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BESTIAIRES

Le premier trait qui distingue la représentation animalière des représentations végétales ou humaines est son ancienneté et la précocité surprenante de son apparition. Le répertoire de l'art préhistorique est en effet tout entier constitué d'animaux. Mais le thème apparaît dans le vocabulaire décoratif de tous les arts. Il convient de distinguer « l'art animalier » représenté dans presque toutes les écoles, et le « bestiaire » proprement dit, terme par quoi s'exprime l'idée d'un groupe structuré de thèmes animaux, à valeur significative autonome : ni inventaire catalogué des espèces, ni simple répertoire d'éléments dispersé au fil des œuvres. L'art animalier au sens large peut être réaliste, de même que l'art du « bestiaire ». Mais, comme l'a souligné Jurgis Baltrušaitis, la présence du fantastique signale à coup sûr la cohérence d'un réseau de relations significatives qui préside à la formation du « bestiaire ».

En littérature, les bestiaires sont des ouvrages où sont catalogués des animaux, réels ou imaginaires, dont les propriétés, généralement merveilleuses, sont présentées comme symboles moraux ou religieux. Ainsi, dans le Physiologus, au xiie siècle, les bestiaires, rédigés en latin ou en français, constituent des documents précieux pour l'étude de la mentalité médiévale. Ils apportent un commentaire explicite peint ou sculpté. Ils nous donnent un exemple patent des procédés littéraires qui tendent à l'allégorie. Mais, surtout ils nous montrent comment les hommes, prisonniers de leurs mythes, peuvent préférer une image poétique du monde à l'observation objective de la nature.

L'art animalier à travers le temps

L'âge préhistorique

L'aire de diffusion de l'art préhistorique est vaste et connaît peu de variations. Citons, en Europe, les sculptures pariétales des Eyzies, les peintures des grottes de Lascaux, des Combarelles, d'Altamira, les bisons d'argile du Tuc d'Audubert ; en Afrique, les fresques du Hoggar et du Fezzan, de Nubie, de Rhodésie et du Transvaal. Tous ces lieux offrent l'énigme d'un art absolument originel et parfait, vestiges plastiquement admirables d'une toute première création artistique dont les intentions subjectives nous échappent. Ni simple décor de la vie de tous les jours – d'accès difficile, les cavernes où se trouvent les peintures, ne servaient point à l'habitation – ni mémorial funéraire pour la vie de l'au-delà – elles n'étaient pas non plus utilisées pour l'inhumation – cet art a été le plus souvent assimilé par les historiens à une sorte de rituel magique permanent, ensemble de cérémonies propitiatoires une fois pour toutes composées, fixées et efficaces, destinées à permettre la poursuite de l'activité essentielle à la survie de l'homme : la chasse. Par le truchement du pouvoir mimétique de l'image, l'animal serait invité, voire aidé, à se reproduire (représentations de femelles de bisons gravides), ou incité à se laisser capturer. Il n'est pas question, en effet, à ces époques lointaines, d'élevage ou de domestication. La chasse apparaîtrait comme l'unique et brutale relation de l'homme à l'animal si l'art n'y venait ajouter sa secrète médiation dans le silence et l'obscurité des grottes.

Aurochs et chevaux, Lascaux - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Aurochs et chevaux, Lascaux

Grotte d'Altamira - crédits : Robert Frerck/ Getty Images

Grotte d'Altamira

Paléontologues et historiens d'art se sont plu en général à souligner la sûreté sans retouches des contours, le réalisme et l'exactitude du trait, la justesse des représentations anatomiques et de la saisie des attitudes et du mouvement. L'animal est peint le plus souvent dans sa course, de profil – seule la tête des fauves est représentée de face – sans être inséré dans un environnement naturel ou technique, à l'exception parfois des flèches, dont l'efficacité est[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes
  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Françoise ARMENGAUD et Daniel POIRION. BESTIAIRES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Aurochs et chevaux, Lascaux - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Aurochs et chevaux, Lascaux

Grotte d'Altamira - crédits : Robert Frerck/ Getty Images

Grotte d'Altamira

Peigne de Solokha - crédits :  Bridgeman Images

Peigne de Solokha

Autres références

  • ACROPOLE D'ATHÈNES

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN
    • 8 215 mots
    • 9 médias
    ...assyrien. Le caractère composite des frontons de la seconde phase, où voisinent les deux registres nouveaux de l'iconographie du viie siècle : le bestiaire symbolique emprunté à l'Orient et la geste des dieux et des héros, qui se fixe au même moment dans les poèmes homériques, ne doit pas surprendre...
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    ...multiplient dans les marges oiseaux et bestioles, et les grylles dans les bas de page. Ces grotesques témoignent d'un regard qui s'ouvre avec fraîcheur sur le bestiaire de la nature et d'un scepticisme irrespectueux à l'égard de la religion et des valeurs établies. Les classes privilégiées ne s'en effarouchèrent...
  • BOSCH JÉRÔME (1450-1460 env.-1516)

    • Écrit par Claude-Henri ROCQUET
    • 8 757 mots
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    ...la faune de créatures hybrides qui peuple maint tableau de Bosch ne manque pas d'ancêtres. Elle sort du chapiteau, de l'enluminure et de l'immense bestiaire roman et gothique. Elle vient de plus loin encore : ses chimères humaines sont des grylles, c'est-à-dire de ces monstres comme en...
  • CHINOISE CIVILISATION - Les arts

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Voir aussi