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PHÉNICIENS

Les Phéniciens sont un peuple sémitique dont le pays fut ouvert à de multiples influences. Leur civilisation présente pourtant des aspects originaux : activité commerciale et maritime, goût des grandes explorations, découverte de l'alphabet. Les auteurs anciens (Homère, Hérodote, Philon de Byblos) ne donnent des Phéniciens qu'une idée superficielle et souvent défavorable. Les fouilles archéologiques ont permis de progresser dans la connaissance de leurs villes, de leurs monuments, de leur art et même de la production courante de leurs ateliers. Les archives égyptiennes (lettres de Tell el-Amarna) et assyriennes décrivent leurs rapports avec les empires continentaux, tandis que les textes d'Ougarit révèlent des choses ignorées : une écriture alphabétique dès le xive siècle avant J.-C., toute une documentation diplomatique et juridique, et surtout une religion et des mythes propres.

— Paul PETIT

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Du fait des mouvements de colonisation mais aussi des pratiques commerciales, guerrières et artistiques de l'époque, l'art des Phéniciens déborde le cadre de leurs cités – Tyr, Sidon, Byblos, Arwad... – et couvre une aire géographique immense qui s'étend de l'Assyrie aux confins occidentaux de la Méditerranée. En Orient, au Bronze récent, il se fond dans une culture régionale dont on a du mal à l'isoler, ce qui restreint son histoire à la période qui va de la libération des cités phéniciennes du joug égyptien jusqu'à leur soumission à Alexandre, c'est-à-dire, pratiquement, de la grande césure de 1200 qui marque au Proche-Orient les invasions des Peuples de la Mer jusqu'à l'époque hellénistique. En Occident, il n'est saisissable qu'entre le viiie et, au mieux, le milieu du vie siècle, date à partir de laquelle les cultures punique et phénicienne superposées ne peuvent souvent plus être dissociées. Cette circonstance, jointe au caractère éclaté et lacunaire de la documentation et à la confusion entretenue aux viiie et viie siècles par l'existence d'une mode orientalisante – que, par leur commerce, les Phéniciens ont du reste contribué à faire naître –, explique que leur art est encore bien difficile à cerner.

Le pays et son histoire

La côte phénicienne

Il n'y a pas de Phénicie à proprement parler, mais une côte phénicienne, qui commence au sud du mont Carmel et se poursuit vers le nord jusqu'au-delà d'Ougarit, près du golfe d'Issos. C'est une bande côtière, aux plaines rares et étroites (plaine de Simyra, arrière-pays de Sidon et de Tyr), serrées entre la mer à l'ouest et les chaînes du Liban et des monts Nozaïriens à l'est. Les fleuves sont torrentiels et irréguliers, et leurs vallées, qui débouchent près des villes (Simyra, Byblos, Bérytos, Sidon et Tyr), sont isolées les unes des autres par des éperons descendant vers la mer, ce qui favorise le particularisme et interdit l'unité politique. Le climat est très chaud et sec dès le mois d'avril, l'été torride, l'hiver soumis à des pluies dévastatrices qu'autrefois sans doute les belles forêts de cèdres rendaient moins dangereuses. Le sol calcaire est souvent médiocre, le sous-sol pauvre. Mais la côte, avec ses promontoires et ses îlots proches des rivages, a fait la fortune des ports bien abrités et heureusement situés par rapport aux pays riches et civilisés qu'étaient alors l'Asie Mineure, la Grèce égéenne, la Crète et l'Égypte.

L'histoire

Les Phéniciens, dont le nom grec (Φόινικες) signifierait le « peuple des palmiers » (phénix), sont des Sémites, apparentés aux Araméens et surtout aux Cananéens. Leur origine est controversée, comme celle de tous les Sémites, peuples du désert, venus sans doute de l'Arabie, en passant probablement par la Mésopotamie et la Syrie du Nord. La côte, habitée déjà aux temps préhistoriques, est sémitisée dès le IIIe millénaire, mais très tôt également soumise à de nombreuses influences qui resteront l'une des constantes essentielles de son histoire : celle de l'Égypte, sensible à Byblos dès l'Ancien Empire et très forte au milieu du IIe millénaire (de la XIIe à la XVIIIe dynastie), celle des Sémites installés en Mésopotamie, celle des États asiatiques (Hourrites, Mitanniens, Hittites), celle enfin des peuples de la mer Égée, Crétois et Mycéniens, particulièrement sensible au nord.

-1000 à -600. Le fer et les cavaliers - crédits : Encyclopædia Universalis France

