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THUCYDIDE (env. 460-env. 400 av. J.-C.)

Thucydide - Athènes - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Thucydide - Athènes

Thucydide occupe une place unique parmi les historiens. Racontant une guerre qu'il avait vécue, il en a donné une analyse si profonde qu'il a réussi à en faire, comme il se l'était proposé, une « acquisition pour toujours », où chaque époque apprend, à travers ce récit du ve siècle avant J.-C., à mieux comprendre ce qu'elle vit. Thucydide a raconté la guerre du Péloponnèse, c'est-à-dire l'affrontement qui, de 431 à 404 avant J.-C., opposa les deux grandes cités grecques alors à leur apogée : Sparte, qui dirigeait la confédération péloponnésienne, et Athènes, dont l'empire, né au lendemain des guerres médiques, n'avait cessé de s'accroître et jouissait, sous l'impulsion de Périclès, d'un prestige rayonnant, dont portent témoignage les monuments de l'Acropole.

La vie de Thucydide est toute mêlée à cette guerre, elle lui est subordonnée. Il avait conçu dès le début l'idée de s'en faire l'historien. Il y prit part lui-même : apparenté à l'une des familles nobles d'Athènes, il fut même pourvu d'un commandement. Mais son échec à Amphipolis, en 424, lui valut d'être exilé. Il consacra alors tout son temps à sa tâche d'historien. Il était riche ; il put voyager, enquêter dans les deux camps. Lorsque finit la guerre, en 404, il vivait encore, puisqu'il fait allusion dans son œuvre aux événements d'alors ; rentré ou non à Athènes, il dut mourir peu d'années après cette date ; son histoire, en tout cas, demeure inachevée : elle s'interrompt, avec l'actuel livre VIII, vers la fin de l'année 411. Autrement dit, Thucydide ne semble avoir existé que pour s'intéresser avec passion à cette grande expérience contemporaine et pour chercher à en exprimer le sens dans une œuvre qui en fût digne.

L'événement

Thucydide explique lui-même, au début de son histoire, ce qui suscitait de sa part un si vif intérêt : c'était, déclare-t-il, l'importance sans précédent que l'événement allait avoir. Peut-être parle-t-il là en Athénien du ve siècle et expédie-t-il un peu aisément les grandes guerres du passé, guerre de Troie ou guerres médiques. Mais on voit bien ce qu'il veut dire ; car il est vrai qu'à la veille de la guerre, Athènes avait acquis une puissance qu'aucun État grec n'avait encore connue. Cette puissance se fondait sur des moyens modernes et réalistes : la marine et l'argent, et s'étendait à presque toute la mer Égée.

Or, en 431, les alliés de Sparte obtiennent qu'elle sorte enfin de sa tranquillité pour se faire, contre Athènes, le champion de la liberté grecque. Allait-elle réussir ? Périclès, sûr de sa tactique défensive, fondée sur la maîtrise de la mer, assurait qu'il n'y avait rien à craindre. Les Grecs, dit Thucydide, guettaient. Et Thucydide lui-même, assurément, guettait aussi.

Ils devaient guetter pendant vingt-sept ans. Après dix ans de guerre, qui semblèrent donner raison à Périclès, mais où bientôt des risques de défections apparurent, il y eut une paix – au mirage de laquelle Thucydide ne se laissa pas prendre. Athènes, en effet, profita de ce répit pour partir, un peu follement, à l'assaut de la Sicile. Cet épisode, que Thucydide raconte avec un soin particulier, aux livres VI et VII, entraîna la reprise de la guerre ; et le désastre qui y mit fin plaça dès lors Athènes en fort mauvaise posture. Les défections se multiplièrent. Des crises politiques s'en mêlèrent. En 404, la défaite athénienne marqua la fin de l'empire.

Tel est le sujet de Thucydide, important par ses conséquences, mais dont la conclusion ne fut pas telle qu'il avait dû l'espérer au début. Car son œuvre n'est pas dépourvue d'un hommage assez vibrant à l'adresse de cette Athènes dont il allait décrire[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure, membre de l'Institut, professeur au Collège de France

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Média

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