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CARAVAGE (vers 1571-1610)

Les dernières années de Caravage

À partir de mai 1606, la vie du peintre est largement occupée par les voyages : en 1607, premier séjour à Naples ; en 1608, il est dans l'île de Malte où il travaille pour les chevaliers de l'Ordre ; à la fin de 1608 et en 1609, il séjourne à Syracuse, Messine et Palerme ; en octobre 1609, second séjour à Naples ; en juillet 1610, alors que l'artiste est en route pour la Ville éternelle, c'est la mort tragique sur une plage, à Porto Ercole.

Les deux séjours de Caravage à Naples furent fondamentaux pour le développement de la peinture napolitaine du xviie siècle : Les Sept Œuvres de miséricorde (1607, Pio Monte della Misericordia) et La Madone du rosaire (Kunsthistorisches Museum, Vienne) se rattachent encore, du point de vue du style, à la période précédente, mais les créations postérieures, plus sévèrement construites, plus austères, témoignent de nouvelles recherches. L'espace vide qui envahit la toile, la recherche de monochromie, l'emploi de demi-teintes, la technique lâche traduisent une nouvelle spiritualité. Dans le renoncement progressif au décorum, Caravage ne meuble plus les parties hautes de ses tableaux de grandes draperies rouges comme dans La Mort de la Vierge ou dans La Madone du rosaire ; le vide qui surplombe les personnages de La Résurrection de Lazare (1609, Musée national, Messine) et de L'Enterrement de sainte Lucie (1608, Sainte-Lucie, Syracuse) ou les acteurs de La Décollation de saint Jean-Baptiste (1608, cathédrale Saint-Jean, La Valette) exprime l'angoisse des acteurs et la tragédie qu'ils vivent. Le changement de palette est radical. Caravage ne s'exprime plus qu'avec des rouges et des bruns ; la base de sa gamme colorée est la couleur de la terre, l'ocre dans une grande variété de tons, depuis le brun-rouille foncé jusqu'au jaune-bronze clair. Les bergers de L'Adoration de Messine (1609, Musée national de la ville) semblent « comme coulés dans le bronze » (Longhi). Le peintre utilise aussi, avec une étonnante économie de moyens, la première couche de peinture disposée sur la toile, la préparation, en s'en servant dans les parties claires pour marquer l'ombre et dans les noirs pour suggérer des effets de lumière. Cette utilisation de la préparation pour obtenir certains effets est on ne peut plus novatrice ; elle avait été décelée par Bellori, et Malvasia, plus critique, jugeait ainsi le procédé : « Le Caravage masque ses défaillances techniques sous un voile sombre » ! Le clair-obscur contrasté des œuvres de la jeunesse et de la maturité cède la place à une lumière feutrée qui ne cherche plus à lutter avec l'obscurité qui envahit les figures. La technique picturale enfin est libre, relâchée même : poursuivi par des juges impitoyables, Caravage peint dans la hâte et l'anxiété.

L'Annonciation (musée de Nancy) fut peinte en 1608-1609 par Caravage pour le duc Henri de Lorraine à Nancy. Le duc, qui régna sur la Lorraine de 1608 à sa mort en 1624, destinait ce tableau d'autel à l'église primatiale de sa ville. Il avait épousé, en 1606, Marguerite de Gonzague, sœur du cardinal Ferdinand. Les historiens d'art datent L'Annonciation vers 1608-1610, c'est-à-dire à la fin du séjour à Malte ou durant le second séjour napolitain de l'artiste lombard.

À cette époque de sa vie, Caravage donne une plus grande intériorité à ses personnages ; il reprend la tradition médiévale de la « Vierge humble » ; en accord avec cette iconographie, les objets de la vie quotidienne situés dans le tableau sont, eux aussi, sans éclat (la simple chaise paillée, la corbeille, le linge, le lit). L'artiste a d'autre part contracté dans le temps les principaux épisodes du récit, en donnant en contemporanéité le moment central de l'événement pour chacun des deux protagonistes (Cinotti).[...]

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Pour citer cet article

Arnauld BREJON DE LAVERGNÉE et Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE. CARAVAGE (vers 1571-1610) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Narcisse, Caravage - crédits : Pirozzi/ AKG-images

Narcisse, Caravage

<it>Saint Jérôme</it>, Caravage - crédits : Electa/ AKG-images

Saint Jérôme, Caravage

Bacchus, Caravage - crédits : 	Mondadori Portfolio/ Getty Images

Bacchus, Caravage

Autres références

  • CARAVAGE. LES DERNIÈRES ANNÉES (exposition)

    • Écrit par Alain MADELEINE-PERDRILLAT
    • 994 mots

    Caravage est l'un des peintres les plus suivis (au sens quasi médical du mot) par les historiens de l'art. Sans parler des livres de vulgarisation ni de l'énième récit romançant sa vie, pas une année ne passe qui n'apporte sa moisson de documents inédits et d'ouvrages ou d'articles érudits sur sa carrière...

  • PEINTURES DE LA CHAPELLE CONTARELLI, CARAVAGE (Rome)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 254 mots
    • 1 média

    Caravage, né à Milan, s'était formé dans la capitale lombarde auprès d'un peintre maniériste avant de s'installer à Rome en 1592, où le cardinal Contarelli lui commanda, sans doute en 1598, la décoration de la chapelle dédiée, dans l'église Saint-Louis des Français, à son saint...

  • BIOGRAPHIES D'ARTISTES

    • Écrit par Martine VASSELIN
    • 2 389 mots

    La vie d'artiste est un genre littéraire d'une grande ancienneté, abondamment illustré depuis la Renaissance. On en fait remonter l'origine aux commentateurs de Dante qui ont élucidé et développé la mention lapidaire des noms de Cimabue et de Giotto insérée dans la Divine...

  • COLLECTIONNISME

    • Écrit par Olivier BONFAIT
    • 11 945 mots
    • 23 médias
    Le développement du collectionnisme en Italie autour de 1600 permet à Caravage de pouvoir vivre de sa création, même quand le tableau est refusé par le commanditaire religieux : Vincenzo Giustiniani acquiert la première version de Saint Matthieu et l'ange ; La Mort de la Vierge est achetée...
  • GENTILESCHI ORAZIO (1563-1639)

    • Écrit par Universalis
    • 388 mots

    Peintre italien baroque né en 1563 à Pise, mort vers 1639 à Londres.

    Orazio Gentileschi, de son vrai nom Orazio Lomi, étudie tout d'abord la peinture avec son demi-frère, Aurelio Lomi. Vers 1585, il se rend à Rome où, entre 1590 et 1600, en compagnie du peintre paysagiste Agostino Tassi,...

  • HONTHORST GERRIT VAN, dit GÉRARD DE LA NUIT (1590-1656)

    • Écrit par Jean-Marie MARQUIS
    • 300 mots
    • 2 médias

    Nommé en Italie Gherardo della Notte (Gérard de la Nuit), Gerrit van Honthorst est l'un des rares peintres hollandais du xviie siècle à avoir connu une grande carrière internationale. C'est principalement à son caravagisme militant aux Pays-Bas qu'il doit son actuelle réputation....

  • Afficher les 13 références

Voir aussi