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TYRANNIE, Grèce antique

Même si le terme de tyran n'est pas d'origine grecque, la notion de tyrannie apparaît en Grèce au viie siècle avant J.-C. Plusieurs centaines de personnages ont été qualifiés de « tyrans » du viie au ier siècle avant notre ère. Beaucoup d'entre eux ne sont pour nous que des noms, mais les quelque quarante tyrans sur lesquels nous disposons d'un peu plus de détail forment une galerie de portraits extrêmement pittoresque. La récurrence des mêmes anecdotes à propos de plusieurs d'entre eux est remarquable, mais l'interprétation du phénomène demeure délicate : dans quelle mesure les tyrans ont-ils eu la même attitude, ou se sont-ils imités les uns les autres ? dans quelle mesure leurs partisans, leurs adversaires ou leurs historiens ont-ils repris les mêmes lieux communs ?

« La tyrannie est chose glissante », notait déjà, selon Hérodote, la fille du tyran Périandre. De fait, aucune dynastie tyrannique n'est parvenue à se maintenir sur trois générations. Les tyrans archaïques ont su s'imposer en profitant habilement de graves conflits sociaux et politiques survenus dans leur cité ; les mesures assez brutales qu'ils ont prises contre leurs rivaux de l'aristocratie ont souvent eu pour effet de rendre possible, après leur chute, l'instauration de régimes plus démocratiques ou d'oligarchies moins étroites. Il serait néanmoins excessif de faire de la tyrannie une phase nécessaire dans l'évolution politique grecque, car beaucoup de cités ont été épargnées par ce phénomène. De même, il est incontestable que la réapparition de tyrannies après la guerre du Péloponnèse, à la fin du ve siècle, est liée aux difficultés intérieures et extérieures de certaines cités, mais il faut se garder d'exagérer l'importance du phénomène. Les régimes constitutionnels, démocratiques ou oligarchiques restent les formes politiques les plus répandues dans le monde grec.

La tyrannie est en revanche au centre de la pensée politique grecque. Le tyran est considéré par beaucoup de Grecs comme le plus heureux des hommes, mais un courant important de la réflexion politique, d'Hérodote à Platon et Aristote, s'attache à montrer que le même tyran, esclave de ses passions les plus basses, tombe nécessairement dans la démesure et le crime. Tout régime arbitraire est assimilé à une tyrannie, qu'il s'agisse d'une oligarchie dans laquelle une clique étroite s'arroge tous les pouvoirs ou d'une démocratie dans laquelle la majorité pauvre se croit au-dessus des lois. De même, la domination d'une puissance impérialiste, comme l'Athènes du ve siècle, est présentée comme une tyrannie.

La notion de tyrannie

Thucydide - Athènes - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Thucydide - Athènes

Si l'on en croit le sophiste Hippias d'Élis (ve s. av. J.-C.), le mot tyran (turannos), totalement absent des poèmes homériques, aurait été employé pour la première fois par le poète Archiloque de Paros, au cours de la première moitié du viie siècle, pour désigner le souverain lydien Gygès, fondateur de la riche et puissante dynastie des Mermnades (dont le dernier représentant fut le fameux Crésus). Le terme même a été emprunté par les Grecs à un peuple voisin (des rapprochements, très hypothétiques, ont été suggérés, avec des titres royaux lydiens, étrusques ou phéniciens). Il est ensuite appliqué à des individus dont le pouvoir en Grèce paraît beaucoup plus proche de celui des souverains lydiens que de celui du roi grec traditionnel (basileus), aux attributions bien délimitées. Le contraste est marqué par Thucydide (I, 13) : les tyrannies apparaissent avec l'accroissement des réserves en métaux précieux ; auparavant, il n'existait que des royautés aux privilèges déterminés. Pour Thucydide, un tyran est donc un roi qui a de l'argent.

Dans la pensée politique du ive siècle avant J.-C., l'opposition[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'histoire grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Pierre CARLIER. TYRANNIE, Grèce antique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Thucydide - Athènes - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Thucydide - Athènes

Hérodote - Halicarnasse (Asie Mineure) - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Hérodote - Halicarnasse (Asie Mineure)

Tête présumée de Sargon d'Akkad-Naram-Sin - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Tête présumée de Sargon d'Akkad-Naram-Sin

Autres références

  • ACROPOLE D'ATHÈNES

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN
    • 8 215 mots
    • 9 médias
    Durant la tyrannie de Pisistrate et de ses fils (560-510), l'Acropole redevint le siège du pouvoir politique : le tyran y résidait sous la protection de sa garde personnelle. Comme dans bien d'autres cités au vie siècle, la tyrannie ne fut pas à Athènes une période d'oppression farouche, mais...
  • AGATHOCLE (env. 359-289 av. J.-C.)

    • Écrit par Joël SCHMIDT
    • 431 mots

    Fils d'un potier de Rhêgion (auj. Reggio di Calabria) Agathocle, né à Thermae près d'Himère, fait partie d'une faction populaire qui dispute le pouvoir à l'aristocratie grecque de Sicile. Un coup d'État lui permet de devenir, à Syracuse, un de ces tyrans progressistes...

  • AGRIGENTE

    • Écrit par Michel GRAS
    • 2 116 mots
    • 8 médias
    ...J.-C.), elle connaît une alternance de régimes tyranniques ( Phalaris de 570 à 554, Théron de 488 à 473 en particulier), oligarchiques et démocratiques. Les deux principaux tyrans marquent de leur personnalité l'histoire d'Agrigente ; Phalaris vaut mieux que l'image du souverain cruel, faisant brûler ses...
  • ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 23 786 mots
    • 2 médias
    Sauf dans le cas extrême de la tyrannie, le commandement politique diffère du rapport de maître à esclave, car il s'adresse à des hommes libres. En droit, le meilleur gouvernement est la monarchie, c'est-à-dire une forme de gouvernement analogue au commandement que, dans l'ordre domestique,...
  • Afficher les 18 références

Voir aussi