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CARAVAGE (vers 1571-1610)

Caravage et l'humanisme chrétien

<it>La Mort de la Vierge</it>, Caravage - crédits :  Bridgeman Images

La Mort de la Vierge, Caravage

Caravage est fondamentalement un peintre religieux et il ne rompt nullement avec la tradition de la Renaissance : Le Martyre de saint Matthieu, qui est presque un manifeste de savoir-faire, témoigne de sa virtuosité maniériste par le jeu avec les figures types, le contraposto, la complexité de l'espace. Mais son art vise autre chose ; il est véritablement humaniste, chrétien et tragique. Dans la traduction plastique des idéaux de la Réforme catholique selon saint Charles Borromée et saint Philippe Néri, il raconte la tragédie de l'Incarnation, celle de Dieu dans l'histoire, du Christ dans l'humanité souffrante, de l'âme éprise de lumière dans l'opacité du monde, de l'espace et du temps. Une telle pensée tend naturellement à voir la sanctification du monde, à déceler la présence du sacré dans l'objet le plus humble. Caravage invite à cette forme de religiosité affective et met au point un langage pour l'exprimer. Certains de ses procédés seront repris plus tard par les artistes baroques. La corbeille de fruits des Pèlerins d'Emmaüs (1601, National Gallery, Londres) est au bord de la table, elle partage notre espace comme le tabouret qui bascule sous saint Matthieu (Saint Matthieu et l'ange, Saint-Louis-des-Français, Rome). Cet art cependant n'est pas réaliste, il reste profondément tributaire de la tradition humaniste qui voit l'incarnation de la forme dans la nature sensible. Mais il rejette cependant tout savoir intellectuel et prétend exprimer le monde dans sa langue propre qui refuse le décorum classique, la hiérarchie entre les sujets nobles et les sujets bas. Ce refus de la rhétorique traditionnelle est parfaitement cohérent avec l'expression religieuse : La Mort de la Vierge (Louvre, Paris) en est l'un des plus profonds témoignages. Ce recours au langage quotidien, on a pu le comparer à l'émancipation des langues vulgaires par rapport à l'humanisme latin : Caravage est contemporain de Montaigne, Shakespeare et Cervantès.

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Pour citer cet article

Arnauld BREJON DE LAVERGNÉE et Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE. CARAVAGE (vers 1571-1610) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Narcisse, Caravage - crédits : Pirozzi/ AKG-images

Narcisse, Caravage

<it>Saint Jérôme</it>, Caravage - crédits : Electa/ AKG-images

Saint Jérôme, Caravage

Bacchus, Caravage - crédits : 	Mondadori Portfolio/ Getty Images

Bacchus, Caravage

Autres références

  • CARAVAGE. LES DERNIÈRES ANNÉES (exposition)

    • Écrit par Alain MADELEINE-PERDRILLAT
    • 994 mots

    Caravage est l'un des peintres les plus suivis (au sens quasi médical du mot) par les historiens de l'art. Sans parler des livres de vulgarisation ni de l'énième récit romançant sa vie, pas une année ne passe qui n'apporte sa moisson de documents inédits et d'ouvrages ou d'articles érudits sur sa carrière...

  • PEINTURES DE LA CHAPELLE CONTARELLI, CARAVAGE (Rome)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 254 mots
    • 1 média

    Caravage, né à Milan, s'était formé dans la capitale lombarde auprès d'un peintre maniériste avant de s'installer à Rome en 1592, où le cardinal Contarelli lui commanda, sans doute en 1598, la décoration de la chapelle dédiée, dans l'église Saint-Louis des Français, à son saint...

  • BIOGRAPHIES D'ARTISTES

    • Écrit par Martine VASSELIN
    • 2 389 mots

    La vie d'artiste est un genre littéraire d'une grande ancienneté, abondamment illustré depuis la Renaissance. On en fait remonter l'origine aux commentateurs de Dante qui ont élucidé et développé la mention lapidaire des noms de Cimabue et de Giotto insérée dans la Divine...

  • COLLECTIONNISME

    • Écrit par Olivier BONFAIT
    • 11 945 mots
    • 23 médias
    Le développement du collectionnisme en Italie autour de 1600 permet à Caravage de pouvoir vivre de sa création, même quand le tableau est refusé par le commanditaire religieux : Vincenzo Giustiniani acquiert la première version de Saint Matthieu et l'ange ; La Mort de la Vierge est achetée...
  • GENTILESCHI ORAZIO (1563-1639)

    • Écrit par Universalis
    • 388 mots

    Peintre italien baroque né en 1563 à Pise, mort vers 1639 à Londres.

    Orazio Gentileschi, de son vrai nom Orazio Lomi, étudie tout d'abord la peinture avec son demi-frère, Aurelio Lomi. Vers 1585, il se rend à Rome où, entre 1590 et 1600, en compagnie du peintre paysagiste Agostino Tassi,...

  • HONTHORST GERRIT VAN, dit GÉRARD DE LA NUIT (1590-1656)

    • Écrit par Jean-Marie MARQUIS
    • 300 mots
    • 2 médias

    Nommé en Italie Gherardo della Notte (Gérard de la Nuit), Gerrit van Honthorst est l'un des rares peintres hollandais du xviie siècle à avoir connu une grande carrière internationale. C'est principalement à son caravagisme militant aux Pays-Bas qu'il doit son actuelle réputation....

  • Afficher les 13 références

Voir aussi