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THOMISME

Corps doctrinal à la fois philosophique et théologique que caractérisent une forte cohérence et des perspectives critiques, le thomisme s'est rapidement imposé à l'attention. Du vivant même de son auteur, l'accueil et les oppositions ne lui ont pas manqué. Le thomisme est pourtant une entreprise irénique par son double souci de rejeter le dogmatisme hors du domaine où règne la raison et de présenter sur les problèmes de la philosophie et de la théologie une vue austère peut-être, mais toujours faite de haute intelligence. La canonisation qui en 1323 inscrit Thomas d'Aquin au nombre des saints, la proclamation au xvie siècle de son titre de docteur de l'Église, l'appel à son nom à la fin du xixe siècle pour restaurer l'enseignement de la philosophie dans les institutions ecclésiastiques ont entretenu la persuasion que le thomisme est une doctrine bien élucidée et que les affirmations des théologiens ou de tel porte-parole dans l'Église romaine en représentent l'authentique traduction. Mais c'est là profonde illusion.

Par suite de ses nouveautés, le plus souvent minimisées par son auteur lui-même, du fait aussi de son élévation intellectuelle et de son accès difficile, la pensée thomiste a été d'emblée l'objet d'interprétations divergentes et même de méprises considérables. Faute de méthode historique – dont l'idée et les normes n'ont que récemment pu recevoir leur formulation –, les façons académiquement admises de lire ces textes que Thomas avait parés d'une limpidité qui a donné le change sont souvent restées partielles ou gauchies selon le goût de l'époque. Aujourd'hui mieux que jamais, on mesure l'écart qui sépare la pensée génuine de Thomas et une foule d'ouvrages placés sous son patronage. Il y a donc deux thomismes : celui de Thomas et celui de la tradition subséquente qui, si elle se réclame du premier et prétend le développer, est affecté d'altérations surprenantes.

Le thomisme de Thomas d'Aquin

Théologien avant d'être philosophe, Thomas d'Aquin propose de la révélation biblique s'épanouissant dans le Christ une conception contemplativement intellective, puisée surtout dans l'Évangile selon Jean, mais animée d'une tension et d'un dynamisme qui, comme dans les Évangiles synoptiques, plus dramatiques, s'arc-boutent sur un présent de recherche onéreuse pour passer vers la gloire du moment pascal. Dégagée en premier pour le Christ à l'aide de la notion dionysienne d'action « théandrique » (simultanément divine et humaine), amplifiée grâce à l'application à tout le créé du schéma « émanation-retour », cette synthèse de contemplation sereine et d'effort pathétique leste de densité dynamique le point de vue théologique de Thomas. Portant à l'achèvement la théologie du mystère révélé des trois Personnes divines que saint Augustin avait instaurée en y montrant la fécondité de la vie intellective et volitive en Dieu, le maître médiéval s'y réfère comme à un modèle pour éclairer le sens dynamique qu'il attribue à la structure d'image trinitaire définissant l'homme dans la tradition théologique. En rupture avec la part d'essentialisme platonicien aux références éternistes et statiques dont il dénonce la présence dans la tradition augustinienne, Thomas professe une vision neuve par la mise en valeur de l'activité de l'homme et de sa recherche intelligente du bonheur. Ainsi décantée du spiritualisme platonisant, cette nouvelle conception de la théologie est prête non seulement à s'accorder avec l'effort philosophique, mais encore à le favoriser. Avant d'en exposer quelques thèses typiques, on examinera en bref les points principaux de la philosophie qu'elle a suscitée.

La philosophie[...]

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Pour citer cet article

Édouard-Henri WÉBER. THOMISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Le Triomphe de saint Thomas</it>, F. Lippi - crédits : V.Pirozzi/ De Agostini/ Getty Images

Le Triomphe de saint Thomas, F. Lippi

Autres références

  • ACTE, philosophie

    • Écrit par Paul GILBERT
    • 1 282 mots
    ...(Maurice Blondel). Louis Lavelle reprend cette idée quand il affirme que « l'acte n'est point une opération qui s'ajoute à l'être, mais son essence même ». La tradition thomiste (Jacques Maritain, Aimé Forest, Étienne Gilson) qui parle d'acte d'être, se retrouve aisément en ces affirmations. L'idée revient...
  • ANALOGIE

    • Écrit par Pierre DELATTRE, Universalis, Alain de LIBERA
    • 10 427 mots
    ...historiographique de l'«  aristotélisme médiéval » : l'interprétation strictement « aristotélicienne » et l'interprétation « aristotélico- thomiste ». Cette révision critique est fondée sur deux thèses : la théorie de l'analogie de l'être n'est pas une théorie originairement aristotélicienne,...
  • BOUTANG PIERRE (1916-1998)

    • Écrit par Jean-François DUVERNOY
    • 710 mots

    Né à Saint-Étienne le 20 septembre 1916, Pierre Boutang avait quarante-huit ans de moins que le maître qu'il s'était choisi dès son adolescence : Charles Maurras. En politique, domaine dans lequel l'adhésion implique une appartenance, c'est beaucoup ; d'autant plus que celle-ci n'était...

  • CAJÉTAN TOMMASO DE VIO dit (1469-1534)

    • Écrit par Bruno PINCHARD
    • 1 235 mots

    Le plus grand théologien catholique de la Renaissance, Tommaso de Vio, était né à Gaète (d'où le nom qu'on lui donna — Il Caietano), dans une famille noble. Il entra chez les dominicains à Naples en 1484, dans ce même couvent où furent admis, avant lui, Thomas d'Aquin...

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Voir aussi