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TURBULENCE

Turbulence est synonyme d'agitation, désordre, chaos. L'évolution spatiale ou temporelle de nombreux phénomènes est caractérisée par une absence apparente d'ordre, la coexistence d'échelles très différentes, l'impossibilité d'une reproduction et d'une prévision détaillées. Un tel comportement est qualifié de turbulent.

Les écoulements fluides en offrent les illustrations les plus courantes : rafales de vent ou tourbillons d'un torrent, etc. Les hydrauliciens, en particulier J. Boussinesq et O. Reynolds, ont identifié vers la fin du xixe siècle deux régimes d'écoulement, l'un régulier ou laminaire, l'autre irrégulier ou turbulent, jouissant de propriétés très différentes, notamment pour la diffusion des grandeurs attachées au fluide. La méthode statistique fut naturellement utilisée pour ce problème aux applications nombreuses et importantes, par des chercheurs comme L. Prandtl, G. I. Taylor, T. von Karman, A. N. Kolmogorov, A. A. Townsend, S. Corrsin et R. H. Kraichnan, mais elle n'a pas connu dans ce domaine un succès aussi complet que dans d'autres. Un écoulement turbulent établi combine en effet des structures tourbillonnaires dont les échelles couvrent une gamme large et continue, et qui sont toutes en forte interaction en raison de la non-linéarité des équations de la mécanique des fluides. L'effet des petites structures affecte donc le comportement des grosses, dont l'influence compromet simultanément l'universalité statistique des petites, marquées d'une forte intermittence interne.

L. Landau avait associé le chaos turbulent à la présence d'un très grand nombre de degrés de liberté, mis en jeu après un nombre équivalent de bifurcations des solutions des équations de Navier-Stokes. E. Lorenz puis D. Ruelle et F. Takens ont introduit des conceptions radicalement nouvelles sur la nature et le mécanisme d'apparition de la turbulence, qui étendent considérablement le domaine d'application de cette notion. On l'associe aujourd'hui à un comportement chaotique intrinsèque des systèmes dynamiques dissipatifs, caractérisé par un attracteur étrange dans l'espace des phases. Riche de possibilités, bien qu'encore éloignée des calculs pratiques, cette conception offre un cadre théorique unifié à l'étude du comportement chaotique de systèmes aussi différents que ceux de la chimie, de l'aérodynamique et de la dynamique des populations.

La turbulence des écoulements fluides est omniprésente, et l'on possède aujourd'hui une assez bonne description de sa phénoménologie, une compréhension générale de sa dynamique, et des méthodes approchées de prévision de ses effets. En astrophysique, on sait à présent, en dépit de l'imprécision des données, que seule l'intervention de la turbulence peut expliquer certains aspects de la naissance et de la vie des galaxies, des étoiles et des planètes. Son rôle est de mieux en mieux compris en géophysique interne, et surtout en géophysique externe, où les moyens actuels de mesure et de calcul conduisent à des prévisions météorologiques et océanographiques de plus en plus exactes et détaillées. L'extrême complexité des processus physiques, chimiques et biologiques en interaction et la grande variabilité des échelles temporelles et spatiales concernées limitent cependant encore la précision avec laquelle les grands cycles énergétiques et biogéochimiques peuvent être modélisés. Ainsi, si le réchauffement du climat par les rejets des gaz à effet de serre est une certitude, son amplitude n'est pas encore très exactement connue. La turbulence intervient enfin dans d'innombrables aspects de notre vie et de nos activités techniques, où elle est de mieux en mieux maîtrisée après plus d'un siècle de recherches théoriques et expérimentales, et des modélisations[...]

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Pour citer cet article

Fabien ANSELMET, Michel COANTIC et Gérard TAVERA. TURBULENCE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Turbulences : exemples de bifurcations - crédits : Encyclopædia Universalis France

Turbulences : exemples de bifurcations

Turbulence : exemple de tore T6 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Turbulence : exemple de tore T6

Turbulence : le système de Lorenz et la SCI - crédits : Encyclopædia Universalis France

Turbulence : le système de Lorenz et la SCI

Autres références

  • AÉRODYNAMIQUE

    • Écrit par Bruno CHANETZ, Jean DÉLERY, Jean-Pierre VEUILLOT
    • 7 226 mots
    • 7 médias
    Unevaleur très élevée du nombre de Reynolds entraîne une seconde difficulté liée au caractère turbulent de l'écoulement. 'Si on observe la couche limite qui se développe sur une plaque plane, on constate, lorsque le nombre de Reynolds augmente, que la structure de l'écoulement se désorganise, en passant...
  • AÉRONOMIE

    • Écrit par Gaston KOCKARTS
    • 4 157 mots
    • 11 médias
    ...concentrations diminuent avec l'altitude, leurs abondances relatives ne sont pas modifiées. Les phénomènes de brassage, tels que les vents, la convection et la turbulence, sont suffisamment rapides et importants pour que la composition volumique des constituants reste constante avec l'altitude. Notons, dès à présent,...
  • ATMOSPHÈRE - Thermodynamique

    • Écrit par Jean-Pierre CHALON
    • 7 607 mots
    • 7 médias
    ...ascendants et descendants, susceptibles de déclencher une instabilité conditionnelle présente très loin du lieu où elles ont été produites. Elles peuvent aussi provoquer defortes turbulences, parfois qualifiées de « trous d’air », qui sont particulièrement inconfortables pour les transports aériens.
  • BERGÉ PIERRE (1934-1997)

    • Écrit par Louis BOYER, Monique DUBOIS-GANCE, Yves POMEAU
    • 831 mots
    • 1 média

    Pierre Bergé, chercheur et expérimentateur talentueux, fut un grand physicien dans le domaine de la matière condensée. Originaire de Pau, il fit ses études supérieures à l'École centrale de Nantes. Toute sa carrière de physicien fut effectuée au Commissariat à l'énergie atomique, centre d’études de...

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Voir aussi