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CONCURRENCE, droit

Règles de fond

La concurrence peut être supprimée, restreinte ou faussée par l'action commune d'entreprises qui, tout en conservant leur indépendance juridique et économique, s'engagent les unes envers les autres à observer dans la production, l'approvisionnement, la vente ou les prestations de services certains comportements concertés ; elle peut l'être aussi soit par la monopolisation ou la quasi-monopolisation d'un marché par une entreprise ou un groupe d'entreprises, soit par l'exploitation abusive de la puissance économique que confère à l'entreprise sa croissance interne (par développement sur ressources propres) ou externe (par regroupement). Dans le premier cas, on est en présence d'une entente (ou cartel) ; dans le second, selon que l'on considère la formation (par croissance externe, ce qui est le cas le plus fréquent) du monopole ou de la puissance économique exceptionnelle, ou seulement le comportement de l'entreprise ou du groupe d'entreprises alors qu'ils se trouvent déjà dans cette situation, on rencontrera soit la concentration d'entreprises, soit, selon la terminologie européenne, l'abus de domination intégrant l'abus de position dominante et l'abus de dépendance économique.

Les ententes

Formes juridiques

L'entente entre des entreprises peut se réaliser et se manifester par des moyens juridiques fort divers. Aux États-Unis, après la guerre de Sécession, elle a utilisé souvent le trust, institution aussi vénérable qu'originale de la common law, remontant à l'époque où le chevalier partant pour la croisade confiait sa fortune à un ami, qui en devenait légalement propriétaire mais était tenu par l'obligation (à l'origine seulement morale) de la conserver, et de n'en utiliser les revenus ou de n'en disposer que conformément à la volonté de l'absent. Plus prosaïquement, les entreprises américaines qui entendaient coordonner leurs comportements sur le marché (ou y étaient contraintes) remettaient les actions représentant leur capital à la plus puissante d'entre elles, qui pouvait désormais, comme trustee, exercer sur toutes les droits d'un propriétaire.

Poussée jusqu'à ce point, la coordination des comportements touchait la structure des entreprises, si bien qu'elle permettait, au-delà de l'entente, une véritable concentration ; c'est en tout cas cette technique qui, expressément visée par la loi Sherman, devait donner son nom à la « législation antitrust ».

Mais l'entente proprement dite emprunte bien d'autres formes juridiques. La loi Sherman vise « every contract, combination [...] or conspiracy » (« tout contrat, toute association [...] ou toute entente »). L'article 101 du T.F.U.E., archétype des textes européens, s'applique à « tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées ». On notera seulement que, dans ce dernier texte, la mention des « pratiques concertées » coupe court à d'éventuelles exigences quant à la preuve de l'entente, sans pour autant écarter la nécessité d'une concertation entre les entreprises qui se livrent à ces pratiques, comme l'atteste la précision du texte allemand (verabredeten Praktiken). Le législateur français a probablement mieux exprimé la diversité des moules juridiques dans lesquels l'entente peut se couler, ainsi que la nécessité d'en permettre la preuve par tous moyens, en englobant dans la prohibition de principe « les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites, ou coalitions » entraînant une restriction de concurrence. Mais, de toute manière, on peut affirmer que les législations contemporaines n'attachent pas une importance déterminante à la nature de l'instrument juridique choisi par les entreprises[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d'économie à l'université de Paris-IX-Dauphine
  • : professeur à l'université de Paris-II, président honoraire
  • : professeur à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas, directeur de l'Institut de droit comparé de Paris

Classification

Pour citer cet article

Alain BIENAYMÉ, Berthold GOLDMAN et Louis VOGEL. CONCURRENCE, droit [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AVOCAT

    • Écrit par Claude MICHEL
    • 7 342 mots
    Le droit de la concurrence est une des bases du traité de Rome. Il s'applique à toutes les activités, sans secteur protégé. L'activité des professions libérales est considérée comme une entreprise, quel qu'en soit le statut juridique. Le traité consacre encore la liberté d'établissement et le principe...
  • BOYCOTTAGE

    • Écrit par Universalis, Berthold GOLDMAN
    • 4 926 mots
    • 1 média
    ...travers le refus de vente, qui en est une manifestation courante, mais ne lui est pas entièrement coextensif (législation française). De manière générale, les dispositions qui prohibent les ententes anticoncurrentielles, les pratiques discriminatoires et les abus de puissance économique (ou de « position...
  • BREVET D'INVENTION

    • Écrit par Jacques AZÉMA, Bernard EDELMAN, Michel VIVANT
    • 10 776 mots

    Le brevet d'invention constitue un moyen juridique permettant de protéger les résultats de la recherche scientifique et technique. La protection des résultats de la recherche apparaît comme une condition à son existence. On ne saurait en effet imaginer une progression technologique sans un instrument...

  • CHRISTIE'S & SOTHEBY'S

    • Écrit par Alain QUEMIN
    • 2 851 mots
    ...services. Sommé par Bruxelles de se mettre, en matière de marché de l'art, en conformité avec le traité, le gouvernement français a dû revoir sa position. Les rapports successifs rendus aux pouvoirs publics par les commissions Chandernagor puis Aicardi n'ont pu ignorer l'ouverture du marché français à la...
  • Afficher les 13 références

Voir aussi