TYPOGRAPHIE
Révolution et romantisme
Malgré les troubles de la période révolutionnaire et la concurrence provoquée par le libre exercice de l'imprimerie, l'activité de Pierre (vers 1760-1853) et Firmin (1764-1836) Didot, fils de François-Ambroise, et d'Henri (1765-1852), fils de Pierre-François, est florissante. Ils éditent la Constitution de 1791 et se voient octroyer les locaux et matériels de l'ex-Imprimerie royale au Louvre. Pierre Didot y imprime des ouvrages aux mises en page tendues et austères, composés avec les caractères de son jeune frère Firmin. De 1812 à 1815, ce dernier, devenu premier maître fondeur de caractères à l'Imprimerie impériale, définit une mesure typographique basée sur le système métrique selon laquelle il grave le romain de l'Empereur, caractère qualifié plus tard de Didot millimétrique. L'avènement de la dynastie des Didot incarne dans le champ de la typographie l'accession au pouvoir de la bourgeoisie ; leurs créations dominent la typographie européenne durant la première moitié du xixe siècle.
En Angleterre, malgré les guerres napoléoniennes, l'économie est moins bouleversée et les innovations techniques fleurissent : les presses métalliques conçues par Stanhope et Walker favorisent l'augmentation des tirages. Pour répondre aux nouveaux besoins créés par la presse écrite et l'affichage politique et publicitaire, les fonderies multiplient les variantes des Didot les plus expressifs, dont le romain gras de Robert Thorne (1754-1820), vers 1803, auquel répond la série des gras Vibert chez les Didot, à Paris, vers 1820. Vincent Figgins (1766-1844) dessine un alphabet Two Lines Pica, à Londres, vers 1815, prototype des Égyptiennes, capitales de titrage aux fûts et aux empattements épais et réguliers. La fonderie Caslon propose, dès 1816, un premier caractère « bâton », sans empattement, également destiné au titrage.
À partir de 1820, la lithographie et la gravure sur bois de bout se diffusent en Europe. Le dessin de la lettre se reportant sur la pierre lithographique s'associe aisément à l'image, cependant que la gravure sur bois de bout s'imprime dans la même forme que la typographie. Des éditeurs s'engagent dans la publication d'ouvrages abondamment illustrés dont les vignettes s'intègrent parfaitement au texte. Dans les pages de titre des livres romantiques, les caractères romains sont mêlés aux gothiques, dont l'engouement pour le Moyen Âge justifie le regain. La généralisation des « caractères affiches », gravés sur bois, contribue au foisonnement de la lettre romantique, agrémentée des éléments décoratifs les plus variés. Il se crée des alphabets purement fantasmagoriques, comme ceux de Jean Midolle ou d'Honoré Daumier. Les types dessinés en Angleterre (Tuscan ou English-Italian Types) et en Allemagne durant les années 1830-1840 sont également représentatifs de cette ivresse des formes.
- 1. La prototypographie
- 2. D'Alde Manuce à Robert Estienne
- 3. Du romain du Roi aux Didot
- 4. Révolution et romantisme
- 5. L'ère industrielle et l'Art nouveau
- 6. Débuts du design et « synthèse des arts »
- 7. Vers une Nouvelle typographie
- 8. Traditions britannique et française
- 9. Crispation idéologique et perpétuation du modernisme
- 10. Le recours à la tradition
- 11. Bouleversements technologiques et diversités graphiques
- 12. Réseaux, flux, numérisation
- 13. Le triomphe du numérique
- 14. Bibliographie
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Écrit par
- Michel WLASSIKOFF : historien du graphisme et de la typographie, diplômé en histoire de l'École des hautes études en sciences sociales, Paris
Classification
Pour citer cet article
Michel WLASSIKOFF, « TYPOGRAPHIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
Média
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Voir aussi
- LITHOGRAPHIE
- LETTRE
- TORY GEOFFROY (1480 env.-env. 1533)
- GOTHIQUE ÉCRITURE
- RECONNAISSANCE OPTIQUE DES CARACTÈRES (OCR)
- COMPOSITION, imprimerie
- CARACTÈRE, imprimerie
- LINOTYPE
- MONOTYPE
- PHOTOCOMPOSITION
- BIBLE TRADUCTIONS DE LA
- GRASSET EUGÈNE (1845-1917)
- WEINGART WOLFGANG (1941 - )
- MORISON STANLEY (1889-1967)
- GRANDJEAN PHILIPPE (1666-1714)
- NUMÉRISATION
- WIENER WERKSTÄTTE
- ARTS AND CRAFTS, mouvement artistique
- PROTESTANTISME HISTOIRE DU