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ORIGINE DE LA VIE

De tout temps, l'homme a été intrigué par son origine, et cela l'a conduit à s'interroger sur l'origine de la vie. Pendant des millénaires, il aborda le problème selon une pensée qui l'empêchait d'y voir autre chose que la génération spontanée. Ainsi, dans la Chine ancienne, on croyait que les bambous généraient des pucerons ; les écrits sacrés de l'Inde mentionnent la naissance de mouches à partir d'ordures et de sueur ; les inscriptions babyloniennes font état de vers engendrés par la boue des canaux ; dans l'Égypte antique, on pensait que du limon déposé par le Nil pouvaient naître grenouilles et crapauds. Bien que partant d'observations réelles – la présence d'animaux dans différents milieux –, ces civilisations furent incapables d'en donner une interprétation correcte, faute de recourir à la vérification expérimentale.

Pour les philosophes grecs, la vie est propriété même de la matière ; elle est éternelle et apparaît spontanément chaque fois que les conditions sont propices. Ces idées transparaissent clairement dans les écrits de Thalès, de Démocrite, d'Épicure, de Lucrèce, et même dans ceux de Platon. Aristote réalise la synthèse des idées développées avant lui et érige la génération spontanée en véritable théorie. Celle-ci traverse allègrement le Moyen Âge et la Renaissance ; de grands penseurs comme Newton, Descartes et Bacon la soutiennent. C'est au milieu du xviie siècle que sont effectuées les premières expériences sur la génération spontanée. Jan Baptist Van Helmont, un médecin flamand, prétendit obtenir des souris avec des grains de blé et une chemise imprégnée de sueur humaine. Menées sans réel esprit critique, ces expériences renforcèrent cette idée fausse au lieu de la remettre en cause.

Les premières véritables expériences scientifiques furent effectuées par François Redi, un médecin naturaliste toscan. Dans son traité de 1668, il démontre que les asticots n'apparaissent pas dans la viande en putréfaction lorsque l'on prend la précaution de recouvrir les bocaux qui en contiennent d'une très fine mousseline. Six ans après la parution de ce traité, le savant hollandais Antoine van Leeuwenhoek effectue les premières observations de micro-organismes à travers un microscope de sa fabrication. Dès lors, on découvre des micro-organismes partout. Les adeptes de la génération spontanée trouvent là un nouveau champ d'application pour leurs idées.

En 1718, Louis Joblot démontre expérimentalement que les micro-organismes résultent d'une contamination par l'air ambiant. Il ne réussit pas à convaincre les naturalistes, qui considéraient le monde des micro-organismes comme le bastion le plus significatif de la génération spontanée. Même Buffon, au milieu du xviiie siècle, pense que la nature est pleine de germes de vie capables de s'éparpiller lors du pourrissement puis de s'unir pour produire des microbes. John Needham, l'ami gallois de Buffon, chauffe différentes substances organiques dans une fiole hermétiquement close pour les stériliser. Après traitement, toutes les solutions foisonnent de microbes. L'abbé italien Lazzaro Spallanzani reprend les expériences de Needham en portant les solutions à des températures plus élevées : il détruit les micro-organismes. Une vive polémique s'engage alors sur l'effet de la température. Spallanzani n'arrivera cependant pas à faire accepter l'interprétation scientifique. Une fois encore, la croyance très ancienne en une force vitale l'emporte sur la démonstration expérimentale rigoureuse.

Cette controverse va atteindre son apogée un siècle plus tard avec la publication, en 1860, du traité de Félix Pouchet. Dans cet ouvrage, l'auteur développe une théorie de la génération spontanée étayée par de nombreux exemples[...]

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Pour citer cet article

André BRACK. ORIGINE DE LA VIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ORIGINE DE LA VIE : L'HYPOTHÈSE OPARINE-HALDANE

    • Écrit par Stéphane TIRARD
    • 2 541 mots
    • 2 médias

    Au début du xxe siècle, la réflexion scientifique sur les origines de la vie est orientée vers l’hypothèse d’une évolution progressive de la matière inerte produisant des structures vivantes préfigurant les cellules et sujettes à l’évolution biologique. Les premières propositions allant dans ce sens...

  • ARCHÉEN

    • Écrit par Hervé MARTIN
    • 3 036 mots
    • 5 médias
    Sil'on ne connaît pas avec précision la date de l'apparition de la vie, il est certain que celle-ci s'était déjà bien développée à l'Archéen. Les plus anciennes traces de vie reconnues à ce jour de manière indubitable sont les stromatolithes de North Pole, dans le craton...
  • ARGILES

    • Écrit par Daniel BEAUFORT, Maurice PAGEL
    • 2 654 mots
    • 7 médias
    L'origine de la vie pourrait se trouver dans les propriétés catalytiques des surfaces des minéraux argileux qui auraient favorisé la polymérisation de molécules organiques complexes capables de donner naissance à des structures moléculaires aussi complexes que l'ARN. Les phyllosilicates...
  • ARN (acide ribonucléique) ou RNA (ribonucleic acid)

    • Écrit par Marie-Christine MAUREL
    • 2 772 mots
    • 2 médias
    Le scénario évolutif en question postule l'existence passée d'un ARN primitif, ancêtre moléculaire de toute forme de vie, capable de mettre en œuvre les fonctions essentielles des acides nucléiques, et des protéines contemporaines, lors d'une étape clé de l'histoire du vivant.
  • BIOLOGIE - L'être vivant

    • Écrit par Universalis, Andrée TÉTRY
    • 5 069 mots
    • 1 média
    de l’origine de la vie a toujours suscité la passion. Longtemps apparemment réglée par l’affirmation d’une création divine, du moins en Occident, entretenue par l’idée aristotélicienne de génération spontanée, elle n’est abordée scientifiquement que depuis le xviie siècle. Dans...
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