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TYPOGRAPHIE

D'Alde Manuce à Robert Estienne

Au tournant du xve-xvie siècle à Venise, dans l'atelier de l'éditeur et imprimeur Alde Manuce (1449-1515), apparaissent des types romains dus au graveur Francesco Griffo (1450-1517). D'une haute tenue technique et esthétique, ceux-ci sont complétés d'une série dite cancelleresque qui sera désignée plus tard sous le terme d'italiques. Plus propices que les humanes à des compositions aérées de la page et s'écartant nettement des modèles manuscrits, ces caractères s'exportent en France, où Henri Ier Estienne (1470-1520), puis son successeur Simon de Colines (1480-1546), les adoptent. Geoffroy Tory (vers 1480-vers 1533), quant à lui, définit dans son ouvrage Le Champfleury (1529) une méthode de construction de la lettre réglée sur les proportions du corps humain, puisée aux théories de l'humanisme. À ce désir de réforme typographique s'ajoute la volonté de la monarchie française de se doter d'une langue distincte et codifiée, ce que sanctionne l'édit de Villers-Cotterêts (1539), en substituant le français au latin dans les usages officiels.

Matrice de l'appareil typographique Garamond - crédits : Connaissances des Arts/ St-Genès/ AKG-images

Matrice de l'appareil typographique Garamond

Robert Estienne (1503-1559) s'affirme comme un des premiers philologues, dont le travail de redécouverte des textes sacrés et de leur juste représentation confère une dimension supplémentaire à la réforme typographique : celle de la réforme religieuse. Il publie les Écritures dans des compositions inédites, expurgées par ses soins des multiples ajouts du Moyen Âge et réglées sur la présentation comparative des versions hébraïque, grecque, latine et française. À cet effet, il façonne un appareil typographique inspiré du modèle aldin, dont tout ou partie a été gravé par Claude Garamond (1499-1561). Dans son sillage, de nombreux imprimeurs et typographes réformés, Robert Haultin (vers 1510-1587), Guillaume Le Bé (1525-1598), Jean de Tournes (1504-1564), promeuvent une floraison de types de grande qualité, possédant un rare équilibre entre les pleins et les déliés, popularisés sous le terme générique de Garamond.

Après la mort de François Ier, Robert Estienne fait face à la vindicte des théologiens de la Sorbonne et est obligé de fuir à Genève. Ses types romains se propagent en Europe grâce à François Guyot, responsable du fonds typographique de l'Officina Plantiniana à Anvers, et à Jacques Sabon (1535-vers 1580), autre réformé émigré, chef d'atelier de la fonderie Egelnoff, à Francfort. Leur leçon est reprise par la suite par Christoffel van Dijck (1601-1669), à Amsterdam, les Elzevier à Leyde, et par Johann Michael Fleischman (1701-1768), ce dernier assurant la renommée de la fonderie Enschedé à Haarlem.

À la fin du xvie siècle, face au protestantisme, l'église catholique engage la Contre-Réforme pour affirmer sa domination intellectuelle et culturelle et fait mainmise sur l'imprimerie. Elle mobilise les meilleurs typographes, souvent des disciples d'Estienne comme Christophe Plantin (1514-1520) à Anvers, ou Robert Granjon (1513-1589) installé au Vatican. Au demeurant, les règles forgées par les typographes calvinistes – usage systématique des caractères latins, découpage de la Bible en versets et emploi des alinéas notamment – sont entérinées par l'Église.

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Écrit par

  • : historien du graphisme et de la typographie, diplômé en histoire de l'École des hautes études en sciences sociales, Paris

Classification

Pour citer cet article

Michel WLASSIKOFF. TYPOGRAPHIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Matrice de l'appareil typographique Garamond - crédits : Connaissances des Arts/ St-Genès/ AKG-images

Matrice de l'appareil typographique Garamond

Autres références

  • ABSTRAITS DE HANOVRE

    • Écrit par Isabelle EWIG
    • 2 598 mots
    • 1 média
    ...– cartes de membre, cartons d'invitation, papier à lettres, enveloppes, etc. –, tout en mettant leur savoir-faire au service de diverses entreprises. Schwitters invita les deux membres les plus actifs dans ce domaine, Domela et Vordemberge-Gildewart, à prendre part à la fondation, en 1928, du Ring neuer...
  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
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    ...Le nombre d'ateliers, à Paris, passe de trente-six à la veille de la Révolution à deux cents en 1790, qui réalisent périodiques, pamphlets et affiches. Ces dernières, composées pour la plupart en alphabets Baskerville ou Didot, dont la rigueur s'accorde aux principes du temps, véhiculent devises et slogans,...
  • AICHER OTL (1922-1991)

    • Écrit par Axelle FARIAT
    • 649 mots

    Otl Aicher est une figure emblématique du design allemand qui naît au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notamment dans le cadre de l’école d’Ulm.

    Né en 1922 à Ulm, Otto Aicher dit Otl, rejette la doctrine nazie. Il se lie avec la famille Scholl (Hans et Sophie Scholl vont fonder le groupe...

  • APELOIG PHILIPPE (1962- )

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 1 040 mots

    Philippe Apeloig, né en 1962 à Paris, est un des auteurs les plus remarquables dans le domaine du graphisme en France. C'est également un typographe de premier plan : ses caractères qui contribuent à singulariser ses créations – affiches ou identités visuelles – sont désormais diffusés à l’échelle...

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