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NUCLÉIQUES ACIDES

Pathologies réparationnelles

La fidélité de la réplication de l'ADN est de l'ordre de 10—10 erreur par base nucléique répliquée. Cette fidélité extraordinairement élevée est due à deux activités enzymatiques majeures. Les ADN-polymérases, qui répliquent l'ADN selon les règles d'appariement des bases de la double hélice, possèdent une « activité de relecture » permettant de tester, au moment de l'incorporation d'une base, l'exactitude de l'appariement. Cette fonction de contrôle enzymatique permet une fidélité de l'ordre de 10—6. Les erreurs qui ont subsisté, malgré l'efficacité de la relecture, peuvent être à nouveau détectées et réparées, afin d'aboutir à la fidélité finale de 10—10, grâce au dépistage des mésappariements après le passage des ADN-polymérases. Les enzymes impliquées dans cette réparation sont très conservées au cours de l'évolution et possèdent des homologues chez la bactérie, la levure et l'homme, comme on l'a vu plus haut.

La relation entre instabilité génétique des cellules tumorales et enzymes de réparation des mésappariements est apparue clairement lorsque les chercheurs ont montré l'existence d'une instabilité majeure des séquences répétitives de type microsatellite dans de nombreuses cellules tumorales. Les microsatellites, séquences plusieurs milliers de fois répétées dans les cellules humaines, sont constituées de la répétition d'un motif di-, tri- ou tétranucléotidique. Ces séquences, difficiles à répliquer du fait de leur structure, sont des points chauds d'erreurs effectuées par les ADN-polymérases qui « glissent » sur ces séquences et ajoutent ou éliminent une partie des motifs répétés. Ces erreurs sont normalement réparées par les enzymes de réparation des mésappariements. En l'absence de réparation, on observe l'accumulation d'erreurs que l'on peut mettre en évidence en mesurant la variation de la taille des microsatellites. C'est exactement ce qui a été démontré dans le cas des cellules tumorales des cancers héréditaires non polypeux du côlon, des HNPCC (hereditary non polyposis colorectal cancer, ou syndrome de Lynch). Cette observation a permis de montrer que ces cellules tumorales étaient déficientes dans les enzymes de réparation du fait d'une mutation germinale sur les gènes de réparation (hMSH 2 ou hMLH 1). Dans les familles où peut survenir cette maladie, une mutation sur un des allèles des gènes de réparation est transmise génétiquement. Mais il faut une seconde mutation sur l'autre allèle pour que les cellules deviennent tumorales. Cette prédisposition familiale amène ainsi la formation de tumeurs en majorité coliques, ainsi qu'une augmentation de la fréquence des cancers de l'endomètre, du tractus urinaire et de l'estomac.

Maladies liées à une instabilité chromosomique spontanée ou induite

Parmi les syndromes héréditaires liés à une instabilité chromosomique « spontanée », trois maladies ont été particulièrement bien analysées : syndrome de Bloom, anémie de Fanconi et ataxie-télangiectasie.

L'ataxie-télangiectasie (AT) est une maladie non liée au sexe, transmise de façon récessive, caractérisée par une sensibilité particulière aux radiations ionisantes. L'incidence est de l'ordre de 1 pour 40 000 naissances, et la fréquence des parents hétérozygotes de ces malades serait de l'ordre de 1 à 2 p. 100 dans la population générale. Ces malades développent des cancers (leucémies et lymphomes T, mais aussi des tumeurs solides) avant l'âge de vingt ans. On a estimé que ces anomalies génétiques liées au syndrome AT dans la population seraient responsables de 5 p. 100 de tous les cancers apparaissant avant l'âge de quarante-cinq ans. L'isolement en juillet 1995 du gène ATM, responsable de cette maladie, autorise[...]

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Écrit par

  • : docteur en médecine, docteur ès sciences, professeur de biochimie à la faculté de médecine de Cochin-Port-Royal
  • : directeur de recherche de classe exceptionnelle au C.N.R.S., unité 1292 (génotoxicologie et réparation de l'ADN)
  • : ingénieur-docteur, docteur ès sciences, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, ingénieur E.S.C.I.L.
  • : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur de l'Institut de recherche sur le cancer, agrégé de l'Université

Classification

Pour citer cet article

Jacques KRUH, Ethel MOUSTACCHI, Michel PRIVAT DE GARILHE et Alain SARASIN. NUCLÉIQUES ACIDES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Molécules constitutives des nucléotides - crédits : Encyclopædia Universalis France

Molécules constitutives des nucléotides

Nucléosides et nucléotides dérivés de l'adénine - crédits : Encyclopædia Universalis France

Nucléosides et nucléotides dérivés de l'adénine

ARN de transfert : structure en feuille de trèfle - crédits : Encyclopædia Universalis France

ARN de transfert : structure en feuille de trèfle

Autres références

  • ADN (acide désoxyribonucléique) ou DNA (deoxyribonucleic acid)

    • Écrit par Michel DUGUET, Universalis, David MONCHAUD, Michel MORANGE
    • 10 074 mots
    • 10 médias
    Le 25 avril 1953, l'Américain James D. Watson et le Britannique Francis H. C. Crick, récipiendaires, en 1962, avec le Britannique Maurice Wilkins du prix Nobel de physiologie ou médecine, proposaient, dans la célèbre revue scientifique anglaise Nature, une structure tridimensionnelle...
  • ALTMAN SIDNEY (1939-2022)

    • Écrit par Georges BRAM, Universalis
    • 377 mots

    Le biochimiste américain d'origine canadienne Sidney Altman est né le 7 mai 1939 à Montréal (Canada). Après des études de physique au Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Cambridge et une année à l'université Columbia à New York, il fait, à l'université de Boulder (Colorado), des recherches...

  • ANTIGÈNES

    • Écrit par Joseph ALOUF
    • 7 382 mots
    • 5 médias
    L'immunogénicité des acides nucléiques, longtemps niée, est désormais bien établie, mais ne concerne que certains acides ribonucléiques (ARN) et désoxyribonucléiques (ADN). Les autoanticorps anti-ADN caractérisent certaines maladies auto-immunes (lupus érythémateux disséminé). Enfin, certains lipides...
  • ARN (acide ribonucléique) ou RNA (ribonucleic acid)

    • Écrit par Marie-Christine MAUREL
    • 2 772 mots
    • 2 médias

    Faut-il voir dans une molécule biologique omniprésente dans toute structure cellulaire des êtres vivants, l'ARN (acide ribonucléique), la première étape de l'histoire de la vie ? Les ARN contemporains sont-ils les fossiles d'anciennes molécules ? Les voies métaboliques primordiales...

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Voir aussi