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TURBULENCE

Méthodes de description et de modélisation

Le nombre d'échelles qui interagissent entre elles au sein d'un écoulement turbulent est directement lié au nombre de Reynolds de la turbulence (Ret = u'l'/ν) par la relation l'/η ≈ Ret3/4 : il est donc pratiquement impossible de résoudre les équations du mouvement à chaque instant et en chaque point dans la plupart des situations pratiques, même si des progrès substantiels ont été faits depuis quelques années grâce aux performances sans cesse accrues des ordinateurs. On en est donc encore réduit le plus souvent à traiter la turbulence d'un point de vue statistique. Comme nous l'avons vu précédemment, la non-linéarité des équations de Navier-Stokes (et plus généralement des équations de bilan, par exemple pour l'énergie cinétique, l'énergie interne ou la concentration d'un contaminant) fait apparaître dans le bilan en un point d'une grandeur moyenne des inconnues supplémentaires du type f'v'j. Si l'on pense résoudre le problème en construisant des équations de bilan pour ces corrélations doubles, on rencontre de nouvelles inconnues du type f'v'jv'k, et ainsi de suite. En termes de statistique, cela revient à dire que des moments d'ordre n+1 apparaissent dans les équations de bilan pour les moments d'ordre n, et ce quel que soit n : il y a toujours plus d'inconnues que d'équations et le problème est ouvert, c'est-à-dire indéterminé. Pour le fermer, il est donc indispensable de modéliser à un certain ordre les inconnues supplémentaires. Il existe pour cela différentes approches.

Fermetures en un point

La méthode la plus simple pour fermer le problème est de ne considérer que les équations pour les valeurs moyennes, et d'utiliser la notion de viscosité turbulente de Boussinesq, νt, telle que f'ν'j = -νt ∂F̄/∂xj, en supposant que la répartition de νt dans l'écoulement est connue a priori (à partir d'expériences) : c'est ce que l'on appelle une « fermeture d'ordre 1 » avec un modèle à zéro équation supplémentaire. Une alternative est d'utiliser la longueur de mélange de Prandtl l', à partir de laquelle on calcule νt (par νt = l'2 |∂Ū/∂y| en turbulence de paroi où cette dérivée est dominante). Mais se donner a priori νt ou l' ne constitue bien évidemment pas une solution de fermeture : il faut pour cela les relier à d'autres grandeurs, ce qui oblige à résoudre une ou deux équations supplémentaires. La méthode la plus répandue, communément appelée modèle k-ε, consiste à résoudre une équation pour l'énergie cinétique de la turbulence (k = 1/2v'jv'j) et une pour son taux de dissipation ε, de façon à pouvoir ensuite calculer νt ≈ l'u' avec u'2 = 2/3k et l' ≈ u'3 . Cette approche ne nécessite que la connaissance de cinq constantes, dont les valeurs sont ajustées sur l'expérience. Ce type de fermeture (et les approches similaires, comme les modèle k-l' ou k-ω'2) reste encore le modèle le plus utilisé dans le milieu industriel de par sa relative simplicité d'implémentation et sa robustesse. Néanmoins, comme les hypothèses sous-jacentes sont relativement fortes et souvent loin d'être satisfaites (notamment parce que le concept même de viscosité turbulente souffre des graves défauts déjà évoqués, et, avec un νt isotrope, les propriétés diffusives de la turbulence sont supposées indépendantes de la direction, ce qui est loin d'être vrai au niveau des grandes échelles), des modèles plus élaborés ont été développés à partir des années 1970. Ce sont les « modèles à l'ordre 2 », pour lesquels des équations de bilan (modélisées) sont résolues pour les différentes quantités [...]

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Écrit par

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Pour citer cet article

Fabien ANSELMET, Michel COANTIC et Gérard TAVERA. TURBULENCE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Turbulences : exemples de bifurcations - crédits : Encyclopædia Universalis France

Turbulences : exemples de bifurcations

Turbulence : exemple de tore T6 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Turbulence : exemple de tore T6

Turbulence : le système de Lorenz et la SCI - crédits : Encyclopædia Universalis France

Turbulence : le système de Lorenz et la SCI

Autres références

  • AÉRODYNAMIQUE

    • Écrit par Bruno CHANETZ, Jean DÉLERY, Jean-Pierre VEUILLOT
    • 7 226 mots
    • 7 médias
    Unevaleur très élevée du nombre de Reynolds entraîne une seconde difficulté liée au caractère turbulent de l'écoulement. 'Si on observe la couche limite qui se développe sur une plaque plane, on constate, lorsque le nombre de Reynolds augmente, que la structure de l'écoulement se désorganise, en passant...
  • AÉRONOMIE

    • Écrit par Gaston KOCKARTS
    • 4 157 mots
    • 11 médias
    ...concentrations diminuent avec l'altitude, leurs abondances relatives ne sont pas modifiées. Les phénomènes de brassage, tels que les vents, la convection et la turbulence, sont suffisamment rapides et importants pour que la composition volumique des constituants reste constante avec l'altitude. Notons, dès à présent,...
  • ATMOSPHÈRE - Thermodynamique

    • Écrit par Jean-Pierre CHALON
    • 7 607 mots
    • 7 médias
    ...ascendants et descendants, susceptibles de déclencher une instabilité conditionnelle présente très loin du lieu où elles ont été produites. Elles peuvent aussi provoquer defortes turbulences, parfois qualifiées de « trous d’air », qui sont particulièrement inconfortables pour les transports aériens.
  • BERGÉ PIERRE (1934-1997)

    • Écrit par Louis BOYER, Monique DUBOIS-GANCE, Yves POMEAU
    • 831 mots
    • 1 média

    Pierre Bergé, chercheur et expérimentateur talentueux, fut un grand physicien dans le domaine de la matière condensée. Originaire de Pau, il fit ses études supérieures à l'École centrale de Nantes. Toute sa carrière de physicien fut effectuée au Commissariat à l'énergie atomique, centre d’études de...

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Voir aussi