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ANATOMIE ARTISTIQUE

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Recherches de la Renaissance et références à l'Antiquité

Les débats sur l'essence mathématique de la beauté, et sur ces rapports avec l'ordre du monde, reprennent à la Renaissance dans un climat de mysticisme néo-platonicien qui se suffisait pour ainsi dire à lui-même, et détournait les théoriciens d'investigations proprement empiriques. Dans cet univers quasi mystique, L. B. Alberti et Léonard de Vinci inaugurent un nouveau type d'enquête, une analyse déjà scientifique de la morphologie humaine. Alberti se constitue un système métrique qu'il appelle Exempeda et qui lui permet de patiemment commensurer les divers segments des corps reconnus beaux et dignes d'intérêt.

Pour sa part, Léonard, ayant accumulé une multitude de notations graphiques, entreprend une étude moins métrique que physiologique des corrélations qui unissent les diverses parties du corps. Cependant, A.  Dürer va plus loin qu'eux dans l'investissement purement anthropométrique. Il se crée un système très minutieux de mensurations proportionnelles, dont l'ultime élément, le Trümlein, inférieur au millimètre, est difficilement utilisable. Dürer renonce au demeurant à définir un canon idéal, mais est justement conduit à discriminer dans la variété inépuisable des corps plusieurs types. Dans ses Vier Bücher von menschlicher Proportion, imprimés à Nuremberg en 1528, il définit jusqu'à vingt-six combinaisons différentes. En fait, ses déterminations minutieuses préludaient à l'anthropométrie scientifique et s'éloignent de la pratique artistique.

C'est la mise en œuvre de la perspective illusionniste qui accapare l'attention des artistes de la Renaissance, depuis Masolino et Piero Della Francesca. La représentation correcte des corps dans un espace plan était un aussi rude problème, et plus urgent que la définition d'un canon corporel. Dürer a dû éprouver la nécessité de ce programme et s'est appliqué à la fin de sa carrière à développer des modèles stéréométriques ; ceux-ci devaient permettre le traitement perspectif de volumes organiques non susceptibles d'une définition géométrique simple. Cette inclusion de segments corporels dans des polyèdres, Lomazzo en attribue l'initiative à Foppa. On sait qu'elle sera pratiquée ensuite par Altdorfer, Holbein et Cambiaso. L'intention de mise en perspective apparaît clairement dans un ouvrage publié par E. Schön en 1538 à Nuremberg, Underweysung der Proportion und Stellung der Possen qui, par ailleurs, exhibe des schématisations graphiques d'attitudes.

On touche ici à la mise en œuvre de trucs d'atelier que l'imprimerie répand, schémas du squelette dans l'ouvrage de Lautensack, Des Circkels und Richtscheyts, auch der Perspectiva und Proportion der Menschen, publié en 1564, à Nuremberg, schémas de construction dans l'encyclopédie des formes vivantes publiée par Van de Passe à Amsterdam, en 1643, sous le titre de Luce del dipingere.

Pour cet auteur, la géométrisation des formes vivantes n'est pas une simple procédure auxiliaire, mais une reconnaissance, une lecture des lois naturelles. Le schéma renvoie au type qui est « providentiellement » constitué de formes euclidiennes.

La schématisation peut cependant être génératrice d'illusions et P. Camper n'a pas de mal, en 1794, à montrer, sur les exemples de têtes schématiques publiées par Preissller en 1734, que certains procédés systématiques de construction violent la correction anatomique.

La doctrine académique va bientôt chercher ses modèles dans la statuaire antique, H. Testelin proclame en 1670, dans les débats de l'Académie de peinture et de sculpture, que « l'étude des belles figures antiques est très nécessaire dans le commencement et même plus avantageuse que le naturel » ; et Dandré-Bardon, un siècle plus tard, recommandera[...]

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Pour citer cet article

Jacques GUILLERME. ANATOMIE ARTISTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Peinture du tombeau de Nebamon à Thèbes - crédits :  Bridgeman Images

Peinture du tombeau de Nebamon à Thèbes

Laocoon - crédits :  Bridgeman Images

Laocoon

L’Homme de Vitruve, Léonard de Vinci - crédits :  Bridgeman Images

L’Homme de Vitruve, Léonard de Vinci

Autres références

  • L'ATELIER D'INGRES, Eugène Emmanuel Amaury-Duval - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 026 mots
    • 1 média
    ...Le nouveau classicisme enseigné par le maître est fondé sur le culte de l'antique et la « vérité de la nature » traduite par le « style ». D'où les déformations anatomiques pratiquées par Ingres – la plus célèbre étant le dos « trop long » de l'odalisque (musée du Louvre) : « Pour exprimer...
  • DESSIN

    • Écrit par et
    • 6 890 mots
    • 1 média
    ...de volume et de clair-obscur, et donc de l'étude de la figure humaine. Après les nus remarquables d'Antonio Pollaiuolo et de Luca Signorelli, toute une tradition du dessin anatomique à la pierre noire se développe, illustrée par Raphaël, Michel Ange (qui lui préfère parfois la sanguine), Titien,...
  • DÜRER ALBRECHT (1471-1528)

    • Écrit par
    • 4 510 mots
    • 6 médias
    ...Dürer prend une orientation plus précise, comme s'il avait fallu un délai de mûrissement pour que le voyage en Italie portât véritablement ses fruits. Le corps humain et la perspective deviennent ses principales préoccupations, et ses œuvres semblent être tout à la fois des expériences et des manifestes....
  • RENAISSANCE

    • Écrit par , , et
    • 31 095 mots
    • 21 médias
    ...expédients comme la transparence feinte d'une ouverture, on arrivait à montrer simultanément toutes les parties d'un objet, même les parties cachées. Très vite, on entreprit une recherche analogue sur le corps humain : on tenta de trouver un système de proportions évalué soit en fonction d'affinités...
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