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BAROQUE

La musique baroque

Ce n'est pas sans quelque réticence que la musicologie française a accepté l'usage du qualificatif baroque pour désigner une époque musicale, celle qui s'étend entre la Renaissance et le romantisme. On ne parla longtemps que d'art classique des xviie et xviiie siècles. Si complexe soit-elle, l'évolution des styles qui commence à l'extrême fin du xvie siècle (Monteverdi) et se termine au milieu du xviiie (mort de Jean-Sébastien Bach), obéit pourtant à une unité. C'est ce que tente de signifier le concept de baroque musical, qui offre l'avantage de mieux distinguer, et donc de mieux appréhender, le phénomène artistique. Mozart, Haydn et Gluck ne sont plus rangés dans le même « classicisme » que Haendel, Couperin et Bach.

Un minimum de consensus s'avère indispensable pour que la communication s'établisse entre les chercheurs. Certes, les étiquettes sont loin de tout dire, et la richesse singulière des œuvres et des compositeurs fait éclater, à bon droit, les carcans trop durcis. Mais, à la suite de Manfred Bukofzer et de Friedrich Blume notamment, on s'accordera à analyser les particularités stylistiques majeures de ces cent cinquante années de vie musicale ouest-européenne, en distinguant trois périodes : le premier baroque, le baroque médian, le dernier baroque. Une étude plus approfondie nécessiterait une analyse des spécificités nationales de ces traits communs. Monteverdi n'est pas Lully, Purcell se distingue de François Couperin, Delalande ne sonne pas comme Vivaldi.

La naissance d'un style

C'est par opposition à l'écriture musicale de la Renaissance que naît progressivement la manière baroque. Dès 1922, Hans Joachim Moser a parlé d'un premier baroque (Geschichte der deutschen Musik, II) ; peu après, en 1928, Ernst Bücken publiait sa Musik des Barocks. Mais c'est Curt Sachs qui semble avoir appliqué ce terme de baroque à notre sujet. D'après Manfred Bukofzer, un des meilleurs historiens de ce style, on peut mettre en évidence quelques traits permettant de définir la nouvelle recherche par rapport à la façon traditionnelle d'écrire la musique. La Renaissance a prôné une pratique valable pour un style, quelle que soit la destination de l'œuvre musicale ; le baroque propose trois pratiques – musique d'église, musique de chambre, musique de théâtre – selon deux styles : le style ancien (celui de la Renaissance précisément) ou stile antico et le style nouveau (stile moderno). Alors que les grands compositeurs franco-flamands, depuis Guillaume Dufay jusqu'à Palestrina et Roland de Lassus, respectaient l'équivalence des voix dans la structure polyphonique, ce qui entraînait l'absence de récitatif et d'air, la musique nouvelle polarise l'attention sur les parties extrêmes – soprano et basse ; l'air et le récitatif apparaissent donc (même si l'un ou l'autre ne seront pas toujours confiés à la seule voix supérieure, mais chanteront occasionnellement à l'alto, au ténor, voire à la basse), et la voix grave, comme basse continue, devient le support de l' harmonie. Par opposition à des mélodies diatoniques de faible ambitus, le baroque va cultiver des mélodies chromatiques aussi bien que diatoniques de grand ambitus, avec des sauts d'intervalles parfois considérables, sinon ignorés en théorie, du moins fort peu pratiqués dans la manière de la Renaissance. Fille de la structure modale grégorienne, la musique de la Renaissance obéissait aux principes d'un contrepoint modal ; or, dès le premier baroque, l'attraction tonale va devenir le principe essentiel et ordonnateur du contrepoint. En conséquence, jusqu'à la fin du xvie siècle, l'harmonie se constitue à partir des intervalles mélodiques permis par la conduite des voix selon les règles du contrepoint[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Bordeaux-III-Michel-de-Montaigne
  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
  • : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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