MOYEN ÂGELa pensée médiévale
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De la sémiotique à la psychologie
Comme la théorie thomiste de la figura, la théorie ockhamiste des intentiones animae est l'application d'un modèle originairement sémiotique : une intention première est une « occurrence mentale » et un « acte d'intellection signifiant naturellement des choses singulières qui ne sont pas des signes » (res quae non sunt signa) ; une intention seconde (par exemple, un « universel » logique) est « un acte d'intellection signifiant une intention première ». L'intentio prima n'étant pas une chose au sens de la substance, on ne peut l'appeler une chose-signe ; toutefois, c'est bien une chose au sens où, les qualités d'une substance étant de l'« être réel », les intentions premières qui « existent subjectivement dans l'intellect » ne sont pas des « fictions » ou des êtres de raison mais de « vraies qualités » et donc « quelque chose dans l'âme », aliquid in anima. La structure thomasienne res, res-signum, signum se retrouve ainsi sous la forme d'une nouvelle triade res, aliquid (in anima)-signum qui peut se répliquer. À suivre les divers emplois d'un même outil conceptuel, la théorie augustinienne des res et des signa, on voit donc se mettre en place les éléments d'une autre histoire, latente, transversale, dont les continuités et les ruptures sont masquées par les différences des domaines d'application (exégèse, psychologie).
Du même coup, la notion d'« innovation » trouve son vrai sens. La nouveauté ockhamiste est à la fois relative – l'outil, c'est-à-dire la distinction res-signa, existait avant elle et il avait été employé avant elle (comme en témoignent, en théologie, la théorie thomasienne de la figure, en psychologie, la théorie baconienne de la connotation) – et absolue : Ockham est le seul à lui donner un rôle fondateur et quasi universel. En même temps, on voit que l'existence de deux conceptions médiévales du signe, l'une aristotélicienne, l'autre stoïcienne, n'apparaît pas d'emblée si l'on suit la seule découpe des genres littéraires et des périodes. On l'a dit, la plupart des sommes de logique du xiiie siècle réécrivent le cor [...]
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Écrit par :
- Alain de LIBERA : agrégé de philosophie, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses), chaire histoire des théologies chrétiennes dans l'Occident médiéval
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Pour citer l’article
Alain de LIBERA, « MOYEN ÂGE - La pensée médiévale », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 03 février 2021. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/moyen-age-la-pensee-medievale/