MOYEN ÂGELa pensée médiévale
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Grammaire, logique et théologie
Contrairement à ce que suggère le mot d'ordre bonaventurien de reductione artium ad theologiam, l'interdépendance des disciplines, tout particulièrement des arts du langage et de la théologie, ne signifie pas que la logique médiévale n'ait eu qu'une fonction de « servante » (philosophia ancilla theologiae). Au vrai, la réflexion théologique est si peu coupée de la sémantique philosophique qu'elle fait même partie de son histoire. On sait que l'un des principaux apports des summulae logicales du xiiie siècle est d'offrir une description du fonctionnement sémantique des termes catégorématiques pris dans des contextes propositionnels variés. Cette démarche a été décrite comme une « approche contextuelle » (L. M. De Rijk), mais elle résulte d'une interaction et d'une interpénétration plus générale que celle qui lierait seulement la théorie logique de la référence avec les théories grammaticales de la signification formulées au xiie siècle : la spéculation théologique sur les problèmes de sémantique trinitaire y joue un rôle tout aussi important. De fait, c'est bien sur ce terrain que s'est formée la notion clé de la logique scolastique : la suppositio termini. En d'autres mots : la doctrine trinitaire des médiévaux est non seulement imprégnée de sémantique, elle est productrice de sémantique ; ce qui revient à dire que la rationalité religieuse produit de la rationalité tout court. Au fondement de la sémantique moderne et des diverses moutures de la distinction frégéenne entre Sinn et Bedeutung, il y a un usage théologique d'une notion de « supposition » liée à l'analyse de la signification en signification première et signification secondaire. Dès le xiie siècle, les théologiens s'accordent à dire que le mot persona « suppose » ou « signifie à titre premier » chacune des trois Personnes de la Trinité et qu'il « consignifie » ou « connote » l'essence divine commune aux trois Personnes. La Personne trinitaire étant désignée du nom latin de suppositum, équivalent exact de la notion grecque d'hypostas [...]
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Écrit par :
- Alain de LIBERA : agrégé de philosophie, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses), chaire histoire des théologies chrétiennes dans l'Occident médiéval
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Pour citer l’article
Alain de LIBERA, « MOYEN ÂGE - La pensée médiévale », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 12 avril 2021. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/moyen-age-la-pensee-medievale/