CONTRAT

On contracte les fièvres, des amitiés et des vices (ou de bonnes habitudes) ; on contracte aussi des dettes. Le verbe contracter suggère ainsi une image assez floue ; il évoque un « lien », matériel ou spirituel. Le substantif contrat paraît avoir une compréhension plus restreinte, sinon plus précise ; il ne connote plus que l'idée d'un rapport interpersonnel, moral ou social, et, notamment, juridique : l'idée d'obligation. En situant la source de cette relation dans la volonté même des sujets entre qui elle s'établit, le mot s'enrichit d'une nuance appréciable, qu'exprime plus nettement le terme « convention », tenu pour son synonyme. Obligation et convention : on considère d'ordinaire que le propre du contrat est précisément d'être, non pas l'une ou l'autre chose, selon les points de vue, mais, conjointement, l'une et l'autre, obligation conventionnelle, convention obligatoire. Et le problème du contrat apparaît comme celui de la liaison entre les deux termes, c'est-à-dire de la reconnaissance, par le droit, des engagements volontaires, ou encore, de la sanction des promesses.

Bien loin d'aider à la solution du problème, une analyse philosophique de la promesse la rend plus ardue. Car les philosophes – certains d'entre eux du moins – considèrent, sans doute, que la promesse ne peut être pensée que comme devant-être-tenue ; mais ils soulignent aussi qu'elle est le plus souvent précaire, l'homme étant un être naturellement inconstant et insincère. Dès lors, de deux choses l'une ; ou bien le promettant persiste dans la résolution d'assumer le lien qu'il s'est imposé, et le bénéficiaire de la promesse n'a que faire d'une consécration officielle – juridique – de celle-ci ; malgré le silence, ou l'hostilité de la loi, un débiteur scrupuleux peut toujours réaliser spontanément sa volonté, et le contrat n'est qu'une institution superflue ; ou bien la promesse engendre un lien juridiquement sanctionné ; mais, par hypothèse, ce lien ne sera consacré que dans le cas où le promettant n'aura pas maintenu sa volition et où l'obligation ne sera plus assumée, consentie. La réglementation et l'existence même du contrat en tant qu'institution juridique imposent donc que l'obligation du débiteur soit privée du soutien de sa volonté, et Descartes avait lucidement aperçu, dans la troisième partie du Discours, que le contrat est un remède « à l'inconstance des esprits faibles ». Mais pourquoi, et comment, a-t-il la puissance d'imposer à l'homme la vertu de persévérance et de le lier définitivement à sa volonté première ?

Le problème étant énoncé en ces termes (de façon schématique jusqu'à l'excès), on n'entrevoit pas nécessairement qu'il admet, en pratique, les solutions les plus diverses, selon des techniques changeantes, pour des raisons variées ; mais on peut pressentir que son examen ouvre carrière aux spéculations : discussions théoriques et, aussi, professions de foi dogmatiques.

L'idéologie

Le Premier consul Bonaparte aurait adressé aux rédacteurs de son Code civil le reproche suivant : « Le vice de nos législations modernes est de n'avoir rien qui parle à l'imagination [...]. Un contrat ne contient que des obligations géométriques ; il ne contient pas de sentiment. » Il est à croire, en effet, que les législations en général, et le Code civil français en particulier, contiennent, à propos du contrat, assez peu de sentiment. On ne saurait en dire autant des exposés doctrinaux qui sont, le plus souvent, tout pénétrés de croyances a priori ; toute conception du contrat, dans ses racines profondes et jusque dans les détails de sa formulation technique, est l'expression de convictions[...]

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Écrit par

  • Georges ROUHETTE : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de l'université de Madagascar

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Pour citer cet article

Georges ROUHETTE, « CONTRAT », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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