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TYPOGRAPHIE

Bouleversements technologiques et diversités graphiques

La photocomposition, expérimentée dès les années 1930, supplante la composition mécanique à la fin des années 1950, cependant que l'offset prend définitivement le pas sur la typographie, grâce notamment à une meilleure impression en couleurs. Par ailleurs, le phototitrage permet de modifier rapidement les caractères par les procédés photographiques. Toutefois, la qualité de la typographie se dégrade du fait de difficultés d'adaptation des procédés traditionnels aux nouvelles techniques, comme le réglage des approches qui ne sera résolu que par les logiciels numériques à la fin du siècle. Les recherches menées sur la reconnaissance optique des caractères (Optical Character Recognition) mènent à la création des premiers alphabets destinés à être lus par les ordinateurs : l'OCR-A en 1966 et l'OCR-B d'Adrian Frutiger, en 1968, qui est mis en œuvre par l'European Computer Manufacturer's Association (E.C.M.A.).

Les fonderies traditionnelles, l'American Type Founders ou Deberny et Peignot, s'adaptent mal à ces bouleversements et, face à la concurrence de la photocomposition, périclitent rapidement pour disparaître à la fin des années 1960. En revanche, les lettres transfert connaissent un véritable engouement et le catalogue de Letraset s'enrichit de nombreuses créations fantaisie au long de la décennie.

La facilitation du maniement de la typographie favorise l'émergence d'un nouveau lyrisme qui met en cause l'hégémonie du style suisse. L'Américain Herb Lubalin (1918-1981) apparaît comme la figure marquante de cette évolution. Mélangeant les caractères, les corps et les graisses, il se singularise par l'éclectisme de ses choix dans ses annonces, ses affiches ou ses mises en pages de presse, comme celle du magazine Avant Garde (1968), pour lequel il crée le caractère éponyme. En 1970, il fonde avec Aaron Burns (1922-1991) et Edward Rondthaler (1905-2009) l'International Typeface Corporation (I.T.C.), qui impulse la floraison de nouveaux types, et lance en 1973 la revue U&lc, donnant le ton à la typographie au plan mondial.

L'effervescence des années 1960-1970 dans tous les champs de la création met en cause les hiérarchies, suscitant le mélange des genres et l'appropriation des langages les plus divers. Le mouvement Fluxus fait appel à la typographie pour renouer avec les pratiques subversives des avant-gardes. En Californie, les affiches psychédéliques se signalent par des distorsions de lettres perturbant radicalement la lisibilité. En Europe, les situationnistes font du détournement et des graffitis leurs modes d'expression contre la marchandisation des sociétés industrielles et le « spectacle » qu'elle génère. Fruit de cette contestation, la révolte étudiante de mai 1968, en France, est symbolisée par des inscriptions murales et des affiches qui rejettent les règles admises de la communication. Diverses tendances militantes du graphisme s'en inspirent, comme le collectif Grapus qui fait un large emploi de l'écriture manuscrite. Quant au style suisse, il est contesté en son sein même. Dès 1968, Wolfgang Weingart (né en 1941) enseigne et diffuse à Bâle ses expériences typographiques : pavés en échelle, interlettrages variables, chevauchements de lignes, agrandissements photographiques se superposant en motifs de points tramés, etc. L'école de Bâle est à la source d'un courant mondial, désigné par le terme de « Nouvelle vague » qui s'épanouit, en Suisse et aux États-Unis, à la fin des années 1970.

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Écrit par

  • : historien du graphisme et de la typographie, diplômé en histoire de l'École des hautes études en sciences sociales, Paris

Classification

Pour citer cet article

Michel WLASSIKOFF. TYPOGRAPHIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Matrice de l'appareil typographique Garamond - crédits : Connaissances des Arts/ St-Genès/ AKG-images

Matrice de l'appareil typographique Garamond

Autres références

  • ABSTRAITS DE HANOVRE

    • Écrit par Isabelle EWIG
    • 2 598 mots
    • 1 média
    ...– cartes de membre, cartons d'invitation, papier à lettres, enveloppes, etc. –, tout en mettant leur savoir-faire au service de diverses entreprises. Schwitters invita les deux membres les plus actifs dans ce domaine, Domela et Vordemberge-Gildewart, à prendre part à la fondation, en 1928, du Ring neuer...
  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    ...Le nombre d'ateliers, à Paris, passe de trente-six à la veille de la Révolution à deux cents en 1790, qui réalisent périodiques, pamphlets et affiches. Ces dernières, composées pour la plupart en alphabets Baskerville ou Didot, dont la rigueur s'accorde aux principes du temps, véhiculent devises et slogans,...
  • AICHER OTL (1922-1991)

    • Écrit par Axelle FARIAT
    • 649 mots

    Otl Aicher est une figure emblématique du design allemand qui naît au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notamment dans le cadre de l’école d’Ulm.

    Né en 1922 à Ulm, Otto Aicher dit Otl, rejette la doctrine nazie. Il se lie avec la famille Scholl (Hans et Sophie Scholl vont fonder le groupe...

  • APELOIG PHILIPPE (1962- )

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 1 040 mots

    Philippe Apeloig, né en 1962 à Paris, est un des auteurs les plus remarquables dans le domaine du graphisme en France. C'est également un typographe de premier plan : ses caractères qui contribuent à singulariser ses créations – affiches ou identités visuelles – sont désormais diffusés à l’échelle...

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Voir aussi