-1000 à -600. Le fer et les cavaliers

Pendant le IIe millénaire, Ougarit semble avoir formé un État puissant et bien organisé (chancellerie et archives), tandis que végètent les autres villes que se disputent Égyptiens et Hittites, la mer étant alors dominée par les Crétois et les Mycéniens. Le second chapitre de cette histoire, mieux connu, s'ouvre lorsque les Empires entrent en décadence, secoués par l'invasion des Peuples de la mer (qui détruisent Ougarit) et réduits à la défensive. Entre le xe et viiie siècle, qui voit grandir le danger assyrien, c'est l'apogée. Les villes se répartissent en trois groupes, celui d'Arwad-Simyra au nord, celui de Byblos, Bérytos, Sidon au centre, et celui de Tyr au sud, et vivent sous l'autorité de dynasties locales et parfois de gouverneurs (suffètes), assistés de conseils d'anciens et de riches. L'absence (temporaire) de péril extérieur leur laisse le loisir de se combattre entre elles, et les deux métropoles de Sidon et de Tyr se constituent pour un temps d'assez vastes zones d'influence. Les Grecs donnaient aux Phéniciens le nom de Sidoniens, ce qui est significatif, et les rois de Tyr entretenaient des rapports avec la monarchie d'Israël, parvenue à son apogée à la même époque et pour les mêmes raisons. Mais les Assyriens arrivent ; dès 876, plusieurs villes paient tribut, et cette dépendance, coupée de révoltes, s'aggrave au viiie siècle, sous Téglatphalazar III, Salmanazar, Sargon II et Sennachérib. Sidon fut détruite par Asarhaddon en 678, les autres villes se résignèrent, sauf Tyr, assiégée plusieurs fois, toujours en vain. La Phénicie, disputée ensuite entre les Babyloniens (Nabuchodonosor) et les Saïtes de l'Égypte, devint sous les Perses une satrapie. La flotte servit fidèlement ses maîtres durant leurs luttes contre les Grecs, et finalement Alexandre, après avoir soumis les autres cités, s'empara de Tyr en 332, après un long siège. Désormais, l'histoire phénicienne se confond avec celle du monde hellénistique.

Les grandes villes

Ougarit, aujourd'hui Ras Shamra, en Syrie, au nord de Lattaquié, avec son port ancien de Minet el-Beïda, fut longuement fouillée par les savants français, sous la direction de C. F. A. Schaeffer, depuis 1929. Son apogée se place dans la seconde moitié du IIe millénaire, au temps du Nouvel Empire égyptien et des Hittites, avec lesquels sont échangées d'importantes correspondances. Ses grands rois sont contemporains d'Aménophis IV (Ammistamrou Ier), de Soupilouliouma (Niqmad II), de Hattousil III (Ammistamrou III). Outre les textes diplomatiques et juridiques, les fouilles ont révélé d'importants écrits religieux et les fondations d'un vaste palais de type mycénien (cour centrale, nombreuses pièces et bâtiments pour les archives). La ville joua le rôle d'un emporion ouvert à toutes les influences, où semblent avoir vécu longtemps des immigrés achéens et hittites. Elle fut brutalement détruite peu après 1200 par les Peuples de la mer.

Byblos, appelée aussi Gebeil, à 40 kilomètres au nord de Beyrouth, s'ouvrit très tôt à l'Égypte, qui en recevait, depuis la IIe dynastie, le bois des cèdres du Liban. Son apogée se place entre 2000 et 1500. Les fouilles, conduites par P. Montet et M. Dunand, ont mis au jour des sanctuaires (temples d'Astarté et de Reschef), des hypogées et de nombreux monuments funéraires.

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Sidon, aujourd'hui Saïda, au sud de Beyrouth, passe pour plus ancienne que Tyr et fut puissante jusqu'au Ier millénaire. Passée ensuite sous la dépendance de Tyr, ravagée en 678, elle connut sous les Perses une seconde période de prospérité, avec toute une dynastie royale.

Tyr, à 75 kilomètres au sud de Beyrouth, fut longtemps imprenable sur son île, jusqu'à ce que la construction d'une digue par Alexandre l'ait reliée à la côte. Devenue après 1200 la principale ville phénicienne, elle fonda de nombreuses colonies et son roi, Hiram Ier, fut l'ami de Salomon. Plus tard, la princesse Jézabel épousa Achab, roi d'Israël. Sous les Assyriens, la ville décline lentement, mais conserve son indépendance. Son port, très bien construit, fut révélé par les travaux du père Poidebard (1934-1936).

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Écrit par

  • : docteur en archéologie, membre du groupe de recherche 989 du C.N.R.S.
  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Grenoble

Classification

Médias

-1000 à -600. Le fer et les cavaliers - crédits : Encyclopædia Universalis France

-1000 à -600. Le fer et les cavaliers

Navire marchand phénicien - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Navire marchand phénicien

Autres références

  • ALGÉRIE

    • Écrit par , , , et
    • 41 845 mots
    • 25 médias
    ...vestiges préhistoriques (Ternifin, Machta al ‘Arbi) et que la protohistoire y enregistre l'existence d'une fruste civilisation berbère, en fait l'histoire du Maghreb central commence à l'arrivée des Phéniciens dont la civilisation s'inscrivit la première dans les villes et laissa des traces écrites.
  • BAAL

    • Écrit par
    • 853 mots

    Divinité adorée dans de nombreuses communautés du Proche-Orient antique, spécialement par les Cananéens, qui semblent en avoir fait un dieu de la fertilité. Le terme sémitique baal (en hébreu, ba‘al) signifiait « possesseur » ou « seigneur », bien qu'on ait pu l'utiliser de façon plus...

  • CARTHAGE

    • Écrit par , , et
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    • 5 médias

    Fondée par les Phéniciens au ixe siècle avant Jésus-Christ selon les uns, au viiie selon les autres, Carthage tira longtemps sa prospérité de ses relations commerciales avec les divers peuples de l'Afrique septentrionale et de la Méditerranée occidentale.

    Ses tentatives d'expansion territoriale...

  • CÉSARÉE, Israël

    • Écrit par
    • 574 mots
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    Ville de la côte palestinienne, située à 45 kilomètres au nord de l'actuelle Tel-Aviv, à 12 kilomètres au sud de Dor. Cette ville fut d'abord une forteresse-entrepôt phénicienne au milieu de la plaine côtière du Sharon ; à l'époque perse, cette plaine est rattachée au royaume...

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