'elle doit régir. Il y a une contradiction apparemment évidente entre la nature de la règle de droit, générale et abstraite, et les impératifs de l'action administrative.

Ce divorce entre l'administration et le droit n'a pas seulement été une étape historique, aujourd'hui dépassée, dans tous les États. Dans la mesure où il reflète une partie[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris

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Création du Conseil d'État, 1799 - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

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